Au comptoir
- Tes qui, toi ?
- Comment, tes qui toi ?
- Ouais, tes qui, toi ?
- Je comprends pas.
- Ah ! tu comprends pas ! Pourtant, cest simple.
- Bon…
- Tarrives au troquet, tu mates ma gonzesse et tu prends un pastis.
- Alors, on peut pas boire un pastis ?
- Pas avec mon eau.
- Cest un pot pour deux.
- Non, monsieur, cest mon eau.
- Jvais demander un pot, si tu veux.
- Voilà quil donne des ordres, le petit impertinent.
- Patron, un pot deau, sil te plaît !
- Tu crois pas que tu vas ten tirer comme ça ?
- Rapport à leau ?
- Non, rapport à ma gonzesse. Viens ici, Charlene. Tu connais ce type ?
- Jlai jamais vu.
- Et en plus, tu le connais pas. Tu sais des types comme toi, jen ai brisé des chiées. Jsuis connu
dans le quartier. Pas vrai Charlene.
- Allons, on va pas sarracher le veston parce que jai jeté un oeil sur Charlene, comme jai regardé
tout le monde en entrant.
- Tu lappelles Charlene, à présent, ce culot… Va tasseoir, Charlene. Monsieur est pas contre ?
- Elle fait ce quelle veut.
- Cest encore heureux. Dis donc, lève un peu la tête. Tes pas Belge, toi ? Doù tu viens, bijou ?
- De Mauritanie.
- Ça y est. Fallait le dire tout de suite. Tu sais, cest impoli de lever les yeux sur une blanche !
- Oh ! i ma giflé, le sagouin ! Tes témoin Charlene… I men remet une autre. Tas de la chance
que je peux pas répondre pour ma licence…
- Ten veux encore une ?
- I remet ça ! Arrête, cest un malentendu.
- Quoi, cest un malentendu ?
- Cétait manière de dire quun pot deau pour deux, cest un peu juste.
- Voilà que ty viens…
- Attends, lève plus la main, tu vois que je saigne…
- Jtécoute.
- Tas raison de mater les gonzesses. Jtaurais bien présenté, cest rapport aux circonstances.
Charlene, viens dire bonjours au monsieur !
- Jmappelle Fabrice.
- Et moi Charlene.
- Voilà, cest-y pas mieux ainsi…
- Tas quand même oublié une chose.
- Moi, je crois pas, non. Dis toujours…
- Taimes pas les Mauritaniens, toi ?
- Moi ! Quelle erreur ! Je dis toujours que si on avait pas les étrangers, comment quon ferait pour
ramasser les poubelles.
- Comment i faut comprendre ça ?
- Ecoute Fabrice, tu permets que je tappelle Fabrice ? Cest une richesse davoir des gars qui se
déplacent pour bosser à notre place dans ce bled pourri. Au fait, tu fais quoi Fabrice ?
- Jsuis avocat et toi ?
- Jfais des bricoles en attendant davoir un vrai boulot. Si tas besoin dla main dœuvre, tapisser,
porter des valises, vider tes corbeilles à papier… Te gêne pas.
- Merci, jai ce quimfaut.
- Quest-ce que je toffre… si, si, jy tiens. Cest ma tournée…