C'est choucard comme un camion : Cradle of filth
- Dis, Ginette, tu veux pas fermer ton bastringue, on s’entend plus pour boire ma bière !
- Mais, c’est la cinquième de Beethoven !
- Ah ! parce qu’il en a fait cinq, ce con-là…
- On est à l’andante con moto.
- En plus, il était en moto !
- Mais…
- Nom de dieu, je te le dirai plus…
- C’est bon. Je ferme.
- Ah ! je respire. Mais qu’est-ce que t’as pour des goûts ? Et c’est pour tout la même chose. Non, faut que tu te distingues. L’autre soir au concert Cradle of filth, c’était super bandant, et toi, t’es restée sur la banquette à te boucher les oreilles, au risque de te faire piétiner. Quand y a plus eu de banquette, t’avais le cul dans les crachats, les tessons et la gomme Michelin. Et si le gars à côté qu’a lâché un fil, avait pas visé la boîte de coca, je te voyais à la mouillette !
- C’est des bruits, c’est pas de la musique.
- C’est tout ce que tu trouves à dire. C’est des bruits ! Mais l’asticot de ta cinquième, est pas capable de sortir des sons pareils. Et puis, tu m’as dit, il était sourd. C’est un comble, ça. C’est un sourd qui me dit ce que je dois écouter. Nom de dieu, faut que ça change. C’est comme ta collection de pinceaux à cent dix euros le poil de cul, madame fait de l’aquarelle !
- …de la gouache, que c’est…
- M’en fous… tout ça c’est comme les tags, à part que c’est pas ailleurs, c’est ici nom de dieu les saloperies ! Et pour faire quoi, hein, je te demande : des putes torchées dans des arbres qui baisent des Italiens ! Et comme il l’a en poils de porc, le cavaliere, t’attrape le cordon de sonnette de ta foufoune comme le phare d’Alexandrie…
- Non, c’est pas l’Italien de la cour. C’est la tête d’esclave de Michel-Ange que j’ai en chromo….
- Si, je te dis ! C’est l’Italien de la cour que t’as fait !
- Personne pose pour moi dans ma cuisine.
- L’Italien à poil dans la cuisine, en esclave ! T’as tes époques pour me parler comme ça ? Aha ! Parce que je vois pas la coquemar de tante Sarah qu’est sur la toile derrière l’arbre à biroute ? Esclave, mon cul…oui ! Si c’était encore un gars comme nous, ou au pire… de Milan, de Rome… Non. Madame s’exotise… Qui c’est qui s’est tapé toute la cage d’escalier en vert ? Et qui a jaspé les marches qu’on dirait du tapis de Tournai ? Hein, réponds ?
- C’est toi…
- T’as vu le travail, pauvre innocente ? La finesse du doigté ? Alors, faut pas me la faire avec tes enculages romantiques.
- C’est du symbolisme.
- En plus t’emploie des mots que personne ne comprend. Symbolisme, qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien ! quand on n’a à dire que symbolisme, on ferme sa gueule. Je ne sais pas ce qui me retient de te confisquer ton cahier de croquis et dans la foulée, celui de poésie. A 38 ans, madame écrit des vers, comme… hein ! celui qu’a écrit le corbeau et le renard…
- La Fontaine.
- Oui, La Fontaine. C’est déjà inventé la poésie de La Fontaine. Qu’est-ce que t’en as à foutre d’écrire, quand tu vois la vaisselle qui traîne et que t’es même pas fichue de remplacer le drap de lit qu’a des lignes de merde dessus depuis huit jours !
- C’est de ton côté. T’as jamais su te torcher…
- Je vais t’en foutre moi du bien torché et sur la gueule encore. Je parie qu’on va encore bouffer des spaghettis à la bolognaise ?
- Non. Je t’ai fait des tartines. Je vais à mon cours de poterie avec Fiorina.
- Fiorina ! Elle sait pas l’artiste qu’elle a à ses côtés… les pots qu’on dirait des étrons pour les encombrants, oui plutôt, ta poterie. Mais, bon dieu de merde, avec l’argent que tu dépenses en couleurs…
- Ce sont des émaux…
- En couleur je dis, plus tes aquarelles…
- Gouache !
- …mais on est bon pour l’huissier ! On va à la saisie ! Ah ! j’en peux plus des artistes moi. C’est comme la Fiorina, phénoménal abandonnée, depuis qu’elle course plus dans les lycées, vingt ans par derrière et soixante par devant, cette boîte à vérole fait dans la terre cuite. Il y a un lézard, hein, Biquette ? Dis-moi, elle éponge qui au cours du soir ? Le prof ? M’étonne pas. A un casier pour mœurs. Le bigleux du train fantôme de la foire d’octobre ? Celui qui montrait sa bistouquette à chaque passage devant le public ? Elle fait le métier, l’enflure ? C’est pas possible. Comment qu’elle gagne sa vie ?
- Elle cherche un emploi.
- Si c’est comme toi, elle trouvera jamais. Ou alors, en maison, à se faire gaufrer le berlingot par des Nord’ d’Af.
- T’es vulgaire.
- Aha ! C’est celui qui dit qu’est vulgaire. Et celle qui fait, c’est quoi ? Qui peint du joli cœur à la vulve galante, qui casse des pots comme deux phoques et qui fait son pet en vers de La Fontaine ?
- Non seulement t’es vulgaire, mais en plus t’es jaloux de mon talent.
- T’appelles ça du talent, ma coureuse ? Il est bien caché, dis-donc, ou alors tu t’arranges pour que d’autres en profitent, exposition-cocktail, mon cul, oui. Y a une couille dans le pâté. Avec la gueule de partouzeurs de tes visiteurs, d’anciens tôlards, des troquets qu’on fait maquereaux sur la batte avant que les Albanais reprennent les marmites… Il est joli ton livre des hommages… Merveilleuses artistes, renouveau de la peinture… Tu m’enfarines avec tes turlutes de chomiste. C’est où ta prochaine exposition, au Bois de Boulogne, chez madame Claude ? C’est qui le nouveau La Fontaine qu’expose en duo avec toi ? Rocco Si Freddi celui qu’en a une de 32 cm inscrite au livre des records, le patachon de l’Académie que tu pouvais pas voir dans la rue sans devenir comme une tomate ? Le tarzan du chtibre en pot ? Le Rupène grand format ?
- Rubens…
- Rubens, si tu veux… C’est pareil, c’est tous des fions. Je vais te traîner longtemps, dis, au jazz-tango sans qu’on voie la gueule de ton coquin ? T’es too much à la fin. T’es tellement devenue grande dame et pétasse que tu vas finir par me dévergonder… T’as plus le respect de l’honnête travailleur… Tu vas tenir le mur longtemps chez Arena ?...
…Tiens, je cause pour rien. Elle est partie… J’vais téléphoner, moi… Allô ! Allô ! c’est toi, bijou ? C’est toi ma Giovanna d’amour, ma perle de Syracuse, mon soleil de Palermo On sort ce soir, l’artiste est aux pots. Oui… Oui… Mozart, au concert… Comme tu veux trésor… Si je connais la flûte enchantée ? Je connais qu’elle… Ce sera un régal. Y aura Rampal ? Le garagiste ?... Ah ! le soliste, oui, c’était pour rire… Rambal… non…Rampal, voilà ! Nathalie Dessay en reine de la nuit ? Comme Régine !… J’ai tous ses tubes, je veux dire ses disques… Tu seras avec ta cousine malgache… Tu veux dire qu’elle est née en Malgachie… Oui, Madagascar, ce que j’ai dit… Si je suis raciste ? Moi ? Tu veux rire ? C’est du sang neuf tout ça… N’es-tu pas un peu bronzée, toi aussi ? Oui, toi, c’est le climat méditerranéen…. Mais, t’es la plus belle, carra mia ! Quand on aura reconduit ta cousine, tu me feras un spécial comme l’autre soir ? Ouais, quand t’as sauté de la garde-robe… Je raccroche… C’est ça, je t’aime mamour. …Oui, sur ton petit bouton… toutes les gâteries que tu veux.
(Il raccroche)
Ah ! c’est quand même beau l’instruction de ma Giovanna, pas comme le colis que j’ai à domicile. Ça veut écrire comme La Fontaine et ça met qu’un « r » à « carotte », alors que tout le monde sait qu’il en faut deux.