Laissez passer les voyous
Deux paysages du même pays, du même fleuve à 60 Km de distance lun de lautre.
On peut comparer facile… deux tours de roue.
Dun côté, vous avez Kid le Liégeois, lourd devenu léger, morve au nez et pyorrhée alvéolaire et de lautre Sugar Ray le Dinantais, 65 kg depuis toujours, ferme et musclé…
Dieu sait comme je suis de gauche et que la droite me fait frémir. Tout de même, ça date des assignats la méprise, quand John Cockerill avec très peu de poignons a acheté avec du papier toute la vallée de la Meuse depuis Ougrée jusquà Engis. Cest-y pas les mêmes révolutionnaires qui sétaient attaqués avant au monument de la place Saint-Lambert au point quon est toujours dans la merde depuis… qui ont vendu tout le paysage, fourgué le patrimoine et qui sont responsables solidaires avec lAnglais des pollutions, qui ont échangé, en quelque sorte, la misère paysanne contre la misère ouvrière ? Beau début, la gauche en Pays de Liège. Merci.
Quand ça fumait, que ça pétait le gaz et quon sétait habitué, que des générations depuis début dix-neuvième bouffaient tant bien que mal des légumes et de la viande qui tournaient vite en saloperies tant il y avait du poussier, de la fumée, de la crasse, louvrier repu avait la loque rouge, mais la merde au cul lobligeait daller au charbon chez Môssieu Cockerill, histoire de nourrir sa famille.
Ça a tenu le coup, vaille que vaille, jusquaprès le tout dernier baston avec lAdolphe.
Puis quand les successeurs du « génie anglais » ont épuisé le sol, gratter les dernières pierres à chaux, tondu lappareil à fric jusquà lultime pèpette, ils se sont sentis le besoin de saérer, daller mettre leurs grosses tuyauteries au bord de la mer, histoire découler les lingots plus cool…
Cest alors quon sest rendu compte de lampleur des dégâts.
Comme elle était belle la Meuse du temps des Princes, avec les bois de la Vecquée descendant jusquà la résidence dété de lAncien régime et quon voit noyée derrière le pont à Seraing encore aujourdhui, en se penchant par-dessus la rampe…
Si on fait attention aux discours de nos mentors de la démocratie, maintenant, 2003, cest toujours lesprit Cockerill qui les travaille, ces cons-là.
Certes, on va pondre des décrets de réhabilitation des sols, comme si on pouvait remettre la montagne à la place de la carrière, comme si on pouvait racler les allées du bois de Seraing rehaussées de toutes les merdes, sols vitrifiés, masque à gaz et vieux fonds dateliers quon a épandu pendant les cinquante ans du règne socialiste (Ah ! Seraing la Rouge, quelle blague) sans quaucun tribun qui lavait largement ouverte pour moins que cela, ne dise un mot !
Mais le plus beau, cest pour la fin.
Quest-ce quon va faire des terrains récupérés, certes rongés à mort par les acides, les coqueries, jonchés de métaux lourds, à lassainissement quasiment impossible ?
Aura-t-on la sagesse de laisser revivre les sols, replanter vaille que vaille les essences de la forêt primaire afin que dans deux, trois générations nos arrières petits enfants puissent y courir se revivifier les bronches ?
Non. Ils lont dit. En plus de lhabitat urbain qui va sétendre, gare aux cancers ! on espère attirer les nouveautés, les petites industries, les industriels à létroit sur les zonings, Hauts-sarts et compagnie. Tout ce joli monde va pouvoir y faire touiller dans leurs marmites repeintes nos bouillons donze heures !
Autrement dit, on remet ça. Aussitôt dépollué, repollué…
Merde. Les Dinantais, que je sache, sont pas morts de faim sans Cockerill.
Alors, quon nous foute la paix.
Le plus poilant, cest que les mêmes vitupèrent contre les taggueurs qui salopent – et cest vrai – les portes de garage et en général, toutes les surfaces propres, souillant à plaisir une ville quest déjà aux papiers gras, et aux crottes de chien. Bien sûrs les taggueurs sont des petits cons. Mais ils expriment leur malaise en petit, en besogneux de linculture ; par contre, les autres qui sont toujours à lextase devant le « génie » de Cokerill, non seulement ont laissé faire, mieux ont encouragé les successeurs, dUsinor à Arcelor, dans linnommable et les Seveso miniatures ; mais en plus, ils nenvisagent pas de les dégager du paysage mosan.
Alors, casserole pour casserole, jaime mieux hausser les épaules devant les bombeurs imbéciles, que dentendre les professionnels du crime écologiste me faire la leçon.