Un destin accompli.
L’esprit de contradiction est un maître qui pousse à d’étranges choses.
Louise l’avait aimé parce qu’on le disait taciturne et un peu chien. Comme sa mère avait cherché à la dissuader de le suivre, elle partit avec lui en laissant au désespoir un mari doux et aimable. Elle trouvait son amant bel homme et fort sérieux, alors qu’il était vieux, gras et qu’il lui refila une mycose tenace qu’il tenait lui-même d’une barmaid de fâcheuse réputation
On assurait qu’il était intelligent… et comme souvent l’opinion se trompe…
Pour avoir à son âge senti le besoin de répondre à la passion de Louise, l’était-il vraiment ?
Il n’avait pas son pareil pour croiser les mots et remplissait facilement des grilles notées six étoiles. Peut-on affirmer sans risque de se tromper qu’un cruciverbiste est un homme de culture ?
Elle lui écrivait des lettres de huit pages. Comme ce n’était pas assez, avec la clé qu’elle avait gardée de l’appartement de son mari, elle y faisait des incursions afin d’y dérober des objets pour les lui offrir.
Il se croyait poète et lui envoyait des vers de mirliton pleins de fautes d’orthographe. Elle plaçait ces méchants écrits dans un petit coffret qu’elle noyait de ses larmes dans des moments d’exaltation.
D’une voix de fausset, à laquelle elle était pourtant très sensible, il lui débitait des banalités qu’elle confondait avec l’éloquence du cœur d’un amant inspiré.
Il trouvait que ses lèvres étaient trop minces. Elle se les fit refaire sur le modèle de celles d’Emmanuelle Béart, ses seins tombants, elle les fit remonter. Et ainsi de suite… Y passèrent toutes les parties du corps. Quand on lui retendit la peau du visage, elle lui fit peur et il l’abandonna pour une ancienne maîtresse qu’il n’avait jamais cessé de voir.
Elle retourna chez sa mère qui pour la consoler lui dit que ce n’était qu’une erreur et que son mari l’attendait avec des fleurs dans un vase. Quand sa mère lui soutint qu’elle ne savait pas ce que c’était un chagrin d’amour. Elle courut à la grange et elle se pendit.