Lâge de larthrite !...
Lépoque éminemment jouisseuse et égoïste rend le cœur sec. Cest le résultat de labrutissement au travail pour le fric, et de la ruée vers les plaisirs par contrecoup après la « performance ». Piégés par le système, tous se sentent orphelins et célibataires. La famille nexiste plus. Les liens se relâchent y compris ceux essentiels du secours à lenfance et à la vieillesse. Pourquoi hébergerait-on ascendants et descendants quand on change de partenaires comme de chemise et quon répugne à partager le produit de ses efforts avec lêtre le plus proche ?
Ce manque dentraide est le signe dune belle dégringolade des mœurs qui samorce à peine. Cest le chacun pour soi sous le triple signe de la compétition, de la démocratie façon OMC, et de la connerie généralisée. Lillustration visible de cette dégradation sobserve dans le comportement à lidentique du personnel politique. Plus lélecteur est con plus ses représentants en sont dignes. En Belgique, on atteint des sommets. La gauche et la droite se confondent dans le même dégoûtant empirisme.
Les urgences nattendent pas que nous sortions de notre vulgarité agressive.
La vieillesse. Une personne sur trois, dans vingt ans ! Cest dire quil faut retrouver le sens de lhumain au plus vite.
On a souvent évoqué le Lapon abandonnant ses vieux sur un glaçon quil sépare ensuite de la banquise dun sec coup de pied. Il était dans la nécessité de le faire pour sa propre survie. Nous, cest vogue la galère dans les mouroirs où nous les abandonnons. A quand la SPV (société protectrice des vieux) en étroite collaboration avec la SPA ?
Le temps des vacances est propice aux abandons de cette sorte.
Les pépés qui échappent à lerrance sur lautoroute finissent en maison de repos. Ils partagent avec lépagneul et le bouvier le délicat problème des relations avec lhomme.
La vie de caserne, cest ce qui sappelle finir troufion deuxième classe au respect du règlement et à la pogne de ladjudant-chef de chambrée. A quatre-vingts piges, cest un fameux écolage !
Les mouroirs de luxe avec des géraniums aux fenêtres et la gueule enfarinée de la dirlo à la réception des conscrits pour le non-futur, partagent avec les autres hôtels terminus un seul objectif : fournir le moins pour gagner le plus. Hé oui ! jusque dans lhumain on touille pour le profit.
Ce nest pas donné les pensions des seigneuries, des cinq étoiles et des Saint-Tropez avec vue sur Liège. Louvrier qua pas de bas de laine, peut pas entrer, fichtre non ! Cest le rendez-vous libéral et chicos du quatrième âge, positif. Louis Michel ferait bien de se méfier, lui quest plus très loin… Souvent, toute la retraite y passe. Les suppléments, cest pour la famille. Du coup elle fait la gueule. Tant pour le repassage dune chemise, pour les prises de courant, pour le nombre de bain-douche… supplément pour tout. Aussi, pour punir son vieux, la famille ne va le voir que dans lespoir quon lui dise que cest plus la peine pour la semaine prochaine, attendu quil ne passera pas le week-end.
A la tôle, quand le rata est passable, y en a pas pour tout le monde et quand cest de la merde (le plus souvent), on sort de table en crevant de faim. Les suppléments, pâtisseries, fruits et divers, tout est à prix prohibitifs… Trois intermédiaires faut dire avant dêtre mastiqué par le matériel du prothésiste… le bougnat, le petit porteur, le gérant. Faites le compte. Même les médecins sen mettent plein les fouilles qui prennent dix déplacements quand ils visitent dix pensionnaires daffilée dans le même établissement, plutôt que le prix de la consultation comme il serait décent de faire.
Ce nest pas vrai ? Vous voulez des noms, des adresses ?
Certes, ce nest pas partout la fauche et lexploitation de la fragile vieillesse, il y a quelques restes dhumain parmi les filles de salle, de temps en temps une infirmière y va de son bon cœur. Cest surtout à ses risques et périls. Le mouvement de personnel dans ces casernes de la survie a quelque chose deffarant, du plan Rosetta, au stage précaire, des bataillons du FOREM défilent. Ce nest pas que ce personnel ne convient pas, ce sont toutes les combines à la Onckelinx du temps quelle soccupait de lemploi qui trouvent leur fatal dénouement dans lintérêt des tenanciers à évacuer par fournée et remplacer par semestre les bataillons de la misère remise au travail.
Ah ! ces entrepreneurs, chers à Menez, le Vande Putte des classes moyennes, jamais à court dimagination pour accommoder les sauces au moindre frais. Fatalité du commerce ? Non : syndrome Thénardier…
Les vieux en matière première, un détecteur de métaux précieux dans le blair, voilà les nouveaux Tapie. Les plus fortiches sont déjà à rôder autour des dépôts de pharmacie et du matériel orthopédique, question de se passer dintermédiaire… tout ce qui fait du bon libéral dans le débit de la couche-culotte et du bas à varices…
Question loisir, on ne se bidonne pas tous les jours. La téloche pour tout le monde, soporifique magistral, merveilleux auxiliaire du médecin de première ligne. La polypathologie du scrabble et des dominos vient juste derrière. Les jours de fête, cest un artiste bénévole de la chanson française qui susurre « Tata Yoyo » ou qui joue du violon avec une scie musicale, à moins que cela ne soit linverse. Thénardier adore le bénévole, surtout le bénévole avec voiture et matériel, celui que lon na pas besoin daller chercher à la gare et pour qui on ne loue pas un piano.
A lissue forcément fatale à ces âges, on prend dans le tiroir les petits souvenirs de celui quest plus là pour gueuler quon le vole. Thénardier se dit « Bah ! lhéritier, pour ce quil en fera. ». Vu sous cet angle, il na pas tort, car lun dans lautre, ils ne prennent que la jonquaille, du solide, la montre Piaget, pas la Seiko… question de principe. Les photos du tourlourou 14-18 et les moustaches retroussées dans des cadres ovales des 40-45… si le cadre vaut rien, poubelle ! Cest au premier qui arrive sur la dépouille qui se sucre, pareil dans la brousse qui est le plus rapide : vautour ou chacal ?…
Vous me direz, quest-ce quon en a à foutre des malheurs de Mathusalem qui vécut jusquà plus soif…
Que nous y réfléchissions tous comme lécrit si bien La Bruyère :
« Marquise si mon visage à quelques traits un peu vieux, souvenez-vous quà mon âge vous ne vaudrez guère mieux… »
Ce à quoi fit facétieusement répondre Tristan Bernard à Marquise.
« Jai vingt-six ans, mon vieux Corneille et je temmerde en attendant. »
Voilà. Tout est dit, nous avons tous vingt-six ans et nous emmerdons tous nos vieux. Mais faites gaffe, mes chéris, lannée prochaine vous en aurez déjà vingt-sept !