Requiem aeternan dona eis
On enterre samedi un personnage fort controversé. Toujours est-il que depuis lundi, on ne pourra plus limpliquer dans une affaire. Cest toujours ça.
Les foules ont plus besoin didoles que dhommes justes, attachés à leur service.
Guy Mathot était le type même du militant boulimique. Il sacharnait à accumuler tous les mandats, parce quil savait quà travers eux, cétait sa popularité quil soignait.
Combien avait-il de mandats ?
Le savait-il lui-même ?
Il arrondissait ses rentrées avec ses nombreux jetons de présence. Mais, il nest pas sûr que seul largent lintéressait. Le pouvoir, est une drogue. Il ne pouvait sen passer.
Parachuté à Seraing, le jeune Mathot sy intégra si bien quil devint en peu de temps la personnalité locale. En même temps, il faisait son chemin ailleurs, à Liège et à Bruxelles. Les roitelets locaux ont toujours eu beau jeu de se faufiler dans les hautes sphères pour faire avancer le schmilblick local, en même temps, cela les pousse eux-mêmes.
Ce fut comme sil était lenfant des corons du Many, lui qui naquit à Nandrin. Il avait la manière de se mettre au diapason de la foule. Luniversitaire biologiste incarnait louvrier mineur ! Sa familiarité un rien vulgaire était devenue naturelle à force dêtre étudiée. Il savait combien quelques mots de wallon valent plus pour se faire apprécier que de longs discours.
Sa présence sur tous les terrains lobligeait à un travail constant et, pour sen distraire, il avait besoin dune vie nocturne adaptée, afin doublier ses contraintes.
Véritable caméléon, il était à la fois tendre avec les vieilles et les vieux adhérents du parti, celles et ceux de qui il attendait la reconnaissance des urnes pour services rendus (pension, logement social, embauche, etc.), et dur avec ceux qui le contrariaient dans sa résistible ascension.
Tel était aussi André Cools. Et quil y ait eu entre eux, sur le tard, des rivalités épiques, ne fait pas lombre dun doute.
Sa carrière eut un départ classique, comme tous ceux qui deviennent militant comme on embrasse une carrière de comptable, ou douvrier qualifié. Il devint le porte-serviette dun homme fort : Freddy Terwagne, et qui ne le fut pas tant que cela puisquil décéda à un âge où il navait pas encore eu le temps de pourvoir son apanage.
Tout était-il à refaire ? Non. Pas tant que cela.
Entre-temps, le jeune homme avait réussi à prendre des contacts et il neut pas de mal à se rétablir avec les bonus que lon sait, à prendre pied là où avec un flair indiscutable, il sentait le pouvoir à portée de main.
Et ce nest pas tant Guy Mathot et ses semblables qui sont responsables de cet emploi particulier de la démocratie pour établir un pouvoir personnel, un empire pourrait-on dire ; mais les habitudes dun parti, du pari socialiste en loccurrence, et dune Belgique aux mœurs cannibales et bourgeoises à la fois.
Le PS qui devrait être lespoir et le refuge des petites gens dans la croyance de jours meilleurs nest en réalité que la caverne dAli Baba où les privilégiés qui connaissent les mots de passe, comme Franc-maçonnerie ou « qui je défends est maître » peuvent concevoir une vie débarrassée des contingences matérielles contraignantes.
Tout le reste nest que blabla publicitaire et faux semblants destinés aux croyants, aux purs, aux laissés pour compte de la vie, aux militants de base pour tout dire. Et ils sont nombreux. Ils vont du chômeur, à lenseignant, au syndicaliste, au retraité. Tous croient encore que cest ça la démocratie !.... Dans les défilés, ce ne sont pas ceux qui portent les pancartes, mais ceux qui sont devant qui passent au tiroir-caisse. Comme a si bien dit Bonaparte après le 10 brumaire « Il y a ceux qui font les révolutions et ceux qui en profitent. »
Cela ne veut pas dire que tous les dirigeants du PS sont indignes. Il y a, certes, des pointures qui ont commencé comme Guy Mathot, pour faire leur mea culpa ensuite, des militants de pur hasard et qui se sont trouvé sans le faire exprès là où il faut quand une « vedette » avait besoin de quelquun. Ces gens-là sont lespoir quun jour, les arrivistes, les faiseurs, les cupides seront dénoncés par la majorité des militants qui nont jamais voulu que lon osât parler de la difficile vie des petits, sans lavoir jamais vécue soi-même..
Comment situer Guy Mathot par rapport à cela ?
Il était peut-être un compromis, à la fois cupide et généreux, glorieux et modeste, rancunier et laxiste, versatile et sûr. Il croyait peut-être à ce quil disait. Mais alors, sa lucidité devait lui poser des problèmes de conscience ?
Un homme, en quelque sorte. Un homme qui aurait été autre si son parti avait été différent.
Mais voilà, on ne refait pas sa vie. On ne refait pas les mœurs, les traditions, les sociétés secrètes, les alliances hors nature. On ne refait pas le fond des êtres – leur « trognon » comme a dit Céline - leur soif de paraître et de dominer, ce goût de « mettre de côté pour les vieux jours », quand on a de gros besoins, quand on est pressé de jouir de tout : les femmes, la bonne bouffe, les vacances, la grande vie… Un idéal en somme, lorsquil est possible pour tous. Une monstruosité, quand il nest accessible quà quelques-uns.
Tous les mandatés de tous les partis feraient bien de sen souvenir et den méditer.