Cest le printemps…
-A force de voir du mal partout, tu ne tes même pas aperçu que le printemps était revenu !
- Cest vrai. Mon nez bourgeonne !
-Voilà, cest bien ce que je disais tu vois toujours le mauvais côté des choses.
-Tu parles comme Léon.
-Regarde la belle carrière que tu aurais pu faire dans la politique, si tu avais été un peu plus coulant et respectueux !
-Léon dit la même chose. Jaurais pu me fourrer au PS.
-Tu naurais pas longtemps rangé les chaises. Tu tinscrivais à une Loge et tu suivais le Grand Maître… avec les études que tu as faites… avocat, le bon profil… Cest parfait.
-Jaurais pu me fourrer au MR aussi...
-Tu naurais pas longtemps collé des affiches. Tu tinscrivais à une Loge et…
-Tu las déjà dit.
- Mais enfin, tu sais bien que jai raison. Au lieu de quoi…
-Au lieu de quoi, quoi ? Jai mon franc parlé. Je dis ce que je pense. Jai du plaisir autrement que mafficher partout, courir les réunions et risquer la cirrhose…
-Et moi ? Que fais-tu de moi ? Ce que tu me fais perdre en relation, en plaisir de recevoir, de partir en vacances, de changer lappartement avec un architecte-chou, dexister enfin ?
-Nous y voilà. Mais, ce nest pas ce que tu penses, le métier dhomme public. Il faut du désintéressement, de laltruisme de la persévérance et lamour des petites gens, des humbles… Ils doivent ristourner une part de leur salaire au parti, ils ont des frais, des obligations…
-Tu parles sérieusement ?
-On ne peut plus.
-Tu passes ton temps à écrire le contraire.
-Cest que moi, je me trouverais du côté des honnêtes, des bosseurs, de ceux qui y croient.
-Vraiment ? Il y en a encore ?
-Je tassure.
-Tu ne toucherais de commission nulle part ? Les cadeaux « pour madame » tu ne men rapporterais jamais ?
-Cela sappelle des pots-de-vin. Je ne suis pas un ripou…
-Mais tu es un monstre !...
-Quest-ce que tu racontes ?
-Tu serais habillé comme aujourdhui, tu aurais toujours ta voiture vieille de dix ans et tu remettrais les chaises en place avec les paumés du parti après les discours et les ovations ?
-Mais oui…
-Mais, il ny en a plus des types comme ça… Regarde autour de toi. Tas vu leurs bagnoles, où ils habitent, où ils partent en vacances et tout ça en remettant une part de leur salaire au parti ! Tes con, ou quoi ?
-Jhallucine, là ? Tu me parles du printemps, des petits oiseaux, des fleurs, tu me dis que je vois tout en noir et que je ferais mieux de faire comme tout le monde, puis cest toi qui mexplique comment ces gens-là vivent en vantant la vie quils ont !... et tu me reproches de ne pas en faire autant et de ne pas men mettre plein les poches!... Mais, cest exactement ce que je dénonce tous les jours !
-Voilà bien ton mauvais esprit. Nous devons de largent partout. On vient de recevoir une feuille dimpôt que je me demande avec quoi on va payer. Ta voiture est une épave. Je finis largent que jai hérité de la quincaillerie de mes parents. Je texplique comment faire pour ten sortir et tu me le reproches !
-Il y a des millions de gens qui vivent cent fois plus mal que nous et qui ne se plaignent jamais. Ce sont eux qui sont intéressants. Les anciens pauvres qui ont réussi ne mintéressent pas. Aller crier partout « honneur et démocratie » afin de profiter de largent de la collectivité me dégoûte… dire aux autres quil faut faire ceinture alors que je déplace lardillon de la mienne de deux crans chaque année, non merci…
-Tu vas nous faire la tirade de Cyrano, ma parole !... Tu ménerves tellement que je vais finir par dire ce que je tavais promis de ne plus dire à notre dernière querelle !...
- Quoi donc ?... Dis le…
-Tu es un raté, Gustave, un envieux et un raté…
-Ça manquait. Voilà, tu as réussi. Est-ce que moi je te rappelle que tu as été, il ny a pas longtemps « la pouffe du patapouf » ?
-Tu avais juré que tu ne me parlerais plus de lui !
-Chacun son immoralité, merde ! Je suis un con qui aime le peuple. Toi, tu es une conne qui sest faite avoir par un vieux dégueulasse !
-Puisque tu le prends ainsi, je vais le rejoindre !
-Ah ! parce que ce nest pas fini ! On en apprend tous les jours…
-Tu vois chaque fois quon se parle où ça nous mène ?
-Cest ça, ne nous parlons plus.
-Et dire que je te parlais du printemps !...