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Disparition médiatique.


Les babillants de RTL et de la RTBf viennent de passer une semaine épouvantable, une Saint-Barthélemy aux cris de « papiste… ou tu meurs ». Et l’hécatombe a bien eu lieu : plus un seul laïc n’a regardé la télévision ! Sale temps, pour les non-croyants.
On a rarement vu une personnalité aussi médiatisée, aussi idolâtrée par les caméras que celle de qui vous savez. C’est quasiment le fanatisme païen que l’on croyait enfoui dans les consciences chrétiennes depuis les bûchers des hérésiologues resurgissant dans les âmes désormais tourmentées par la volonté des producteurs.
Avant que l’audimat ne retombe, on espère faire la soudure avec Rainier de Monaco. Mais, on n’est pas sûr. Eventuellement, on serait d’accord de patienter le week-end avec le mariage de Charles et de Camilla. Rainier, c’est pour la semaine prochaine.
Tristes ou pas, heure après heure, nos lascars les ont revécus vingt fois, les derniers moments, de l’Illustre.
13 heures 12, le bulletin de santé publié n’est pas favorable… 15 heures une : On vous disait que le bulletin de 13 heures 12 faisait craindre une issue fatale… etc. A côté de nos pitres favoris figés dans l’angoisse obligatoire, Daneels pouvait entre messe et interview, suivre sur une chaîne sportive, Kim Clijsters se faire du blé à un tournoi. Les babillants, pas !...
Derrière les décors de RTL, Madame Reuter avale le sandwich posé sur un coin de table, les génuflexions ont distendu son porte-jarretelles. On improvise. Au Reyers, l’austère démarche, façon chapelle Sixtine court toute l’année. Patène, surplis et chasuble, on connaît. Le sérieux dans l’entraînement, ça finit par payer !
Et quand ils ont envie de pisser au milieu d’un bulletin qui dure depuis une heure trente, que font donc nos héros ? On a beau être au chagrin, on ne peut pas passer la soirée à se retenir.
C’est pas humain des métiers pareils, juste après la semaine sainte. Entre le ciel et eux, c’est un de ces va-et-vient ! !
Il respire faiblement… Voilà dix fois que les Porte-Cierges cathodiques reprennent l’info, le visage grave et consterné. Même pour le Christ, à force de dire qu’Il est mort sur la croix, ça fait presque plus rien… l’étourdissement de la fatigue.
« De Rome, à vous les studios. » Et on repart : à 19 h 14, il y a comme un mieux. Les journalistes se résignent à dormir sur les marches de Saint-Pierre.
Avant le drame universel, à la fin du bulletin, les préposés à l’info rassemblaient les papiers avec le sourire. On sentait la gaîté d’avoir fini journée. Fabienne parlait avec un machino qu’on ne voyait pas. C’était sympa.
-A Pâques, j’ai fait un repas cassoulet à Cahors….
L’agonie coupe tout, d’autant qu’il y a des cafteurs dans la production. Toute une Commission de curés aux étages, boulevard Reyers, ça rigole pas. Le moindre sourire, c’en serait fait d’une carrière.

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Triste la mort ! Si celle-ci était plus discrète ? Plus chrétienne… avec le respect qu’on doit à un vieil homme qui passe la main, on s’inclinerait dans le silence.
Mais en pleine foire? Garder le ton dans la terreur de faire un renvoi à l’ail et fines herbes ! C’est comme si Elvire pouffait à voir don Juan jouer sa scène braguette ouverte.
Etourdis, hébétés, les cathos en arrivent à avoir moins de peine, à force d’en avoir…
En attendant ça se précipite, l’événement est place Saint-Pierre. Les cœurs polonais sont sondés en priorité. Des vieilles bandes du temps de Jaruzelski et de Solidarnosc défilent entre les témoignages des romaines aux sanglots et des touristes français… les archivistes sont à cran… la chute du mur… l’homme providentiel à Cracovie, la jeunesse sportive… La douleur égare, son absence aussi.
L’envoyé spécial refait un tour de pêche. Une mère de famille prise d’hystérie mord à l’hameçon. L’émotion est palpable, la mère de famille romaine aussi.
Enfin, la nouvelle survient, libératrice et épouvantable, alors que tout le monde s’y attendait, la surprise est totale. Non, pas Lui !... On s’évanouit dans les carmels. Un jeune homme pleure à chaudes larmes. Il ne sait plus se retenir. La camera le fouille dans une indécence totale. On devine sur le visage inondé, l’amorce d’une chandelle sous le nez. C’est atroce…
Le calvaire des personnels de télé n’est pas fini. Jean-Charles de Keiser a rhabillé tout le monde en noir. Ils doivent tenir jusqu’à vendredi : l’enterrement. Les anciens du Conservatoire répètent devant la glace : « Le deuil frappe le monde entier… 10 millions de personnes sont attendues à Rome. Les gens ont dévalisé les « prêt-à-porter »… la jaquette noire est pratiquement introuvable…
On repense à Zitrone. Si gros Léon avait été là « Mesdames, messieurs bonsoir… en direct de la place Saint-Pi-è-rr-e… » Léon aurait redonné de l’espoir à une otarie dans un bac à sable au mois de juillet…
Les chefs d’Etat à la dépouille…. Anne Quevrin se pourlèche. Place Royale en a jusqu’aux vacances, rien qu’avec les rushs. Elle ne vaut pas gros Léon, mais bon… ce n’est pas son style. Au moins, elle ne force pas pour avoir la gueule de circonstance. Même quand elle rie, on croit qu’elle pleure !...
Pour vendredi, on avisera. Le deuil se porte violet cette année. Anne Delvaux a le teint trop abricot. Elle est pour le parme.
Ça repart en people… …
El rey d’Espagne passe tout le monde d’une tête. Il rivalise avec le chapeau de la reine Paola.
On ausculte les visages des familles régnantes. On parie. Qui sera le suivant ? Rainier compte déjà pour du beurre.
Berlusconi est au premier plan des cameras de la RAI et des autres chaînes dont il est propriétaire. Des dix millions de fidèles, si seulement il y en avait 10 % pour s’abonner aux chaînes payantes !... Il réussit à sortir une larme à force de se frotter les yeux.
Tout le monde est bien content que ça finisse.
Les millions d’enfants qui meurent sans un cri terrassés par la faim chaque année dans le monde ne font pleurer personne. C’est l’époque qui veut ça. La douleur, ça ne se commande pas.

Commentaires

un seul mot bravo! et merci pour votre chronique.

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