Tony les dents longues
Cest fait : Tony Blair a remporté un troisième mandat de Premier ministre après la victoire du parti travailliste aux élections législatives de jeudi, le Labour obtenant la majorité absolue aux Communes.
Ainsi se vérifie la dérive du socialisme européen qui gagne des voix en se présentant comme le grand parti du centre, plutôt que comme le grand parti de gauche. Nos socialistes lont très bien compris puisquils ne font pas autre chose.
Refusant de reproduire le didactisme des débuts du socialisme à une population secouée par le capitalisme mais ne sachant où se tourner pour sen défendre, nos modernes Pygmalion ont préféré à Londres comme à Bruxelles reléguer aux derniers rangs des meetings les quelques Jaurès qui restent, pour mettre en vitrine les universitaires bourgeois qui donnent le bon ton de la mode. Le socialisme y a gagné des voix, mais a perdu son âme.
Au point de vue strictement historique, cest lamentable. Même si dune manière pratique, cest lescarcelle de ces Messieurs qui se remplit.
Pour Tony Blair, cest leuphorie, bien que de nombreux électeurs aient voulu le "punir" pour sa participation à la guerre en Irak aux côtés des Etats-Unis. Quimporte, après tout, pour ces gens-là qui jouent leurs mandats sur les conseils des décrypteurs de la statistique et les plans de campagne des agences publicitaires, plutôt que sur de réels projets.
Cette victoire est dabord celle du marketing et du reniement des valeurs fondamentales du Labour, le parti socialiste anglais. Quimporte le vin, pourvu quon ait livresse, dit-on dans les milieux où ses affairistes redoutables, que sont devenus ces leaders de gauche, puisent les fondements des recettes du rendement électoral.
Mais pas que la gauche qui use des services des ingénieurs conseils, la droite en fait tout autant. Voyez Chirac et son programme contre la « fracture sociale » aux effets démagogiques si efficaces que la gauche a été fascinée tout un temps de ce cynisme payant. Cest le côté pratique de la démocratie par délégation pour ces politiciens à laffût. On promet la lune, on est élu. Il reste aux électeurs quatre ou cinq années pour la regarder la lune qui vous fait un pied de nez dans le ciel. Ils appellent ça « de bonne guerre », moi, jappelle ça une escroquerie.
Mais le résultat de lescroquerie est là. M. Blair sest assuré une place dans lhistoire en devenant le premier chef de gouvernement travailliste à remporter trois mandats successifs, malgré la guerre dIrak si mal engagée contre lopinion britannique et en osmose avec Bush et des mesures fort peu populaires qui ont mystifié les plus pauvres du royaume.
On lattend à présent sur la réforme des services publics. Quant aux emplois, on sait que la Grande Bretagne est le pays qui a le plus bas taux de chômage dEurope. Cette performance est due au détricotage massif des emplois à temps plein et à contrat illimité. Les intérimaires et la précarité devenant quasiment monnaie courante, on se demande si les socialistes allemands avec Schröder aux manettes ne tentent pas la même démarche et si nous, avec un Di Rupo pragmatique, nous nallons pas aussi basculer dans cette précarité généralisée, offrant plus demplois, mais à de moins bonnes conditions ?
La philosophie quil faut retirer de tout cela est sans appel pour le socialisme européen. Quoique ayant gagné les élections, Tony Blair est lexact continuateur de la politique de Margaret Thatcher ! Avec cette nuance quil a su attendre pour introduire des mesures aussi impopulaires sur lemploi et les revenus de remplacement, comme sur les dénationalisations, que les esprits sassoupissent et que la résignation, plus que la conviction, sinstalle dans les cœurs.
Cétait finement observé.
Mais où est le socialisme dans tout cela ?
Cest évidemment la question que lon peut poser non seulement en Grande Bretagne, mais partout où celui-ci a, ou a, partagé la majorité.
Nous verrons bien à la suite de lexpérience anglaise, quelle sera la leçon que le PS en retirera.
Les prises de position du PS en matière de chômage, ainsi que le "Oui" à lEurope libérale, ne nous portent pas à loptimisme. Cest dire, comme les travailleurs anglais, si les travailleurs belges sont mal partis.
Commentaires
En lisant le titre de cet article, je croyais que cétait un texte sur notre webmaster préféré qui se rend chez le dentiste.
Postée par Nain Dien | 11 mai 2005 - 00:00