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Vie wallonne.

- Ici Félix Scieaussi du grand quotidien liégeois « La Muse ». Monsieur Lucien Combattant, de Hamoir, a été tiré au sort pour répondre aux questions du grand quotidien liégeois « La Muse », sur le moral des Wallons. Première question : Monsieur Lucien Combattant, avez-vous le moral ?
-Nom de dieu ! si j’ai le moral… Ça se voit, que Lucien Combattant, adjudant-chef à la retraite a le moral. D’abord toi, du grand quotidien liégeois « La Muse », tu l’as fait ?
-Fait quoi ?
-Ton service militaire, nom de dieu !
-Bien non. On le fait plus.
-M’étonne pas. Voilà pourquoi on n’a plus le moral, nom de dieu ! moi, adjudant-chef Lucien Combattant de 40-45, 38 ans à la R.A.S.C. 12me compagnie du C.R.A.O.C., caserné à Namur 27 ans, je te dis, tous des planqués dans les gazettes, aujourd’hui, mon garçon.
- Le grand quotidien liégeois « La Muse » voudrait savoir si actuellement vous êtes content de la situation, bref si vous avez le moral ?
- M’étonne pas que des planqués posent des questions pareilles. Si j’avais pas le moral, je serais pas là à me faire casser les couilles par un scribouillard du grand quotidien liégeois « La Muse ». Ton journal n’a pas le moral, il déprime. Nom de dieu ! c’est pourtant pas difficile de trouver de la bonne nouvelle.
-Par exemple ?
-Pourquoi tu mets seulement en page 7 qu’à la Bourse, Pernod-Ricard est à la hausse ?
-C’est que ça n’intéresse pas beaucoup de lecteurs.
-Avec tes crimes, tes viols, tes attentats, ça intéresse les gens, Félix Scieaussi, planqué au grand journal liégeois « La Muse » ?
-Bien, ce sont des informations.
-Et pourquoi on parle pas plus souvent de la Belgique joyeuse de l’expo 58, des exploits d’Eddy Merckx, de Simenon, de Lise Thiry, du Mercator, du Congo belge et de la famille royale au grand complet, hein, dans le grand quotidien liégeois « La Muse » ?
-On en parle.
-Pas assez, nom de dieu ! Avant on savait y faire, le roi chevalier, Léopold dans les bagnes nazis, Elisabeth au violon et Charles, régent « présentez armes ! », le palu, l’Adamo, le père Damien, la Brigade Piron, les nègres de Léopold II, Titine et Jean-Claude van Damme. Aujourd’hui, il faut un événement à Monaco pour qu’on cite un peu l’épopée, qu’on retrouve des photos de Liliane au bord de la piscine !
-Quand on n’en a rien à dire…
-Justement, on trouve. Voilà du bonheur pour tout le monde. Mathilde enceinte…
-On en parle…
-Pas tous les jours, nom de dieu. Elle est enceinte tous les jours, ou pas ? Faudrait savoir…

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-Ce que le grand quotidien Liégeois « La Muse » voudrait savoir, c’est si aujourd’hui en juillet 2005, vous êtes heureux à Hamoir, vous, votre femme, vos voisins, le boulanger, tout le monde ?
-Tu vois des gens qui pleurent place Del’Cour, rue du Pont, qui se jettent dans l’Ourthe ? C’est qu’on est heureux, nom de dieu, par ici !
-Mais encore ?
- Mais encore, ma femme m’a quitté depuis 47 ans…
-Avec un autre homme ?
-Là tout de suite à la renifle du malheur. Non, môssieu Félix Scieaussi. Elle est morte dans son lit en serrant contre elle mes médailles militaires. C’est pas un planqué qui pourrait en dire autant, parce que de la Croix de feu avec glaive et brillants, ça se trouve pas dans les couloirs du grand journal liégeois « La Muse »…
-Elle est morte, votre femme ?
-Puisque je te le dis ! Et même que ça n’a pas réussi à me saper le moral. Sur la Lys en 40, c’était autre chose, nom de dieu. Je peux pas évoquer sans rattraper la chiasse. Y a pas de raison que tu comprennes, t’y étais pas… Le lendemain de l’enterrement de Francine, c’était une commémo… la première fois que j’avais plus d’heure pour rentrer. Nom de dieu… J’étais tellement bourré que j’y ai perdu mon calot, le beau avec la floche… merde tombé dans l’Ourthe quand j’ai dégueulé au pont de Tabreux !
-Et vos voisins ? Ils sont heureux, rue Puck Chaudoir ?
-Je connais pas. C’est venu de la ville, des étrangers de Liège et même de Maastricht. C’est te dire jusqu’où on va les chercher.... C’est pas des gens fréquentables. Je me suis mis avec une fermière de sur les Battys. On pète de bonheur dès qu’on est ensemble. C’est plus fort que tout. Comme elle est romantique, on a fini par faire des concours de pets.
-Je vois.
-Non, tu vois pas. C’est une veuve de guerre, du caporal chef Arthur décédé l’année dernière.
-Une veuve de guerre dont le mari est mort en 2004 ?
-M’étonne pas que tu sais pas ce que c’est de perdre ses roubignolles d’un coup de shrapnell. Arthur, lui l’a su en 40. Je sais qu’on n’en a pas au journal Liégeois « La Muse ». En 58, moi Lucien Combattant, à la mort de ma femme, j’ai pris mes responsabilités, j’ai ramassé le fusil du caporal-chef et je me suis dressé pour dire à la veuve Camille, ils ne passeront pas !
-Qui ?
-Les brise-couilles, nom de dieu !
-Elle était fermière en 58. Elle l’est toujours en 2005 ?
-On l’a enterrée en 94. C’est sa fille la fermière en second qu’a pris la relève, la ferme, les médailles d’Arthur et les habitudes de sa mère avec moi. Dépôt sacré, ordre de la mère « Occupe-toi de Lucien ! », même qu’on s’est demandé si c’était pas ma fille. Mais, qu’est-ce qu’on en a à foutre ? Un ordre de Camille sur son lit de mort. Nom de dieu y a pas d’inceste ! c’était sacré. C’est comme ça qu’on est à la campagne ! Faut obéir aux ordres. Faut pas chercher plus loin la gueule de bois des Wallons. Les chefs n’ont plus de couilles, comme Arthur. Mais eux les ont pas perdues en combattant Adolphe. Elles sont tombées toutes seules devant le lion des Flandres. On peut pas donner des ordres quand on n’en a pas.
-C’était Félix Scieaussi du grand journal Liégeois « La Muse », qui interviewait Lucien Combattant, de Hamoir.
-Quoi, t’as déjà fini ? On peut dire que tu gagnes facilement ta vie au grand journal Liégeois « La Muse » !

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