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Eidétique de l’amour.

Est-ce qu’être amoureux porte à l’indulgence ?
Autrement dit, analyse-t-on une situation politique ou sociale en fonction de l’éréthisme de son cœur ?
Je t’écris du plus lointain de mes rêves parce que je déborde d’indulgence en ce moment.
Ne crois pas qu’avant de transsuder l’amour à travers l’âme, je n’avais de l’attention pour personne. Les amitiés électives ne m’ont jamais empêché de m’offrir des coups de gueule.
Et tandis que je partais sur mes grands chevaux à des batailles perdues d’avance, ma fidélité, pour les gens que j’estime et la tendresse avec laquelle je pensais à eux, ne portaient pas la marque de mes emportements.
Mais il faut plus à l’amour. Par exemple, si j’étais Chirac en ce moment, j’accorderais la grâce présidentielle aux pires gredins, tant il me semblerait que touchés par ma mansuétude, ils oublieraient leurs écrouelles et le solipsisme de la cellule.
Dans les délices d’une pensée tout émue de toi, l’augmentation du prix du mazout, l’ouragan Katrina, la réforme de la Sécu… et même à ma honte, je le dis : la pauvreté dans le monde, n’arrivent plus à me sortir des cris rageurs.
C’est simple, Richard III s’en fout !...
Scolie le lundi et un baiser le mardi… Bush me deviendrait presque sympathique !
Mercredi fera la part des choses. Le sire reprendra sa guerre aux cons…
Tiens, même ça, traiter les autres de cons ! On est toujours le con de quelqu’un. Donc, j’en suis un moi-même. Va savoir de qui on l’est ?
Par exemple, mes amis trouvent que j’exagère dans ma dénonciation des temps présents. Ils ne me le disent pas ouvertement, mais d’après leur vie gadgétisée et formatée pour la compétition sociale, pour eux, je dois en être un fameux.
Les élus que j’égratigne, et qui m’ignorent, ma connerie doit profondément les réjouir ; car, depuis le temps que je fustige leur sans-gêne de pilleurs de tronc et que ça marche toujours fort pour eux, vous pensez comme ils doivent rigoler de ma connerie militante !
Moi c’est pareil, étrangement, j’adore être traité de con par ceux que je méprise
La réciprocité annule les effets de la connerie et l’amour fait le reste.
A l’heure où j’écris ces lignes, il n’y a qu’une personne au monde qui me ferait mal en me traitant de con. Les autres ? Pfuittttt…
Richard III, homme prudent, tu le sais, est double.
Si cela était, comme je suis deux, il me resterait le Richard bis que je tiens en réserve.
Mon désespoir ne serait total que si tu les englobais en un paquet cadeau dans la même réprobation.
Dans toute autre hypothèse, je ne serais qu’un demi con. Ce qui, par ces temps de disette, reste fort honorable.
Nous n’en sommes pas là.
Nous n’en sommes même nulle part, ce qui est plus que rien. Si tu vois ce que je veux dire ?

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Je sais qu’elle sait que je l’aime. Mais moi je ne sais pas qu’elle m’aime.
Sans doute ne le saurais-je jamais. Car affirmer que l’on aime ne confère la certitude de la chose que d’un seul côté. Comment me direz-vous sait-elle que je l’aime puisque c’est une vérité incommunicable ?
C’est là un des mystères de l’amour.
Si vous l’ignorez pour vous-mêmes, chers lecteurs impatients, attendez d’être indulgent comme moi, avant de vous poser la question.
Vous voulez un test immédiat sur l’indulgence que confère l’amour ?
Trouvez quelques images de Chirac, le monarque absolu français, observez les gueules enfarinées de l’entourage à sa sortie du Val-de-grâce, voyez Bush en tournée de reconquête de l’opinion en Louisiane ou jaugez le raïs Moubarak visitant les hôpitaux après les derniers attentats du Caire, et enfin imaginez le monstre qui s’est fait exploser l’autre jour à Bagdad parmi des ouvriers qui cherchaient du travail et si vous n’avez pas envie de vomir, c’est que vous êtes amoureux.

Commentaires

Un plaisir, la lecture de vos pamphlet, merci.
Le hic, c’est que je ne suis pas amoureux, mais que je n’ai pas envie non plus de vomir. Trop vieux sans doute, trop vieux d’espoir...

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