La Commissaire est bon enfant.
-Pousse-toi, tu vois bien que tu prends toute la place !
-Mais chéri, je suis sur le bois du lit !
-Mon cul, y a pas de bois de lit sur le ressort à pied d’Ikea…
-C’est une façon de parler…
-Facile. Tu dis n’importe quoi et c’est moi qui déraille…
-On ne va pas se quereller parce que le bord du sommier n’est pas en bois.
-Si on ne se querellait que pour cela…
-Tu as des choses à me dire ? des reproches à me faire ?
-C’est ça qui m’emmerde, t’es trop gentille. J’ai envie de te secouer…
-Tu m’as déjà secouée hier. T’as vu le coquard que j’ai ?
-Tu l’avais cherché, non ?
-Je t’ai dit que je salerai la soupe un peu plus la prochaine fois.
-Je suis habitué à la soupe en boîte, moi, avec des glutamates et toutes sortes de saloperies qui donnent du goût, tu comprends ça ?
-Tu m’as pardonnée.
-Oui, mais fais attention, Lucienne, fais attention…
-D’autant que ça va être bientôt.
-Bientôt quoi ?
-Tu y as pensé ?
-Tu veux encore en recevoir une ?
-Notre premier anniversaire de mariage…
-Et alors ?
-J’ai un petit cadeau pour toi.
-J’espère que ce n’est pas avec l’argent du ménage !
-Non. J’ai fait des heures supplémentaires, une prîme…
-Nom de dieu ! Lucienne. Tu gagnes de l’argent que tu mets à gauche et tu veux que je sois content !
-Mais, c’est pour toi mon chéri… ton cadeau pour un an de mariage.
-Qu’est-ce que c’est encore que cette connerie ! C’est pas un anniversaire, ça…
-C’est quoi alors ?
-C’est me rappeler ce que ma mère m’a dit ce jour là. « L’épouse pas, mon garçon, cette salope est un crabe, elle va te bouffer ».
-Je t’ai bouffé, moi ?
-Parfaitement. Tu m’as sauté dessus, enveloppé, étouffé… Tiens, je ne sais pas ce qui me retient, de t’en coller une autre…
-Me frappe pas chéri, au poste, j’ai dit aux inspecteurs que c’est quand j’ai épinglé Chéribibi qu’en se débattant, il ma donné un coup de manchette…
-Pourquoi tu les as eu au flanc, pétasse ? Tiens, t’es trop nulle…
-J’suis quand même diplômée en criminologie, avocate et commissaire divisionnaire au grand banditisme.
-J’en ai rien à foutre. Moi, j’ai jamais dépassé l’école primaire, en plus, je n’ai fait que six mois pour vol à la roulotte… et je n’en ai rien à foutre de tes grands airs. Tiens, ton gros pistolet dans le tiroir de la commode, j’ai envie de le foutre dans la décharge…
-Fais pas ça, c’est mon arme de service…
-T’es pas ceinture noire, toi ?
-Oui.
-Pourquoi tu te défends pas, quand je t’en colle une ?
-C’est parce que je t’aime mon chéri !
-T’es ignoble, voilà tout ce que peux dire. C’est comme avec ton pognon.
-Quoi mon argent ?
-Oui. Jamais tu me parles que c’est toi qui entretiens la baraque, que mes costards et mes sorties, c’est toi qui les règles. T’es qu’une lopette…
-Qu’est-ce que tu veux…
-Ta gueule, avant que tu me dises que tu m’aimes… autrement je vais gerber.
-Qu’est-ce que t’as contre moi ce matin ?
-Ce matin et les autres matins aussi, voilà un an que tu me cours sur le paletot. J’étais un mec libre, avant, j’allais, je venais, je…
-T’étais un délinquant.
-Et alors, pétasse, c’était mon idéal, ça, la fauche… je volais les riches pour…
-…pour ton compte personnel.
-…maintenant, j’ai même plus envie de tirer cent euros de la bourse d’un pigeon… Tu te rends compte de ce que tu as fait ?
-Je sais, tu es devenu honnête…
-Bien foutue comme tu es, malgré tes quarante piges, si je te mettais au tapin, tu rapporterais gros dans la marmite à papa… Mais maquer un commissaire de police, ça s’est encore jamais fait…
-Dors encore une heure, chéri. Je me lève. Je te fais ton café et tes biscottes. Que veux-tu sur ton pain ?
-Quoi tu te tires grognasse ? Le devoir t’appelle ? Où tu vas traîner, hein bourrique, à emmerder les malheureux qui t’ont rien fait ?…
-Je préside ce matin une réunion pour serrer un gang, puis j’ai un rendez-vous avec « Celles qui en veulent » un comité de femmes contre la violence conjugale…
-Tire-toi mais laisse mille euros sur la table. J’ai une dette de jeu chez Polo qu’il faut que je règle. N’oublie pas ton pétard. Il me fait tellement de l’œil que j’ai envie de t’envoyer une bastos dans le citron… C’est ce que je vais finir par faire, un de ces jours…
-Oui, chéri. Dors bien, mon amour…