Sacré mensonge et mensonge sacré.
Vu de Belgique, c’est intéressant de suivre les derniers développements de l'affaire Clearstream. Non pas que l’effondrement de Dominique de Villepin nous concerne vraiment, mais parce que ce Watergate à la française a quelque chose de pathétique propre à tous les hommes politiques quand, surexposés, leurs mensonges les condamnent implicitement à nier l’évidence.
Personne n’est dupe, quelqu’un a instrumenté des faux documents pour perturber l’irrésistible ascension de Sarkozy au pouvoir suprême. Que le corbeau soit de la mouvance Chirac-Villepin ou non, ce dernier à laisser pourrir le dossier un an, alors que le général Rondot lui avait communiqué ses doutes quant à l’authenticité de la feuille bancaire portant des noms.
Par la suite, il n’a été question que de Sarkozy dans les conversations entre Rondot et Villepin. Ce n’est pas parole contre parole, ce sont les notes de séance du général Rondot saisies par la Justice contre la parole de Villepin.
Villepin a donc menti sur ce dossier.
Cependant, il nie avec vigueur. Il monte à la tribune la main sur le cœur, fait des phrases dans un français magnifique, certes, il n’en demeure pas moins que c’est un menteur.
Eh bien ! en mentant effrontément, il fait ce que tous les hommes politiques ont fait ou feront. Car dans ce milieu ce qui est important n’est pas de dire la vérité, mais qu’une majorité de citoyens le croie.
C’est cette vérité là qui est bonne à dire et surtout à entendre qui rend tellement les gens méfiants aujourd’hui.
Par exemple la vérité judiciaire est, elle-même, à mettre dans le même panier quand par une procédure engagée mal à propos, des délais dépassés, des pièces déclarées nulles par négligence des règles, des faits prouvés et avérés ne le sont plus, cette vérité pourtant évidente est mise à mal, mieux est déclarée inutilisable sous peine de poursuites. C’est ainsi que dans l’histoire parlementaire belge, un personnage important fit condamner l’hebdomadaire satirique Pan qui n’était pas coupable de mentir mais d’avoir écrit la vérité !
On se rappelle le terrible face à face entre la juge Doutrewe et le gendarme Lesage. L’une avait-elle reçu le rapport du gendarme, ou bien celui-ci avait-il « oublié » de communiquer ce qu’il savait ?
Un des deux a menti. Qui ? La question est restée posée. Le menteur a eu tort au point de vue de l’honneur ; mais combien a-t-il eu raison pour sauvegarder sa place et – accessoirement – sauver ses supérieurs.
Aussi que ce soit dans un accident de roulage (celui qui est en tort ment souvent effrontément), dans le cas d’une hiérarchie en quête d’un coupable et enfin dans les milieux politiques, les mœurs actuelles en témoignent, la plupart des gens mentent.
Alors pourquoi voulez-vous que ceux qui ont confisqué la démocratie à leur profit ne mentent pas aussi, quand l’enjeu est aussi considérable pour leur avenir ?
Seulement, en politique, il faut savoir qu’un menteur au pouvoir quand l’opinion bascule et que celle-ci est convaincue que c’est un menteur, il y a peu de chance qu’il conserve sa position sociale. C’est un phénomène curieux. Où le juge ne convainc pas, une preuve écrite dans un journal à fort tirage peut faire basculer l’opinion.
Cependant en Belgique il existe des menteurs compulsifs bien accrochés au pouvoir quoique dupant ouvertement tout le monde. Ils vont rejoindre inexplicablement les repris de justice qui ont encouru la sévérité de la Loi par « amour » de leur parti, dans la même ferveur populaire.
Mais les mensonges les plus répandus sont encore ceux par omission. Quitte à jouer les innocents surpris quand le pot aux roses est découvert. L’affaire de la Carolorégienne nous en a fait découvrir une belle brochette.
Villepin a commis un mensonge impardonnable puisqu’on pouvait vérifier par des papiers retrouvés chez Rondot et publier dans la presse qu’il ne disait pas la vérité.
Un mensonge impardonnable est un mensonge que chacun peut vérifier être un mensonge. Villepin, quoique diplômé comme ils le sont tous de l’ENA, n’en est pas moins un con. Peut-être que son accointance servile avec Chirac y a été pour quelque chose.
Prenons l’exemple à l’envers, si au lieu de la notoriété d’un général des Services secrets, le tout relayé dans un journal prestigieux comme Le Monde, il s’était agi d’un blogueur insignifiant ayant eu vent de la chose et l’écrivant dans son blog, ce qui est pourtant une vérité constante eût passé pour insignifiante aux yeux des médias et aux yeux de l’opinion, et Villepin échappait à la suspicion de mensonge.
Alors, tous des menteurs ? C’est une question à débattre quand on considère les enjeux politiques.
Plus on monte dans la hiérarchie des partis, plus il y a des menteurs, sans doute…
Quant à la raison d’Etat pour couvrir un mensonge, rien qu’à voir les têtes catastrophées de Chirac et Villepin, on a compris que le mensonge devient sacré, quand on ne sait plus faire autrement.