Une belge-attidude
-A part quelques voyous, les Belges forment une grande famille !
-Albert, c’est révoltant. Se faire traiter de parasite social constitutionnel par ce sale type de Richard III !
-Que veux-tu, mamour, c’est un médiocre, incapable et envieux, aigri depuis l’enfance, qui s’en prend à nous qui voulons une Belgique forte et chaleureuse.
-Encore un pauvre !
-Pas seulement… un pauvre vicieux, quartmondiste probablement, mais dangereux. Il ne se contente pas de vivre de notre charité. Il veut aussi manger dans nos porcelaines de Sèvres.
-Rouler dans ma voiture et dans la tienne ? Squatter notre maison de campagne ? Passer trois mois en Grèce sur le bateau de ton ami ?
-Oui. Il veut ce que nous avons…
-Et en échange, il nous donnerait ce qu’il a ?
-C’est-à-dire rien.
-Il ne sait pas que nous nous démenons pour assurer de beaux jours à nos petits protégés, qu’enfin nous sauvons douze chinois chaque année, que j’envoie ma femme de chambre vendre des îles de paix à notre place… que nous faisons régulièrement un chèque à Charles pour son affreux Téléthon….
- A propos tu fais quoi aujourd’hui ?
-J’ai rendez-vous chez mon coiffeur…
-Richard dirait, je vais au coiffeur.
-Oui, c’est un rustre.
-Et après ?
-Je déjeune avec Sylviane.
-La femme du bâtonnier ?
-Nous nous occupons du « petit nid bleu ». Nous préparons le Conseil de l’ASBL « Les joujoux parmi nous ». Nous espérons la participation d’Antoinette de Burnautige, la sœur missionnaire, qui a collecté des fonds pour les sherpas aveugles de l’Annapurna.
-Est-ce qu’il sauve des jeunes, Richard III ?
-Il ne sait pas ce que c’est.
-C’est un égoïste. Sait-il seulement où est l’Annapurna ?
-C’est un malade mental… L’après-midi, à l’ouvroir libéral…
-Je t’ai dit de ne pas dire « ouvroir ». Cela fait paternaliste fin de siècle, tiens, l’incendie du Bazar de la Charité, que ça fait. Dis plutôt, je me consacre aux œuvres, et surtout n’ajoute pas « de charité ». Tu sais comme ils sont les communistes.
-Il n’y en a plus.
-Que tu crois. Ils le sont tous restés, enfin ceux qui ne sont pas des libéraux progressistes, ni des socialistes rénovateurs…
-Les socialistes ?
-Ils sont nos alliés. Ils travaillent pour la même prospérité que la nôtre, mais collective, enfin tu ne pourrais pas comprendre. Car tout cela n’est qu’en apparence.
-Puis, je fais les boutiques pour m’habiller jeudi, à la réunion de Reynders.
-Tu ne trouves pas qu’il a maigri depuis qu’il est président ?
-Il est chou, comme tout. J’irai ave Lucette, la femme de l’entrepreneur. Elle sera en bleu pervenche. J’ai vu. Elle fait auxiliaire de police… Son père faisait des frites. Il lui en reste quelque chose.
-L’entrepreneur qui est en prison ?
-Non, celui qui vient de sortir. Et toi ?
-Comme d’habitude, mamour, je travaille… je travaille et je travaille encore…
-Tu travailles trop !
-Il faut bien que dans ce fichu pays, il y ait des citoyens qui entretiennent les fainéants du genre de Richard III
-Encore ce sale type ?
-Quelqu’un du café philo m’a fait son portrait physique par déduction du psychique.
-Alors ?
-C’est un infirme de naissance, bossu probablement qui vit d’une pension d’invalide.
-Alors, on comprend tout. C’est le conseil du 16 aujourd’hui. Ne te mets pas en colère comme l’autre fois.
-Si tu savais comme tout le Conseil a été odieux avec moi… mon ex-femme et mes deux filles n’y ont pas été par quatre chemins. Si tu veux encore ton jeton de présence, tu devras y assister la prochaine fois.
-Me trouver à côté de ton ex, c’est trop, Albert.
-J’essayerai de m’arranger. Peut-être qu’en parlant des restructurations et l’augmentation des dividendes, qu’elles oublieront ta présence.
-Tu vas en licencier combien ?
-Ne m’en parle pas ! C’est assez pénible.
-Et ensuite ?
-Je préside une réunion du club de golf.
-Tu essaies le nouveau parcours ?
-Pas le temps. J’ai encore du travail. Un bureau directeur du MR.
-C’est quoi l’ordre du jour ?
-La situation au PS.
-Quoi, vous allez les aider ?
-Non. Tu penses. C’est pour nous préparer au rendez-vous d’octobre. Nous avons décidé de mettre l’accent sur le social. Et dans un sens, Richard III nous aide malgré lui.
-Oui comment ?
-Sa haine des socialistes est telle, qu’en comparaison nous passons pour des philanthropes.
-Dans le fond, il n’est pas si mal que ça, Richard III. Tu disais qu’il était bossu ? C’est dommage, sinon nous l’aurions invité, par curiosité, pour la commémo du mois de novembre.
-Dix-sept ans la chute du Mur, tu imagines ! Et ton père qui est mort deux jours avant dans la salle des coffres de la banque de ton frère, lui qui avait tellement peur des rouges !