Panique et course à pied
Sous la rubrique « Les Beaux » voici rien que du souvenir…
Nos braves n’en sont pas encore revenus.
Un sprint resté célèbre : Liège - Toulouse, à pied, à cheval et en voiture…
De l’avis unanime, la courette que ça a été en mai/juin 1940 !
Du petit vieux, au général de corps d’armée, de l’enfant en bas âge aux pères de la Nation, l’oreille tendue, le regard fixe droit devant, le sprint pour le dernier train, l’espace ouvert sur la dernière route sous les Stukas, la confusion des vélos, les richesses semées dans les champs… les bras au corps, le souffle court : amis sportifs, bonsoir !
Les Etats-majors à la dérive, regroupant les cadres sur une « défense préparée à l’avance », tellement loin du front, qu’on pouvait prendre des bains de soleil au bord des rivières, loin de l’arme de service. Du reste, les papiers, les plans, les cartes, les stratégies avaient disparu, semés quelque part sur le chemin entre Dunkerque et les Pyrénées. Le Top secret aux égouts, la coulante avait besoin de papiers toilette !
L’Haut-lieu n’a pas de motif à se rengorger. Il est toujours le même… juin 40, à la chiasse, et juin 2006, même combat pour l’oseille, même chants guerriers et même sprint au cas où les choses se gâtent.
Certes, on oublie vite. Les mêmes, encore essoufflés, pas honteux pour un sou, sont revenus fin 45, avec brassard et chants patriotiques, nous reprendre en main, et pas qu’un peu, histoire de voir qui était toujours le patron.
Alors, vous pensez, 60 ans plus tard, comme on a tourné la page…
C’est peut-être la seule égalité à laquelle notre démocratie s’est astreinte : la fuite !... l’irraisonnée pour le petit populo et la honteuse pour l’Haut-lieu.
Certes, nous eûmes les braves des braves, ceux qui, une fois la Manche franchie se sont arrêtés à Londres pour regarder enfin derrière eux, la Wermacht qui savait pas nager et, forts de la barrière d’eau, ont commencé à reprendre du souffle : Ici Londres, la voix de l’espoir ! Il était temps.
C’est mon grand oncle Lambert qui m’a raconté la chose, il y a bien longtemps. Serveur à un poste de DCA au lieu-dit les Coins de terre, derrière l’école communale du plateau à Bressoux, mai 40. Voilà, je dis tout, les anciens pourront vérifier.
Les artilleurs étaient là pour tirer. Et ils tirèrent. Au point qu’ils ont touché un gros zinc qui s’est probablement écrasé du côté de Visé.
Il fallait alimenter les bouches à feu… quant à trouver des obus ! Les officiers, sans prévenir s’étaient fait la malle en partant avec la clé des caissons ! Alors, les pioupious sont partis aussi, sans baragouiner : abandon de poste. Que voulez-vous qu’ils fassent ?
L’élite n’a pas toujours failli. Il s’en est trouvé quelques-uns. C’est ainsi que ça se passe. Les héros ne sauvent pas la patrie, non, ils sauvent d’abord l’honneur de ceux qui fuient. Ainsi, par amalgame, après, les couillons se mêlent aux autres, tout le monde est content et tous ont droit à la Brabançonne et aux remerciements du laboureur, revenant des labours et tenant fièrement la main de son paysan de petit-fils, comme le sculpteur les a figés sur le monument aux morts de Beaufays. On devine ce qu’il dit cet homme simple : Regarde, mon fils, ceux qui se sont dévoués pour que tu trimes après moi dans nos champs.
Et cette blague de l’élite patriote se perpétue encore de nos jours. Rectifions : ce ne sont pas les élites qui ont sauvé la Belgique des nazis, mais les petits, les sans-grade (j’enlève « les obscurs » pour ne pas faire théâtre). Et cela se vérifierait encore de nos jours, si un illuminé venait à flanquer la frousse, fort d’une armée réputée « imbattable ». En veut-on un exemple ? Armée d’occupation tant détestée, certes, l’armée américaine en opération en Irak; mais, qui meurt dans ses rangs ? Peut-on citer un seul officier supérieur parmi les près des trois mille morts actuels ?
L’Haut-lieu devrait y réfléchir. Donner moins l’exemple, la ramener moins souvent question morale et fidélité et tout…
Le peut-il ?
N’est-il pas porteur de pagailles et d’exactions comme en juin 40, à partir de situations où il n’y a plus que l’homme qui vaille, ses dorures, son statut, son bagout, son argent devenus inutiles ?
Aussi, quand l’Haut-lieu réclame des sacrifices, l’employeur des têtes, et qu’au nom de la Société, ils exhortent aux nécessaires resserrements… méfions-nous.
Qu’auraient-ils fait en mai 40 ?
Par la nature des choses et connaissant les hommes, probablement la même chose que leurs grands-oncles.
Ils ont la courette dans le sang. C’est dans leur nature. A force de croire qu’ils sont au-dessus des autres et que leur autorité s’appuie légitimement sur une capacité statutaire, codée depuis l’école et les premiers mandats, ils en sont persuadés.
Mais que le loup sorte de sa cage, qu’un cataclysme dévaste leur fief, on ne voit plus que leur derrière, comme le singe qui s’élève le long du tronc d’un arbre, qui lorsqu’on lève la tête, ne nous dévoile que ses parties honteuses.