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31 juillet 2003

Une carrière fulgurante

- Pardon, les waters ? On me dit que c’est ici…
- Vous voyez bien que c’est pas ici.
- Je vois bien que c’est pas ici. Mais alors c’est où ? D’abord où je suis ?
- Vous êtes à la direction du journal.
- Vous êtes le directeur ?
- Comme vous voyez.
- Je ne vois pas que c’est marqué sur votre casquette que vous êtes le directeur.
- Je vous le dis. Alors si vous voulez bien sortir.
- Et les waters ?
- Demandez à la personne qui vous a si mal renseigné.
- C’est parce que vous remontez votre pantalon. On pourrait s’y tromper.
(Jusque là cachée par le bureau, la tête ébouriffée d’une jeune personne apparaît)
- Philippe, t’avais qu’à fermer la porte…
- C’est vous Philippe Stipst !
- Oui, pourquoi ?
- Parce que la personne qui m’a renseigné les waters s’appelle justement Stipst, comme vous.
- Hein ! ma femme ici !
- Excusez, je vais lui dire qu’elle s’est trompée et dans la mesure où elle ne s’est pas trompée, ajouterai-je, que de toute manière, c’était occupé.
- Non, voyons, attendez. Ne partez pas comme ça. En dehors des waters que cherchez-vous ?
- Justement, le directeur.
- Vous l’avez devant vous.
- Ça je sais.
- Que voulez-vous ?
- On m’avait dit que vous cherchiez un stagiaire.
- C’est exact. Je vous engage…
- Eh bien ! j’ai réfléchi.
- Ça ne vous intéresse plus ?
- Non, parce qu’avec le scoop que j’ai, je crois pouvoir postuler un poste à temps plein.

30 juillet 2003

Prêt à porter

J’ai oune œil ounik ! Jé lé dir, parole dé Petrossian, Lièj a bezouin dé tessetiles Petrossian !
Oune œil ounique… Les galéries Pondîl pas satourées di tout. Tou vas dir trois magassins sour cinq y sont tessetiles, moi jé té dis l’œil dé Petrossian ne sé tromp pas ! Katre sour cinq enkor bons, très bons affaires, donk encoré oune ! celoui dé Petrossian.
Jé lé connous la femellé liéjoisse. Touté frivolé, touté…acharnemen ahacheté. Jé té dis pas mé konkettes dans la femellé liéjoisse, rien kavec ouné kadô, ma kor, tou imagines ? Jé donner ma kor… Ma kor et ma spéciale loukoum. Au liou dé fondré dans la bouchch, saffon dans plou zintime…
La femellé liéjoisse pas meillour au Liban. Liban voilé vizajh. Femellé liéjoisse pa voilé en hô, pa voilé zenba, plousse barbu Iran quand tou regardé à l’enverr…
Moi j’arrivé taillor père et fils, dépouis prémiére guérr palesstinne. Foutou l’kan d’abor Armenian, puis Liban et pouis Liéjan ka bezouin dé tessetiles !…
Taillor costoume, tout papière, tissou papière… Tou lé mets deux fois, houlala resyklach… deux fois...
Petrossian trois fois tou lé mets, Petrossian, trois fois !
Kesse qué cela vou dire à toua, lé tessetile ? Ma à moua !
Tiens kachémire, tout kachémire à même prix qué ta mèrdé synthétik.
Té sé ké jé inventé lo slip millé fouilles.
Tu sé pas ke sé le fouille ? Ma cé qué tombe des arbres do l’hivèr.
Bon. Mo slip millé fouilles, t’as plou bésoin de papière kabinette. Tout prend sèlé près dou trou de ballé que tout jeté o kabinette quand cè kè tou vois dépau kaka.
Jé chémizé à koul roulé, quand té déplié t’as oune dra de litte pour bézé dans la parke dé la Bouvery !
La sokett quand cé que tout la lavé plou doutou cé oun soulière et lou soulièr qué quand i plout dessous cé oune sokett.
Jé vends tout assessoir dé la vêtoure. Kasskett touriss, vizièr derrièr. Quand tou veux vizièr dévant, tout déplie sous lé toit dé la kasskett oune dozièmme vizièr ! Trè chik !
Gans dè vêloure, cinq douahs, lè sichième tou mets tou portâbl… Si tout chatouye lo liégeoisse avé ton sichième douah et ké t’oublié portabb toua peux tentendr l’heure qui fè dans lé trou dou cou.
Lièche a bezouin de Petrossian, fasill réténir mêmm nom ké kaviar, ma d’autres eufs ké nouars kaviar pour Liéjoisses.
Pour pétité Liéjois trô viou, jé ourinal plastik dans vesseton doubloure avèk toubouloure dessoû pantalon qui déssent. Pratik. T’arriv déssur grill d’égoute. Tou ouvre robinette et t’évacoue. Tou piss en méme temps que tout dragg bellé Liéjoisse ! Sans problemme, jé té dis, Petrossian, sans problemme !
Pétrossian cherch vendeusses pour ouverture. Travaille dé nouit miose païé su-yvan klians.
Si tou konè liéjoisses, fame, seurs et autr Liéjoisses son pas indicepauzées ma dissepauzées à vénir sans onte ni ménopauzées dans linté rieur da mon magassin, tou a pelle Petrossian, dring, dring…

29 juillet 2003

Oudaï et Qoussaï, profession : criminels.

La mort des deux fils de Saddam Hussein ne fera pleurer personne.
Néanmoins elle pose la question de l’homme d’Etat criminel.
En général, on le trouve dans le camp des vaincus. Qui dit vaincu, dit coupable. Si Saddam Hussein et ses fils sont des criminels, ils sont aussi des vaincus. Le coupable désigné n’est pas celui qui déclenche les hostilités, mais celui qui perd la guerre.
En 40-45, les criminels étaient exclusivement allemands et japonais, pourtant ce sont les Américains qui ont lancé leurs bombes atomiques sur le Japon, détruit les villes allemandes avec leur aviation. Ce n’est pas pour minimiser les crimes nazis que tout le monde connaît. La tentative de génocide du peuple juif reste un moment d’horreur absolu dans le collectif de la mémoire. La question est : comment se libérer d’un régime criminel sans le devenir soi-même ?
Le pouvoir, même celui d’une démocratie, est en soi porteur de tous les germes criminogènes. Gouverner, c’est souvent dissocier la morale ordinaire de la morale d’Etat.
Mitterrand était-il un honnête homme ou un criminel ?
Sous son règne bien des affaires criminelles ne sont pas allées jusqu’au bout d’une saine justice. L’attentat du Rainbow warrior avait-il été commandité de l’Elysée ? Berrogovoy, son ministre de l’économie s’est-il suicidé ? Le Commandant Prouteau sur l’ordre de l’Elysée n’a-t-il pas fabriqué des preuves contre les Irlandais de Vincennes ?
En termes identiques est ouverte la question de savoir si l’expert britannique en désarmement David Kelly s’est tranché les veines du poignet ou si des services spéciaux l’y ont aidé ? Tony Blair est depuis dans une tourmente médiatique.
Quant au président des Etats-Unis, si la réforme de la loi de compétence universelle n’est pas votée au Parlement belge, les tribunaux pourraient l’inculper sur plainte de particuliers.
Pourquoi, me direz-vous comparer ce qui ne l’est pas ? Entre des milliers de morts et quelques-uns, il y a une forte différence. Au point de vue moral, je voudrais bien savoir laquelle ? A partir de combien de morts passe-t-on du crime au génocide ?
Le génocide au Ruanda tant dénoncé par nos vertueux ex-colonialistes n’avait-il pas été précédé par de petits meurtres « entre amis » de nos anciens coloniaux, perpétrés parfois même par des institutions chrétiennes ? Ne sommes-nous pas impliqués au premier chef dans l’assassinat de Patrice Lumumba ? Peut-on dire que Kabila, le deuxième président auto-proclamé du Congo que Monsieur Louis Michel soutient, est exempt de tout crime ?
Les affrontements dans les Balkans découlent-ils exclusivement des agissements criminels des Yougoslaves ?
Toutes les guerres sont sales, tous les factieux ont du sang sur les mains.
L’image du démocrate protecteur des faibles est exagérée, sinon fausse.
N’est-ce pas une belle forme d’hypocrisie de se poser à la fois en vainqueur et en père la morale ?
Quand donc admettra-t-on qu’il n’y a pas grande différence entre le criminel et le héros ? Leurs rôles sont interchangeables selon le camp auquel ils appartiennent.
On s’indigne toujours des crimes d’Adolphe Hitler. Saddam Hussein est dans la truanderie une crapule bien neuve par rapport à cette ancienneté. Le temps efface les ressentiments. Napoléon est-il un criminel ou un génie de la construction européenne ? Et Nabuchodonosor, despote épouvantable, qui s’en souvient encore ?
Le temps et la distance atténuent la vindicte. Pol Pot est-il perçu en Europe à la mesure de ses forfaits ? Les guerres coloniales en Afrique et à Madagascar par l’Armée française ont-elles eu des échos comparables aux faits reprochés à Milosevic en Europe ? Un Malgache vaut-il un Européen par comparaison ressentie des sévices subis ?
Les exécutions au garrot que les hommes du général Franco infligèrent aux républicains ont-t-elles été pesées à leur juste poids sur la balance de Thémis ? Et si Franco avait perdu la guerre ? Il eût été pendu pour ses crimes et on aurait applaudi les Républicains.
Amin Dadda réfugié à Djeddah en Arabie saoudite va mourir dans son lit, si ce n’est déjà fait.
Qui s’en préoccupe encore ?
Pourtant, au supermarché de la crapule, il a une console bien à lui.
Il conviendrait que les médias lors de la mort d’un despote, axent l’info sur la haine des guerres plutôt que sur la haine de celui qui meurt. Et que l’on cesse de nous ériger en porte drapeaux de la paix et promoteurs de la démocratie.
Foutaise que cela ! La démocratie : meilleur régime au monde ! Quelle démocratie. ? Qui pourrait dire que la démocratie de Poutine serait supportable par un démocrate occidental ? Qui aimerait vivre en Amérique dans les Etats du Sud et même à New York où contrairement à ce que l’on croit, la ségrégation la plus imbécile et la plus honteuse existe toujours, là où les Lois sont interprétées par le shérif local pour le compte des citoyens blancs. Et la démocratie à la Belge dans laquelle le citoyen n’a pas grand-chose à dire, est-elle supportable par un Suisse?
Restons modestes. Apprenons à nous méfier de ce que l’on nous raconte. N’oublions pas que ce ne sont pas les meilleurs qui dirigent, mais les pires.

28 juillet 2003

Nini métallo

On se faisait pas trop de mauvais sang, Nini disparaissait fumée, revenait des heures plus tard, comme s’il sortait de la pièce à côté, somnambule… C’était pas une mince affaire de lui parler, valait mieux la fermer si on ne voulait pas monologuer. C’est comme s’il n’était pas encore rentrer. Cela pouvait durer des heures. Souffi avait l’habitude. Pour qu’il revienne, qu’il se fige avant le prochain courant d’air…elle sortait d’une boîte en fer blanc des vues d’Ougrée 1900, de Seraing, des sites de Cockerill.. Alors tout à fait présent, rudesse du travailleur exposé au danger, il parlait de son dur métier et des caprices de la fonte en fusion bien plus dangereuse que la griffe d’un tigre, des corons et de tante Marie qui vendait des cornets à la charrette, sur le temps que l’oncle Popol tournait dans sa roue-moto de son invention, chez Barnum, aux Amériques.
En dehors du métier et des souvenirs, ses fugues, ses lubies, ses absences cachaient un secret.
Souffi l’avait percé. Elle ne savait comment nous le dire. Une nuit qu’elle était au lit et qu’elle cherchait le sommeil, elle vit des lueurs qui sourdaient du plancher disjoint de l’étage. Nini avait foutu le feu au grenier ! A peine redescendu, il hésitait à enlever ses chaussettes dans une transe qui faisait trembler le page. Elle s’était levée, fantôme flottant vers les étages, sans qu’il s’en aperçût.
Le grenier était tout illuminé à la bougie. Des dizaines de bougies partout dans les coins, sur les vieilleries, toutes convergeaient en ruelle de flammes vers un mur sur lequel pendait la panoplie du templier façon moyen âge, du drap de lit percé pour passer la tête et dessous, la grande croix rouge, à toutes les ferrailles, cotte de maille, bassinet, haubert, gantelets, sans oublier la Durandal, affichée 30 euros dans un magasin de souvenirs de Tolède et qu’il avait achetée malgré elle, avec déjà une idée derrière la tête.
Nini était devenu Templier !
Toutes ses bizarreries, ses réponses à côté de ce qu’on attend de quelqu’un quand on lui dit : « Tu veux bien me passer le sel, s’il te plaît et qu’il vous répond « Les hirondelles sont pas encore parties » s’éclairaient d’un jour nouveau.
C’était pas un templier de société folklorique ou d’un cercle ésotérique. Non, Nini était templier indépendant. Espèce rare et imprévisible.
C’est chez ARCELOR qu’il avait trouvé sa vocation ! Le coup de bambou que ç’avait été les plans de fermeture, malgré les assurances et les déclarations de principe, les « investissements certains », les discours Potier-Région Wallonne de fermeté, pour se terminer en couille de souris, mirobolants accords des dix ans de rabiot ou presque d’un ultime haut-fourneau permettant à l’élite syndicale, délégués, gros bras, de finir en beauté peinards à la pension. Déroute annoncée des autres, réconfortés par les réunion trois mouvements, premier mai, Liège-kiosque… le quatrième mouvement – le plus radicalement de gauche - la Coopérative, en faillite depuis belle lurette. L’envolée et le lyrisme pouvaient pas passer inaperçus, compte tenu du choix des très gros baffles, des attitudes sur la pointe des pieds des premiers couteaux de la gauche liégeoise… tous unis à ramasser les casquettes de la honte pour les jeter au ciel avec des « Hourrah ! »… cette façon de rebondir inimitable, une spécialité maison…
Base de tout : trois mouvements, 1. reconquête de l’opinion ; 2. prise de pouvoir sans effusion ; 3. la gauche « Président », le troisième point le plus formel… le monde du travail à l’honneur. ARCELOR, passagère faiblesse… bientôt au souvenir.
- Où c’est qu’il est mon foulard jaune avec le coq ? C’est encore les enfants qu’ont joué avec !
En attendant, on baignait dans une collaboration molle avec Loulou de l’OMC et accessoirement du MR… En attendant, on vous dit, sur une Internationale façon cubaine d’un band de la région momentanément sinistrée, belle livrée, propre et tout…
On parlait bien de sauver les emplois, Potier et Daerdenne, en blanchisseuses vieux style, parlaient « d’empois », l’affilié de base au repassage. A l’Internationale parallèle, mais de droite, Kubla avait monté le son, mobilisé aux radios, adulé à l’avance des crooners de l’info: « les chercheurs de l’Université d’ici dix ans vont nous sortir l’invention si magistrale que dès le brevet tout HongKong et Singapour, en passant par la Silicon Valey au chômage ! La vallée de la Meuse pas assez large, assez profonde, les entreprises qu’allaient crever le plafond, l’artisan-chef Menez à la recherche de main-d’œuvre et pourquoi pas réembaucher tout HongKong pour commencer… visa spécial… urgence nationale… priorité totale. Le musée de l’haut-fourneau après celui de la pipe à Maigret… génie de l’âme wallonne… incarnation du peuple. Pour une fois que le triomphe des valeurs de gauche avaient plus peur de s’affirmer! »
C’est bien loin tout ce trafic…
Il avait fallu se rendre à l’évidence, manoeuvre gueulard, Nini voyait que la machine à plaisir allait lui raser la tête, peut-être la couper, mais allait pas le soulever de terre, porte drapeau aux flonflons d’une fête du travail relookée pour le troisième millénaire, comme si deux millénaires n’avaient pas suffi à la connerie? Potier par les couloirs du dessous, escalier personnel, troisième porte à gauche à la sortie discrète, à la bagnole, puis à la retraite, avait foutu le camp depuis deux mois… que resterait-il de l’élan, l’enthousiasme ? Le décompte des feuilles de paie, puis, après la prime, si l’un ou l’autre super-délégué n’étouffait pas le flouze, dans un remake de tristes précédents…
Fallait plus lui parler de rien, d’ARCELOR, Potier, le Parti, le pied que ce serait à défiler de nouveau avec les sociétés de gymnastique, la deuxième jeunesse. Tout le pouvoir à Elio !
Nini plus qu’une question dans la tête, lui qu’avait jamais été à messe : « Dieu nous aime-t-il ? ».
Souffi désormais incarnait la femme égarée de Sodome. Tandis que lui alliait la pureté de Hugues de Payens, fondateur 1118 avec la foi de Montségur, l’ardent bûcher des Parfaits, Raymond de Toulouse, antéchrist en personne…
La merde que c’était l’haut-fourneau ARCELOR prenait la dimension du rocher monstrueux des martyrs. Le mystère sacré sur la sole à gratter les cendres. Il voyait dans la coulée le visage d’Ezéchiel, l’anthroposophe par le Christ, Geoffroy de Saint-Omer lui passant sa Durandal, made in Toledo ! Sa mission évidente : retrouver le Saint Graal quelque part sur les hauteurs de Seraing… les territoires d’Indiens de la Vecquée, repaires de toutes les femmes adultères, hydres et goules chargées de défendre l’entrée du Saint Lieu et qui viennent le soir jupe retroussée apeurer l’automobiliste par pleine lune !
Ce qui fit déborder le saint vase, ce fut lorsque Nini s’attaqua aux mystères Nostradamus, greluchon de la Reine Catherine, copieur infâme. Nini penchait pour le plagiat involontaire par transmission de pensée, vrai auteur : l’abbé de l’abbaye de Cambron, Yves de Lessines…
Un soir que Souffi mettait la soupe sur le feu, il descendit du grenier, l’harnachement complet, Templier authentique, la Durandal à la main rejoindre l’empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen. Rude histoire, celle de Barberousse… Juste avant les Légendes du Rhin, les Nibelungen, Siegfried et Nini en service commandé, mission !
Le papelard à Frédéric absolument formel : ordre de rassemblement général !
Sus ! sus ! disait l’incunable « A la recherche du Trésor ».
Souffi voyait que le carnet de timbres de la FGTB que Nini agitait frénétique ! Nini, le plan d’attaque des Turcs commandés par le vizir Potier, le sultan Di Ruppo à l’arrière dans son harem remplis de beaux eunuques dont il aimait caresser la chute de reins, à déjouer avec la chevalerie de la Table Ronde, l’Arthur harnaché comme lui !... Objectif : délivrer le trésor des mains des infidèles, le radar anglais à la recherche des poches d’air entre Ougrée et le Sart-Tilman ! A la fouille sévère, à la poursuite des onze tonneaux d’or et d’argent, de quoi Acheter ARCELOR, le parti socialiste, Potier, l’archevêque de Canterbury, sûrement complice - Il y a toujours un Anglais dans toute sédition ! – Nini cornaquait trente kilos d’armure, un détecteur de métaux et une antenne portable pour communiquer avec le Grand Maître, décidément accessible tout moderne par satellite…
On parvint à le cueillir, drève Onckelinx, assis dans l’herbe, à attendre venant d’Ypres le Grand Maître de Flandre pour quelques ajouts sur sa carte, des endroits réputés poches d’air, d’ultimes précisions avant l’assaut. Le Maître avait raté le train. Quelques effrontées des environs étalaient leurs sérésianités devant le phénomène. Les quatre solides infirmiers tapèrent dans le tas, nouveau siège de Jérusalem, histoire de se frayer un passage à travers les infidèles.
Nini n’avait pas reçu l’ordre avec le sceau de Baphomet et celui de Jacques de Molay. Durandal était restée sagement au fourreau.

Souffi va le voir régulièrement. Il est très bien. On lui a laissé l’armure, le surplis, la croix rouge, tout sauf Durandal qui pend au mur du bureau du directeur.
Tout à fait apaisé, il parle du trésor qu’il ne désespère pas de trouver. Tel Charles d’Orléans, il est prisonnier des Anglais. Il s’incline. Il a donné sa parole. Le grand vizir Potier est à la pêche au gros depuis longtemps. Il en parle comme d’un ancien adversaire, avec respect et selon les traditions de la chevalerie. De sa fenêtre, il voit le krak des chevaliers dont on rase le donjon de ferrailles brunies par les gaz du coke.
Souffi espère beaucoup de l’isoxuprine conjugué au cyclandelate. Les psychiatres aussi.
Le délire obsessionnel de l’ouvrier qualifié est désormais reconnu maladie professionnelle. On fait chaque jour des progrès dans la connaissance de ce syndrome, grâce à l’unité de recherche Bien-être et productivité du Sart-Tilman.
On vient de construire une usine remarquable à la place d’ARCELOR. Il ne s’y fabrique rien encore. On espère beaucoup des Japonais. En 2008, on a presque cru que cela y était, un chercheur de l’Université de Liège venait de mettre au point un procédé pour couper aisément les mottes de beurre. Il fallut se rendre à l’évidence, le fil à couper le beurre avait déjà été inventé par un Chinois de l’époque Ming. On avait en prévision commandé à Valfil, installé près de Pékin, les bobines pour le démarrage… Allez annoncer la chose aux travailleurs ! Quelqu’un avait bien pensé à Potier. Manque de pot, il refusa l’invitation…

27 juillet 2003

GEO-dé-ROUTE

En toute parité linguistique, le socialiste di Ruppo en grande partie responsable de la vente de la SABENA à Swissair, passe le relais de la gaffe au flamand Vande Lanotte qui bientôt bradera la Poste au secteur privé !
Coïncidence fâcheuse ou incapacité à gérer le pays au mieux des intérêts des électeurs qu’ils sont censés représenter ?
Ils nous font une crisette de servilité au grand capital, ces deux-là ! Passe encore les troupes de Louis Michel (de plus en plus évêque de Meaux !), on ne s’attend à rien d’autre, mais les socialistes ?
Plus de courrier depuis une semaine. Bon. Tu m’excuseras chérie, cas de force majeure. Mais l’Etat, ne manque-t-il pas à son devoir d’assurer la transmission de l’écrit ?
Quelles sont les raisons qui poussent les facteurs à mettre sac au sol ?
Elles tiennent principalement dans la nouvelle politique du sieur Thys, installé aux timbres par l’ancienne coalition, avec son bazooka appelé GEOROUTE, que le docteur Fol Amour, n’aurait pas désavoué.
Le plan est de requinquer la poste sommairement pour la vendre au privé, prévu pour l’année prochaine (A quand la SNCB ?).
Les dirigeants de ce pays agissent comme tous les patrons sans imagination. Aux abois, ils repeignent la façade, cachent les vieilleries derrière des machines neuves et embauchent des contrôleurs de production et des ergonomes, pour une deuxième jeunesse de la poste. En clair, ils font chier le monde, envoient les vieux et les infirmes se faire voir ailleurs et dégraissent pour dépression nerveuse et chômage ceux qui ne sont pas enthousiastes du GEOROUTE.
GEOROUTE est un parfait condensé du taylorisme le plus imbécile : définition des tâches, minutage des opérations, prime à la production, stakhanovistes chargés des démonstrations.
Les facteurs auront un horaire calculé au moyen d’une équation : le courrier déposé fond des boîtes, multiplié par un quota de rues, sur trois ou quatre secondes pour parcourir la distance de 5 m 50 qui est la longueur moyenne des façades d’habitation. Inutile de dire que celui qui n’a pas les mollets « Paris-Strasbourg » ne pourra pas suivre. Le super entraîné : 11 secondes au cent mètres et 5 m 80 à la perche, s’il hérite d’une tournée pourrie avec impasse et fond de cour pourra se brosser pour rentrer dans les temps.
Les vicieux galonnés vont s’en donner à cœur joie pour saquer des gens qui ne leur reviennent pas.
Une secrétaire ancienne miss de quelque chose au téléphone et une autre à la découpe des enveloppes, on voit bien Thys, dans le gros fauteuil plein cuir examiner la performance de ses boys sur des graphiques en forme d’étape de montagne du Tour de France.
D’ici à ce qu’on remplace le trophée Van Damme par la soirée Thys au Heysel, avec handicap : 10, 20, 30, 40 kg de courrier pour le steeple, il n’y a qu’un pas.
Si les mesures ne sont pas reportées avec les excuses publiques de la direction, je vais prier mes correspondants de ne plus m’envoyer du courrier, mais du courriel.
Les facteurs sont nécessaires aux vieux, à ceux auprès desquels ils dispensent des prestations d’assistante sociale. Ils font partie d’un ensemble de travailleurs des rues qui est harmonieux et rassurant.
Si on appliquait la méthode Thys au parlement, on mettrait la moitié des députés à la porte sans crainte pour la démocratie. Le gouvernement compterait trois personnes. Cinq femmes en vitrine sous la coupe des Albanais pourraient soulager tout le quartier de la gare du Nord.
Que veut la majorité en cassant les services publics ? Les ministres finiront par ne plus rien gérer du tout, si ce n’est la TVA et nos impôts directs. Un rêve, en quelque sorte.
Voilà longtemps qu’on tente de monter le public contre ce que l’on appelle en gros les fonctionnaires. Il y a même des sites sur le Web spécialistes de la blague de ce personnel réputé paresseux, ignare, impoli, etc. Cela procède d’une intox savamment distillée par tous les promoteurs du privé. Discours fasciste, s’il en est.
Il s’agit en fait de tirer les salaires vers le bas de ceux qui se sont bagarrés pour être payés de façon correcte avec garantie d’emplois. Regardez les misères que l’on fait aux profs dont certains ne seront jamais nommés.
Les dirigeants de la FEB, Vande Putte en tête, vous diront comme nous sommes peu compétitifs, beaucoup trop chers par rapport à la Chine et à la Corée du Nord, que si nous n’apprenons pas à manger debout des nouilles froides en moins de quinze minutes, nous ne comblerons jamais notre retard. Ils vous diront cela appuyés sur le Steinway de concert de leur salon, avec perspective sur le parc privé. Ils ne mangeront pas des nouilles dans leur porcelaine de Sèvres.
Ce n’est pas vers le bas salaires qu’il faut tendre, mais vers le plus élevé possible. La Fonction publique est une référence, un idéal à atteindre pour tous ceux qui triment dans le privé sans aucune reconnaissance des patrons et à des salaires à remanger deux fois sa merde pour ne pas crever de faim.
Le respect du travailleur commence par un salaire décent et une protection efficace. Ce ne sera bientôt plus qu’un souvenir pour le public et le privé confondus, sauf pour les hauts fonctionnaires des cabinets bien entendu. Ces gens à force de manipuler tous les poisons du pouvoir en savent un bout de la mécanique de l’usine à gaz de la rue de la Loi. Le jour qu’on leur retirera un euro à ceux-là, il fera chaud dans les ministères…
Remarquez le syndicat des patrons ne s’en prend jamais aux cadres de l’Etat. Pourquoi, Mais parce que Socialiste et libéral sont mes deux prénoms, OMC est mon nom de famille

26 juillet 2003

C’est pas tout ça. Où t’as mis l’beurre ?

Elle : Tu remarques rien ?
Lui : Ouais
Elle : Quoi « ouais » ?
Lui : T’as enfin rangé la tondeuse dans la remise ?
Elle : Mais non voyons…
Lui : Comment « mais non voyons », à la prochaine pluie, elle marchera plus !
Elle : Je veux dire « si, voyons », mais, c’est pas ça que tu dois remarquer…
Lui : Ah ?
La radio : Un missile a été tiré sur un camion américain à Bagdad. Un marine a été tué. Il semble que la situation évolue vers une guérilla que les autorités américaines redoutent.
Elle : J’ai changé de coiffure ! Tu vois la vague sur le côté gauche, je voyais plus pour conduire de l’œil gauche. Alors, Josy m’a fait retomber les mèches sur le front mais pas trop longues…
Lui : Un peu plus, t’aurais plus vu des deux yeux. Pour conduire, c’est embêtant…
La radio : Bassora, la deuxième ville du pays est toujours la proie de troubles autour de la mosquée que les Anglais ont investie la semaine dernière et dans laquelle se cacherait des terroristes.
Elle : Moque-toi ! Et puis c’est plus pratique pour bêcher le jardin, quand je me penche…
Lui : T’as repiqué les pommes de terre ?
Elle : Pas encore…
Lui : Je me demande ce que tu fous ?
La radio : Le premier dérapage de l’équipe Verhofstadt concernant le survol de la capitale. Pas d’accord entre les parties. Une fois encore, ce problème va être en commissionné, un de plus.
Elle : Tu sais ce qu’elle m’a dit Josy ?
Lui : Non.
Elle : Que Frédérique va peut-être quitter son mari samedi !
Lui : Comment ça peut-être ?
Elle : C’est ce qu’elle a dit à Josy qui lui a promis de ne rien dire à personne.
La radio : Bush et Tony Blair auraient menti concernant les armes de destruction massive de Saddam Hussein. De faux rapports ont été présentés au Parlement de Londres.
Lui : Qu’a-t-elle besoin d’aller raconter ça à Josy ? On est bien assez embêté !...
Elle : Surtout que c’est un type marié et qu’elle sait pas s’il quittera sa femme…
La radio : Deux chars des Marines se sont tiré dessus dans la tempête de sable. On déplore plusieurs blessés dont un grave…
Lui : Franchement, d’arranger les têtes, ça dérange la sienne à la Josy.
Elle : Elle a pas un bigoudi sur la langue… Elle coiffe bien, sinon…
Lui : Sinon…
Elle : Je serais allée à Bijou-Coiffure.
Lui : Mais c’est loin ! T’as pensé à tout ce que tu dois faire dans la maison ?
Elle : En ce moment, Bijou-Coiffure a une promo sur le brushing…
Lui : Et les petits pois ? Qui c’est-y qu’on prendra pour la cueillette, si tu perds ton temps à faire des chemins ? Ta mère ? …Déjà pour les écosser avec son Parkinson !
La radio : La pénurie d’eau persiste dans les grandes villes de l’Irak. On boit toujours l’eau salée des puits. Une épidémie est à craindre…
Elle : T’écoute la radio, toi, à présent ?
Lui : Non, j’attends le match Manchester - Fulham …
Elle : Je vais aux petits pois !...
Lui : C’est pas tout ça ! Mais où t’as mis l’beurre ?
Elle : C’est toi qui l’a fichu hier soir sur la télé pour tes petits pains en regardant Colombo… Je te l’apporte.
Lui : Salope pas le sentier. En revenant bouge tes bottes aux rhubarbes.
(Elle sort)
Lui : Allo, Frédérique ? J’apprends que t’as fait ta valise pour samedi ? Bravo !
- …
- Ouais. Heureusement que je le sais par Josy qui l’a dit à ma femme. Eh bien ! t’aurais pas dû…
- ….
- Ouais, c’est ça…tu savais que je quitterais pas ma femme. Alors, pourquoi tu le dis à Josy avant de m’en parler qu’on se barre samedi ?
La radio : Et voici depuis le stade de Manchester la retransmission du match tant attendu…
Lui : Faut que je raccroche. Y a comme une urgence. Des fois qu’elle reviendrait du jardin… oui, on en reparlera. D’accord… avant Josy. Autrement, c’est pas la peine, je le demande à ma femme quand on part nous deux… Samedi, c’est un peu juste…
La radio : Bonne assistance ce soir, de 25 à 30.000 personnes. Le référé Charlie Beugh regarde sa montre. Et c’est parti pour 45 minutes…. Alors que déjà des spectateurs qui arrivent seulement aux couloirs des tribunes de face se donnent des gnons parce qu’ils ne voient rien tant que ceux de devant n’ont pas rejoint leurs places… On ne va pas commencer le match par des bagarres ?
Lui : Ah ! la connerie des supporters ! Bel exemple pour la jeunesse…
Elle (revenant du jardin) : Tu sais quoi ?
Lui : Avec Frédérique ?
Elle : Non. Les voisins me disent…
Lui : Quoi les voisins ?
Elle : Il paraît que les Américains et les Anglais vont demander de l’aide à l’Europe pour l’Irak !
Lui : Ils sont en guerre contre l’Irak ? Le jour où Manchester joue sur son terrain ! En voilà des nouvelles…

La fuite en avant.

En ces temps de canicule, tout se disloque, s’évapore au moindre courant d’air.
Les gens, d’habitude si peureux, qui resteraient pas une heure en ville sans penser qu’un voyou pourrait mettre tout en charpie dans leur appartement, saccager jusqu’aux photos de famille, pour rien… de la thune sous le matelas ou le plaisir d’écrire au ketchup sur les murs, eh bien ! ils se dispersent, vagabondent, sont au vert.
Ils traînent plus dans les rues. On voit plus personne.
Quand on n’est pas ciblé ville de vacances sur les répertoires, aux agences, dans les gares faut s’attendre à des déserts. On a eu l’idée Simenon, à Liège. L’a-t-on assez clamé, chanté, joué, le bougre. Nib de badauds… Pas un Allemand sort de l’autoroute, pourtant le chemin nacht côte d’Azur, autoroute des Ardennes, voie tracée soixante ans à l’avance… von Rundstedt…
Liège n’est pas répertorié transit, séjour possible, hôtel, chambre d’hôte. Pendant deux mois, c’est inutile d’insister : c’est la zone. On n’est pas terre d’accueil, c’est un fait, ces deux mois-là…
En plus la boulange s’est passé le mot, tous en congé aux même dates, pour pas se faire mal à la concurrence, des fois que celui qui reste serait plus méthode artisanale, cuit au chêne, et ferait pas reluire ses sandwichs au mazout. Méfiance de boutiquier, comme dirait le Schpounz…
Les bonnes nouvelles passent inaperçues. Par exemple sur Teledis, un médecin australien en est sûr, la masturbation après 60 ans évite la prostate. Si le traitement se confirme, faudra engager des jeunes aides-soignantes dans les hospices. On va refuser du monde.
Mais à quoi ça sert les nouvelles ? Un américain, par ci, par là, qui calenche à Bagdad. Notre gouvernement si incomparable tout gaillard réjouissant les cœurs, quand les cœurs se sont fait la paire ?
Le diariste retrouve sa liberté d’expression sans clientèle. On est en apesanteur. Toutes les bouffonneries que l’on peut proférer ont l’insignifiance d’un manuel militaire en temps de paix.
C’est comme les blogs, autant recopier la feuille de la Meuse qui pend dans les waters. Le lecteur est aux abonnés absents, des sites qui se faisaient quelques centaines de voyeurs la journée, dépassent plus 50 visites. Alors vous pensez des petits jeunots de mon genre… Je vais pourtant pas cliquer pour faire avancer le compteur !
Faudra attendre début août, pour que se ranime le centre ville et se rallume l’ordinateur. Quand les retours et les départs animeront les carrefours, on saura qu’on est à 30 jours de la rentrée.
Faut-il que les gens s’emmerdent dix mois de l’année malgré tout ce que les patrons et le gouvernement racontent sur le goût d’entreprendre, le challenge – personnellement que je trouve imbécile – de prouver qu’on est le meilleur… celui à qui doit revenir tout le fric, pour foutre le camp vite fait, tout moyen de transport à portée !
Une belle devise qu’on devrait accrocher à la porte du G8 : « Tout pour moi, rien pour les autres ! »
Enfin, on pensera à cela en septembre, quand on recommencera à faire semblant…
Ce qui soulage celui qui reste, c’est qu’on a plus de blèmes pour garer la voiture. Les passants réapprennent à flâner. On dirait que le collectif de ceux qui restent au moment où notre beau système socialo-libéral rejoint son cantonnement entre Hyères et Menton, ressoude la cohésion nationale. Avant juillet, on était trop nombreux à jouer des coudes. La démocratie pour qu’elle soit vivante, qu’elle ait un sens, doit copier le modèle grec : un agora pour une ville de trois à quatre mille citoyens, pas plus… N’est-ce pas dans notre communauté de millions d’individus que gît la raison principale de notre échec ? Ici, c’est le contraire. On attend juillet pour nous balancer en douce quelques impôts supplémentaires. Le hobby gouvernemental 2003 serait d’augmenter les accises du mazout, histoire de renflouer les caisses et non pas de faire payer les pollueurs, puisque les transporteurs qui sont les plus gros consommateurs de Belgique donc les plus gros pollueurs bénéficieraient d’une détaxation compensatoire ?
Quand je vous disais qu’en juillet tout le monde raconte n’importe quoi ?

24 juillet 2003

Pandémie et tiroir-caisse

Pourtant si optimiste à me fendre la gueule dans le pire des cas, j’avoue que des mauvaises impressions me retournent la tête.
- Ah ! le con, disent les Bénis-cocos du système, il est pâle des genoux depuis qu’il se lâche à la demi-douzaine de fondus qui titillent le point virgule de son Richard III.
- Et encore que j’y dis, je parle pas trop de ma nature, des richesses de mes relations, du général d’Accent-Aigu, de sa mignonne et de son baise-en ville, au vestibule, à côté du téléphone pour les urgences, des fois qu’elle plairait encore, qu’elle aurait bénéficié d’un faux jour, d’un crépuscule flatteur… de Lola Rastaquouère qu’avait pas l’air, mais dès qu’on était seuls, fallait se défendre… par contre en groupe, la sainte femme à son Nico… Non, mais ! De Victor, l’apeuprèiste, qui disait grave d’une commande pressée à son patron scié : « Mais, vous m’enculez au pied du mur ! » J’vous jure qu’il le faisait pas exprès… La grande Josée, qu’avait que son corps pour elle, mais tellement parfait qu’elle en attrapait de l’esprit, rien qu’à lui mater les fesses…
- Arrête, tu vas pas aligner l’agenda de tes luttes finales ! Tu vas pas faire ton Freddy, tombé en plein ciel de gloire, le Saint-Ex des chattes de gouttière…
- Je surveille l’épée du chevet. Je prends garde au fourreau… C’est pas ça. Non. Je crois plus aux hommes.
- C’est pas vrai, tu te faisais péter la tubulure, dis, ma douce ?
Comme on le voit, ces natures à la sucette du régime, comprendront jamais rien
- Poor Richard, poor Richard, répète celle qui me plaint à longueur de journée.
Elle non plus…
Je croyais que c’était fini la douleur, qu’on allait pouvoir s’amuser, avec Daisy…
Elle voulait tellement être bien dans son rôle de femme convenable, qu’on faisait plus rien ensemble. Il est vrai qu’avec une Anglaise, on navigue à vue dans le non-sens ! C’est Jenny, l’écossaise de mon passé composé qu’aurait pas dit le contraire. Ah ! j’ai donné dans le British, quand on pense le peu de goût que j’ai pour Tony Blair…
Dans le temps, je refaisais surface après la visite des catacombes. Mais, des limites à tout. Le seau dans la chambrée est plein et sa mouque le porc. J’ai pas le jus pour me lever et le balancer par la fenêtre…
- T’as plus Liège à la bonne, mon faquin ? T’es sorti de ta nationalité ? T’es plus fier d’être Wallon à la majorité silencieuse!
L’injure suprême tombe à plat. Voilà longtemps que c’est plus qu’à la remise des prix au « Pip’ club Simenon » qu’on pousse des cocoricos.
Je moufte plus. No trouble, Daisy… C’est rien vous autres…
Qui comprendrait ?
Personne, par les temps qui courent…
- C’est quoi Toto, ton problème ?
Ils insistent les vers à bois.
Le feu qui me monte.
- Vous voyez pas où on est, mes glands ? Vous me cernez, les Dupont-Lajoie. Je me saborde. Quitte le ponton Daisy, retourne à Liverpool ma grande. Et vous autres, débarrassez… Je veux plus voir personne. Comment vos lunettes grossissent plus ? C’est pas assez la première page des gazettes ?
- Mais tu vas caner, pépère. Nous lâcher dans les doigts, paroles ? Les journaux, mec, au mois de juillet, mais c’est des blèmes à l’ouragan qui pardonne pas pour les toiles des campeurs, c’est le vioque fin saoul au cacheté qui prend l’autoroute à contre-sens, c’est Verhofstadt qu’écrase son gros cul sur une bicyclette à Eddy, c’est kitsch tour de France, le Belge moyen à la récré…
Ils voyaient pas ces caves où je voulais en venir… la honte mondiale. Ce qui sautait pas aux yeux à ces adorateurs de la croissance, ces veaux de l’économie de marché, ces truands de la rentabilité, ces enculés tous régimes confondus ?
- Le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tubercu et le palu, sait pas financer sa campagne 2003, que j’y balance, tas de veaux !... Ça va faire des millions de morts supplémentaires dans le contentieux.
Bravo. On est tous dans un monde corps et âme à la société anonyme, cadavres et charognes fin de parcours... Pourtant, ces misérables qu’ont les millions de morts futurs sur le paletot, …plus forts en gueule que jamais, osent toujours se faire reluire. On voit qu’eux, nous faire des prêches sur les génocides, les tribunaux internationaux, les chiures de mouche. C’est comme si Eichmann revenait dans ses fourgons nous relancer dans l’humanitaire et qu’on marcherait comme un seul homme. Mais à côté, le boyau qu’écope de vingt plombes pour avoir dessoudé une grand’mère, c’est un coquelicot des champs !
On s’est dit des choses encore longtemps.
Je prenais trop au tragique. J’avais tort. La fatigue, les nerfs, Daisy à qui ça disait plus rien de tenir la chandelle… On a bu, histoire d’avoir moins chaud, un tiers de pastis, un tiers de vodka et un tiers sans rien. Petit à petit, je me suis fait une raison.
C’est vrai que tous les hommes sont des salauds, d’infâmes crapules, que les dirigeants, c’est de la crotte de chien… Et puis après ?
- Est-y pas belle, la vie ?
C’est Henry qu’était plus allumé que les autres, parce qu’avait pris un train avant, qui venait de la sortir de sa gueule au moulu fin.
Vous me croirez si vous voulez, on a tous éclaté de rire. On savait pas pourquoi, c’était ainsi, le parfait rire crétin qui soulage. On savait plus s’arrêter, à devenir malade, je crois même qu’on l’était déjà un peu.
Daisy qu’était en cycliste était belle comme tout. On est sorti faire un petit tour de France. Pas loin. On a pris à Cabrel la cabane au fond du jardin. La tondeuse à gazon comme matelas, c’est un peu dur. On s’arrange de tout avec l’amûûûr.
De la soirée, personne a plus dit un mot sur le fiasco mondial. Y a comme ça des choses si abominables et si dégueulasses que rien que d’en parler on se pourrit les dents.
Demain, on espère il y aura les gus du Tour de France, le tennis, le triathlon.
Paraît qu’ils sont dans les Pyrénées.
Le sport, y a pas mieux pour digérer la merde.

23 juillet 2003

L’avenir n’est pas pour demain.

- La Creuse est en mue.
- Pourtant il ne pleut pas.
-Ça doit être notre transpiration.
- Plus le niveau monte, moins c’est profond.
- Expliquez-vous ?
- Je parle des taux de décibels du concert d’hier.
- Moi, ce que j’aime dans le clip de Daisy Chainsaw, c’est le son.
- Elle a beau montré ses fiches et faire goûter sa menthe…
- Surtout quand les parasites lui brouillent l’écoute.
- Ma femme ne la supporte pas. Elle relit Tintin… la verve d’Hergé !
- Son concert en Suède…la gêne du Vatican…
- Naturel. La Suède a du fer à ne savoir qu’en foutre, le Vatican, c’est le contraire.
- On parlait de quoi, en fait ?
- J’avais cru comprendre « la Meuse est en crue… »
- C’est ce que j’ai voulu dire.
- Et « le clip de Daisy, c’est le son « ?
- Pareil. Tout à l’avenant.
- On se croirait chez Chevallier et Laspalès quand ils parlent de la MACMUT.
- Sauf qu’eux ils filent pas comme nous leurs bouilles à la caisse.
- Je ne suis pas sûr. Voilà si longtemps qu’ils bâillent dans la même course.
- Les poux du rire ou les roux du pire…
- C’est d’un niveau aujourd’hui… j’ai honte !
- A l’avenir, on pourrait remettre ça de temps en temps…
- Ah non ! l’avenir n’est pas pour demain.

22 juillet 2003

T’as l’feu vert, Véronèse (2)

DEUXIÈME PARTIE.

Forcing à la culture.

« Le pouvoir de… » formule magique, jusqu’où ça conduit l’homme… Véronèse était pas tant adjudant pète sec, dans le fond, que brave homme poussé par les nécessités. Le moyen de finir en beauté quand on gagne mille euros par mois ? Son coup de folie : criser pour Messaline ! Etait full avec le projet sanglant. A soixante ans, entre deux gendarmes, la perspective lui échappait dans le flou de l’amour !
Avant de sombrer aux sentiments, il était plutôt du genre douanier polonais du temps de Jaruzelski... I’ voulait pas d’emmerde, rien que du bakchich…
Véronèse marchait aux dollars. Il avait une religion pour le pourboire. Pas plus rapide que lui pour étouffer le dessous de table. Il grattait partout : trattoria, muséum, piste de kart, Hollande miniature, foire de Frankfort. Il avait tout fait, chaque guichet, commissaire aux relations, employés aux expositions, chaque coin de vestibule, cellier, cave, même sous les cages d’escalier, bureau d’hôtel, soutien-gorge des cachottières. Les dames pipi l’appelaient Vérole. Ce nom lui allait comme un gant. Vérole foutait jamais le camp sans ses lires, euros, dollars, 10 %, selon… Il vidait les assiettes des lavabos en sortant des waters... Son habitude, vingt ans d’expérience !
Les passagers, à force, commençaient à le connaître. Sur les sites, ils formaient une petite famille. Messaline boute-en-train, Véronèse à la culture… Six heures à pas pouvoir s’étendre dans la ferraille brinquebalante, on a le temps de s’attendrir.
D’abord on se méfie, naturel, surtout au départ à cause du fric qu’on a dissimulé dans ses chaussettes, valise, ceinture… Parfois, on s’interpelle. On se souvient plus. On s’angoisse terrible sur l’oseille. La mémoire qu’avait flanché revient. On a des sourires. Le billet de cent dollars pouvait pas se trouver dans le tube dentifrice, puisqu’on l’avait roulé façon cigarette dans la boîte des Tampax ! La fatigue venant, on dodeline. La tête donne contre la vitre.
C’est la petite brune pas mal qui part la première et qui ronfle un bon coup
Son mari gêné, la remue, la chatouille… puis de guère lasse, part à son tour se joindre à l’orphéon. Bientôt la tôle n’est plus qu’un long corridor dortoir. Véronèse qu’était sur des explications de fondation sur l’eau, système pilotis, qu’on appelle pali sur la piazzetta, s’embrouille dans le fourbi du détail. Il prend l’air comme un phoque après dix minutes d’apnée, puis s’écroule entre deux phrases. En ronflements, c’est le gros hélico.
Messaline qui recueillait l’argent des cocas qui rafraîchissent dans la glacière, se sent partir en arrière. Elle rejoint le groupe, la tête renversée. Sa maigreur des deux mois de jeûne pour grimper au rideau avec Vérole, bien en évidence. Abandon total, bouche ouverte, beaux plombages, rien à redire. Sauf une petite bave qui lui coule entre deux hoquets, elle reste propre. Elle qu’avait l’instinct pervers, c’est l’innocence même… C’est dire comme tout est relatif, de l’assassin à l’honnête homme… un fil.
Moumoute et Ansoise résistent, ils font des mots croisés. Ils sont sur la même grille depuis trente ans, avec des variantes selon les éditions, les saisons, le caprice…
Un cassis trop brutal, un tournant en épingle, on émerge du coma profond. C’est souvent pour voir défiler une usine à gaz. Deux minutes avant, c’était le champ de coquelicots, une échappée sur la mer… Après les confidences du couple infernal, les petits secrets des autres ont pas le relief, pourtant, on se raconte des choses qu’on croyait bien enfouies. Patricia veut pas d’enfant, des fois qu’il ressemblerait à son père. « C’est Jauly » n’a jamais été mariée, les hommes lui font peur ! Une des deux attendries du début parle de son métier de technicienne de surface. « Oui, hein quoi ! femme d’ouvrage, dit Ansoise qui lève la tête de ses graticulations.
« C’est Jauly » se gratte carrément entre les jambes. Elle se retrousse devant sa voisine qui sourit.
- Des fois, aurait pas des morpions dans les coussins ? C’est un si vieil autocar.
Quel âge il a ? Les spécialistes oscillent entre 10 et 15 ans. On s’intéresse aux points de rouille.
- I’ devrait plus que transporter les ouvriers de Beringen.
Pourquoi Beringen ? Personne en sait rien.
Véronèse espace ses ronflements. Il tressaute. Ouvre un œil, la gueule au meurtre. C’est dommage qu’a pas Claude sous la main, juste au réveil… i’ passerait pas le quart d’heure.
Mais le moment est pas là. Faut instruire et instruire encore les tripeurs, que c’est même écrit dans le contrat. Véronèse sait pas où on est. Il s’en fout. Douaumont l’inspire, 1914, la belle résistance aux Allemands !... le front de la Somme. Ça tiendra éveiller jusqu’à midi. On est pas précisément du côté des tranchées, mais pas loin de Monte Cassino.
Les incultes se révoltent. Les hommes surtout sont jaloux de la jactance de celui qui sait ce que les autres savent pas.
On passe sa vie à dénoncer la culture qu’est de la merde de bourgeois, dès qu’à un concours on demande qui avait plus qu’une oreille pour peindre les tournesols, dix couillons gueulent dans la salle : Van Gogh !
C’est tout le drame d’aujourd’hui en condensé, d’un côté les cloches qui revendiquent leur clochitude, qui s’en foutent de ne posséder que trois mots avec cent borborygmes autour et de l’autre, les pieds nickelés qu’en savent pas plus, mais qui en ont conscience. C’est surtout les dames plus intelligentes qui vont à la conscience, au contraire des hommes, sacrés sagouins prétentieux… Les dames veulent entendre Véronèse. Messaline aux applaus. C’est tout juste si elle interrompt pas l’artiste au général Mangin qu’arrive avec ses tanks, pour dire, « Ce mec si fort instruit, si tout… c’est mon amant !... On baise ensemble depuis six mois… Faut voir, en plus, comme il est souple à son âge… » Elle se retient. On peut vouloir estourbir un gêneur et s’en expliquer, mais pas s’échauffer les sangs devant tout le monde. Les pulsions du cul trouvent rarement d’exutoire en compagnie nombreuse. La jalousie des masses frustrées, comprendrait pas. Y a trop d’obturées deuxième rideau. Regardez Roch Voisine, le tort qui s’est fait quand on a appris son mariage…
- Peu d’attention, siou plaît…
Crac boum hue fait l’ampli…
La voix de Véronèse prend comme des graillons au fond d’une poêle qui recuirait pour la troisième fois... On part à l’étonnement. C’est plus le même homme. L’Haut-parleur humain chaliapinise… C’est une basse noble qui se cachait sous le baryton martin.
Le bidule s’arrête, c’est pas l’arrêt pipi. On est en plein bouchon, en février ! C’est pas la peine de se les geler pour pas plomber le moteur en août.
Aux nouvelles, c’est une vache égarée qui se promène sur l’autopista…
L’événement réveille l’instinct agricole qui sommeille dans chaque citadin. On parle fourrage et culture transgénique. Si José Bové était là, même « C’est Jauly » lui ferait des gâteries.
Le chef reprend courageusement la campagne de 17. Il ne sent plus son public. Même les femmes échappent…
Le car a un coup de blues. On se demande ce qu’on fait là. C’est alors que Véronèse pousse une cassette du Gendarme dans la télévision de bord. Il veut tuer tout le monde ! Puis on se rendort, carrément cette fois. De Funès et Galabru partent en lignes zigzagantes et en mélange des couleurs.
On se réveille au parking. Au bout d’un pont moitié levée de terre, moitié en béton, c’est la lagune. Pour le reste, un vendeur à la sauvette a toutes les documentations possibles dans toutes les langues.

C’est la première fois que je vous fourgue un de mes poèmes, profitez-en, ce sera la dernière.

Le monstrueux moka sans ses chevaux de bronze
A son rythme s’enlise au ras des flots malsains
Devant le Campanile est un membre italien
Qui débanda paraît-il en quatre-vingt onze

Le Grand Canal repeint à la couleur ambiante
Passe du vert au brun sur quoi l’écume rend
Les pigments digestifs d’apatrides fientes
De tous ces intestins qui vont déambulant

Dans les ruelles d’eau des barques se disloquent
République n’est plus ce qu’elle avait été
Les papiers gras flottants c’est bien là notre époque
Les rats dans tous les trous pètent d’obésité

Il faut bien qu’on aborde et c’est à la Salute
On y reste encaqués jusqu’au retour prochain
Dans l’Eglise sous les voûtes tombent des gouttes
Sur la nappe d’autel Dieu change l’eau en vin

Selon qui la regarde en ses eaux attardées
Venise a pour chacun différentes beautés
Quand on y est déçu c’est la pouf d’un clandé
Filant de son tapin au julot la comptée

21 juillet 2003

T’as l’feu vert, Véronèse (1)

Première partie. Le départ.

Février 2003. C’est « classe » la ferraille ras du trottoir à l’heure dite du catalogue Transit-Tour. Les groupies font un saut en arrière pour éviter le jus de rigole, et Véronèse un saut en avant. Prestige du chef qui saute toujours en marche de tous les engins.
Véronèse, chef de l’expédition. Pas son vrai nom, bien sûr, trop difficile à épeler. Véronèse lui plaît, rapport au vert. On le saura assez tôt. Le Carnaval commence par Véronèse qui compte les impétrants. Pendant douze jours cessera pas… en manque un, tien, on en a un de plus… A la fin, tout le monde était au comptage. Si on osait la comparaison Berlusconi avec les kapos, mais on n’ose pas…

L’engouement des masses pour le trip… complet juillet, août. L’affolement des ménages: où va-t-on bronzer l’été ? L’Espagne c’est rikiki. Tout Outremeuse couche à Benidorm !
- Si on se tapait un voyage culturel ?
- Voir des ruines, ça me fout le cafard.
- Pourraient quand même reconstruire avec le fric des touristes ?
- Un trip culturel au mois d’août autant faire une mouche drosophile à deux culs à la Faculté de la place Del’Cour ou laisser ses houseaux dans une université d’été.
- C’est de la culture, ça mââme. Et pas de la fripe, de ces enculeries de titulaires de chaire… Formule des formules…
A l’université d’été, y avait plus qu’une inscription au symposium spécial mois d’août sur le Grec ancien.
Ah ! je résiste pas… une telle envie de vous faire chier…
Je sors le dépliant de 347 pages. Je l’ouvre au hasard. Rien que de l’authentique pur jus droit fil l’élite made in Belgium, été 2002.

L’aoriste premier passif : Le suffixe – η – présentait l’inconvénient de s’ajouter malaisément à un élément radical terminé par une voyelle. Ainsi s’explique le succès du suffixe – θη – dont l’origine reste inconnue. Quoi qu’il en soit, il se répand depuis l’époque homérique et est usuel à l’époque classique. Les désinences sont analogues à celles qu’on a vues pour les aoristes seconds athématiques du type έσβην.
Tel quel !
Entre parenthèse, ce sont les mêmes qui refusent des homologations de savants russes, docteurs en philosophie et lettres, dix fois plus intelligents et supérieurs à tout ce que la Belgique essorée sous la chaleur peut aligner comme fortes circonvolutions. Je me suis demandé : jalousie extrême, enculage entre soi ? Non : peur de partager l’emploi, donc les biftons. C’est dire les enflures, les casques à pointe de la culture, à côté de ça notre Vert Véronèse, notre guide Transit-Tour, c’est le génie absolu.
Fin de la récré.
Et pourquoi pas partir l’hiver, qu’on se dit ? Va donc pour l’intersaison mignonne !
Au lieu de l’université d’été bourrée des phénomènes faichiérants aux méninges démesurées, notre besogneux d’hiver Transit-Tour est à portée du cycle moyen. Bien con, mais d’une connerie modérée, comme l’électeur libéral, adorateurs michelins, pas les pneus, non, de Louis.
A ma gauche : Basilica dei SS.mi Giovanni e Paolo et de l’autre la Volta du grande canale, comme si tout le monde voyait pas la flotte ! Un con moyen, c’est au service d’une culture appropriée à la moyenne des connaissances, moins un (Principe de Peiper) : flou à tous les étiages (Non. L’i est volontaire). Outre la guerre 14-18, lui sa passion à l’accompagnateur, c’était le vert Véronèse, on commence à le savoir… Allez pas chercher… Sur le temps qu’il explique - avant le vert - Véronèse, on est déjà à Bergame…
Je reviens. Pardonner l’incise… Je vous dépose en février 2003, mes ravissantes, l’air frais du Grand Canal, et tout…
La haute saison, l’abondance des foules gonflées de pécules, rend le moindre accès encombré, onéreux, suffocant. L’hiver fait de si jolies fleurs de gel sur les vitres du Florian ! Et puis, l’hiver, outre le conte réfrigérant quand on vous la poigne sous la table en pleine haute température, celui qui vient de régler sa location à La Panne voit tout de suite que c’est moins cher.
- Qu’est-ce qu’on irait foutre à Malaga en string en février ? Si les frimas font pas bander les estivants, par contre les cultivés, sous vêtements Trois Suisses, potassent le Michelin par tous les temps… direction Venezia !
Minute, je m’emballe… alors qu’on n’est pas encore parti… toujours ras du trottoir… embarquement des bourres, valoches et menus objets. Mémère en voiture rassemble ses portraits de famille, dernières vues de la Sauvenière… ô terre chérie !... L’oignon à l’œil. C’est parti. On est bonard…
Tout de suite un drame à la Richard III.
Messaline qui sait pas encore comment elle va le finir son Claude demande à Véronèse son amant de la Saint-Jean, plein démarrage pétaradant, s’il a prévu la forte lame, l’au moins cinq doigts, en cas de survie imprévisible, en plein retour dans une dizaine de jours, que le malfaisant gêneur serait toujours là, capable de résister à la mort-aux-rats, curare, Socrate involontaire à la ciguë de l’aimée… Ambiance de car très italienne déjà, seulement Pont d’Avroy, direction autoroute de Luxembourg.
Véronèse sous l’œil de Messaline, poussé à la forte envie, ferait arrêter le car pour en descendre et le finir à la tronçonneuse, le Claude. C’est pas ce qu’on lui demande. Juste un petit meurtre moyen. Le car en convient. Le raisonne… Tout de suite le génocide pour cet exalté. En a-t-elle connu, Messaline, des psychopathes qui s’écrasent à l’acte, au point de faire un écart pour pas marcher sur une bête à bon Dieu ! Qui hésite estourbir un peintre de peur de passer sous l’échelle ! En attendant le gros – car Véronèse est gros - est au grincement de dents, le besoin d’anéantir. Il se tient plus, sa mission, son crime. Le dabe ventru est à l’alambic des Borgia. Le soir à la première halte, il déposera son surin sur la table de nuit, faisant jaillir la lame, essayant le ressort. Joie d’être un homme ! Messaline d’abord froufroutante, puis décidément à poil, aura trouvé les mots : valeur, honneur, juste cause, besoin de clarifier, grand principe, enfin tout ce qu’il faut, stérilet compris, à la passion. C’est tout juste si elle a pas ajouté la patrie dans l’argumentaire… Oui, il faut être patriote pour supprimer certains êtres.
Dans le tube à roulettes, on s’est entassé, rafistolé, moulé à la banquette.
Deux gracieuses ont le cœur débordant de laisser l’homme aux adieux sur le trottoir où pourrit le cadavre exquis du journal « La Meuse », dont les restes sacrés sont transférés dans un loft plus approprié à l’ampleur du drame social.
Les deux gracieuses ont la conjoncture redoutable dès que dans la courbe Ramada, elles perdent leurs coquins de vue. C’est tout de suite le tour des possibles, la chasse aux porte-queue pour séjour agréable. Tout ça mêlé de culpabilité aux présages, du genre « Pourquoi on est comme ça ? ». L’autre Zouave à Paris avec ses arts premiers, savait pas si bien dire. C’est le choc primitif. Les deux, leur choc à elles, tout à fait sorti du fond des âges « Qu’est-ce qu’ils vont devenir sans nous ? ». Elles ont trouvé les bonnes paroles qui n’engagent pas à la fidélité des vieux couples « On n’est pas là pour s’emmerder ».
Plus tard, la plus délurée dira au faux marinier de la lagune sur le wharf du Danieli et qui profitait de la houle pour lui mettre la main aux fesses : « mais je suis mariée ». Comme l’autre savait que l’italien, il a cru comprendre qu’il avait le feu vert. Et c’est comme ça qu’elle a renoncé à l’explication et qu’elle a tellement bien capitulé que pendant tout le séjour, elle sortait plus de la gondole.
La deuxième, la moins moderne a eu du mal. Véronèse était casé avec Messaline, même Mémère avait allumé un porte-cierge de la basilique Saint-Marc. Restaient plus qu’un vieux schnock, qu’on était dans le doute, s’il était pas d’un car allemand qu’aurait versé dans un virage ? Le schnock, allemand ou amnésique aurait fait l’affaire avec la charmante, entre deux chansons éternelles accompagnées à la mandoline, si un cavaliere qu’était là par hasard et qu’avait plus assez de pécunia pour le bobinard – casino en italien - finissait par courser le vieux schnock et le prenait de vitesse sur le fil.
Il y a comme ça des malchanceux condamnés à la branlette parce qu’ils se sont trompés de station. Si au lieu d’être à Venise, la scène se fût passée à Garmich-Partenkirchen, en hors piste ou pas, on a toujours deux sticks. Ça ouvre des perspectives. Qu’en pensez-vous mes chéries ?
(suite de ce poignant récit de vacances demain sans faute)

19 juillet 2003

Un drôle d’apôtre.

- Je me pré… présente… encore que vous, votre grâce… vous connaissez mon identité ?
- Détendez-vous. Mettez-vous à l’aise.
- Co…comment dois-je vous appeler ? Seigneur ? Monseigneur ?
- Appelez-moi Un.
- Un ?
- Oui, Un.
- Pourquoi ?
- Un parmi les autres. Vous comprenez.
- Monsieur Un, qu’est-ce que ça fait d’être Dieu ?
- Je ne sais pas. Je n’ai jamais été autre chose.
- Et les autres ?
- Quoi les autres ?
- Oui, vous vous dites Un parmi les autres…
- Eux sont des créations humaines, soit qu’ils ont été inventés soit qu’il se sont inventés.
- Ils sont donc tous faux ?
- Oui.
- Vous êtes seul ?
- Non. Nous sommes quelques uns. L’univers est tellement vaste.
- Nous les connaissons sur terre ?
- Non. Puisque même moi, je n’y ai mis les pieds qu’une fois. Je me demande même comment vous avez eu mon adresse ?
- Alors, celui du Vatican ?
- Illusion.
- La Kaaba ?
- Fantasme.
- Du mur des lamentations ?
- Billevesée !
- Et les Petits Gris, Moon, les sectes, les disciples de Jéhovah, Luther ?
- Imagination, divagation……
- Vous êtes sûrs pour les Petits Gris ?
- Certains !
- Alors, on a tout faux ?
- Pas tout a fait.
- C’est-à-dire ?
- Epicure, c’était moi.
- Non !
- Puisque je vous le dis.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Les gens voulaient souffrir. Ils voulaient que je sois terrible. J’ai renoncé à les convaincre.
- Pourquoi ?
- Je ne peux pas défaire ce que j’ai fait.
- Ah ! mon cher Un, vous n’êtes donc pas si puissant que cela ?
- Si, si… mais vous oubliez une chose…
- Laquelle ?
- Je suis bon !
- C’est pas une raison pour vous laissez emmerder !
- Je n’ai pas mes bureaux sur votre planète. Voilà deux mille deux cent septante trois ans que je m’en fous !
- Alors, l’autre à Saint-Pierre, quand il s’abîme dans un océan d’extase ?
- Il se fait un bien fou, mais ça ne me concerne pas.
- Qu’est-ce que vous lisez dans notre avenir ?
- Je ne sais pas. Je n’ai encore rien décidé. Il y a trois milliards de planètes habitées dans mon secteur. Parfois, tellement plus intéressantes. Je laisse aller les choses. C’est plus drôle…
- Attendez voir, les guerres, c’est vous ?
- Pourquoi ce serait moi ?
- Elles sont faites en votre nom.
- Je n’y suis pour rien…
- Les catastrophes ?
- Pas davantage.
- Tout viendrait donc des hommes et de la nature !
- Tout.
- Mais alors, vous ne servez à rien ?
- A rien.
- Alors pourquoi vous existez ?
- Mon existence est temporaire.
- Vous êtes donc mortel aussi ?
- Cela ne veut rien dire.
- Pourquoi ?
- Quand nous sommes, la mort n’est pas là, et quand la mort est là, c’est nous qui ne sommes pas ! Elle ne concerne donc ni les vivants ni les trépassés, étant donné que pour les uns, elle n’est point, et que les autres ne sont plus.
- Quand je vais écrire ça dans mon blog !

18 juillet 2003

Campus au TROULOUETTE

- Les gens réfléchissent pas.
- Je l’ai toujours dit.
- Tu demanderais où ils vont, avec des airs de gens pressés… I’ savent pas.
- I’ conduisent pour conduire…
-…comme ils boivent pour boire.
- I’ s’renferment chez eux après le boulot. Se mettent à la télé…
- C’est à se demander comment i’ font pour rencontrer une créature…
- Faut bien qu’i’ sortent pour. Sans les autres, on serait rien. Mais i’ vont pas loin pour être quelque chose…
- L’idéal, c’est la voisine de palier.
- On sait que les accidents les plus fréquents se passent à moins d’un kilomètre de chez eux.
- Bon. Et alors ?
- Pourquoi, i’ déménagent pas à plus d’un kilomètre, les gens ?
- C’est des blagues tout ça, puisqu’ils auront un nouveau domicile ailleurs, donc il leur arrivera des tuiles à moins d’un kilomètre de leur nouveau domicile ! C’est con, ce que tu dis…
- Pas s’ils déménagent sans changer d’adresse !
- C’est vrai, j’avais pas pensé…
- Moi, j’ai déménagé. Une maison neuve. Toute équipée. Comme nous on est de la campagne tu penses du changement !
- Te voilà comme tout le monde, au progrès pour le progrès…
- C’est quoi « comme tout le monde » ? Avant on sentait le gaz ?
- Fini d’aller à la feuillée ou à la cabane au fond du jardin, comme Cabrel, je veux dire…
- Le changement de la vie à l’air à la vie sans air est pas facile.
- Oui. On a l’air de quoi ?
- L’autre jour, je mets du linge dans la machine à laver. Je tire la chasse. Je n’ai plus vu le linge depuis !
- Tu t’es remis à la planche à lessiver dans la cour ?
- I’ a pas de cour ! On a voulu mettre le baquet sur le trottoir. C’est le voisin qui a dit que ça se faisait pas en ville.
- Et pour les chiottes, ça doit te changer ?
- Tu ne le croiras pas. Il faut monter sur un escabeau. Le vase est horizontal. On se contorsionne à se dévisser le chose... C’est tellement moderne qu’il faut programmer ton passage. Si c’est pour ta petite, tu mets sans prélavage et pour tes gros besoins, je te dis pas, sur 60 et un trempage, qu’il faut. En plus, ça dure une heure pour évacuer. Si t’as un autre qu’attend, faut pas qu’il soit pressé !
- T’as le temps pour de la lecture !
- Depuis qu’i’s font La Meuse en tabloïd, a fallu réduire les papiers-cul. Même pour les titres on a du mal. Faut tourner les pages tout le temps… Note, qu’en petits carrés t’as l’essentiel. T’en sors un du clou de temps en temps.
- T’as la télé ?
- Ouais. Pour changer de chaîne on demande au voisin. Quand il n’est pas là, on regarde le bocal du poisson rouge. Veux-tu que je te dise, c’est plus vivant que Drucker.
- T’as un garage pour la bagnole ?
- Oui. Mais je peux pas y entrer.
- Pourquoi ?
- A cause de la bétaillère qu’est toujours pas vendue. Faut dire qu’elle a vingt-cinq ans.
- Tu sais pas en mettre deux ?
- Ouais. L’autre jour, je mets ma voiture à côté de la bétaillère. Je peux plus sortir ! J’appelle ma femme. Elle peut pas entrer non plus. C’est un dépanneur qui m’a sorti en marche arrière.
- C’est embêtant, les voitures. Je reclape la portière avec les clés, ma femme et les gosses à l’intérieur. J’ai dû chercher le jeu de clés de réserve dans la maison !
- Elle pouvait pas te donner les clés puisqu’elle était à l’intérieur ?
- Impossible, elle sait pas conduire !
- Mais de l’intérieur, on peut ouvrir sans clé !
- Tiens, c’est vrai. Elle est con, celle-là, pour pas y avoir pensé !

17 juillet 2003

Au comptoir

- T’es qui, toi ?
- Comment, t’es qui toi ?
- Ouais, t’es qui, toi ?
- Je comprends pas.
- Ah ! tu comprends pas ! Pourtant, c’est simple.
- Bon…
- T’arrives au troquet, tu mates ma gonzesse et tu prends un pastis.
- Alors, on peut pas boire un pastis ?
- Pas avec mon eau.
- C’est un pot pour deux.
- Non, monsieur, c’est mon eau.
- J’vais demander un pot, si tu veux.
- Voilà qu’il donne des ordres, le petit impertinent.
- Patron, un pot d’eau, s’il te plaît !
- Tu crois pas que tu vas t’en tirer comme ça ?
- Rapport à l’eau ?
- Non, rapport à ma gonzesse. Viens ici, Charlene. Tu connais ce type ?
- J’l’ai jamais vu.
- Et en plus, tu le connais pas. Tu sais des types comme toi, j’en ai brisé des chiées. J’suis connu
dans le quartier. Pas vrai Charlene.
- Allons, on va pas s’arracher le veston parce que j’ai jeté un oeil sur Charlene, comme j’ai regardé
tout le monde en entrant.
- Tu l’appelles Charlene, à présent, ce culot… Va t’asseoir, Charlene. Monsieur est pas contre ?
- Elle fait ce qu’elle veut.
- C’est encore heureux. Dis donc, lève un peu la tête. T’es pas Belge, toi ? D’où tu viens, bijou ?
- De Mauritanie.
- Ça y est. Fallait le dire tout de suite. Tu sais, c’est impoli de lever les yeux sur une blanche !
- Oh ! i’ m’a giflé, le sagouin ! T’es témoin Charlene… I’ m’en remet une autre. T’as de la chance
que je peux pas répondre pour ma licence…
- T’en veux encore une ?
- I’ remet ça ! Arrête, c’est un malentendu.
- Quoi, c’est un malentendu ?
- C’était manière de dire qu’un pot d’eau pour deux, c’est un peu juste.
- Voilà que t’y viens…
- Attends, lève plus la main, tu vois que je saigne…
- J’t’écoute.
- T’as raison de mater les gonzesses. J’t’aurais bien présenté, c’est rapport aux circonstances.
Charlene, viens dire bonjours au monsieur !
- J’m’appelle Fabrice.
- Et moi Charlene.
- Voilà, c’est-y pas mieux ainsi…
- T’as quand même oublié une chose.
- Moi, je crois pas, non. Dis toujours…
- T’aimes pas les Mauritaniens, toi ?
- Moi ! Quelle erreur ! Je dis toujours que si on avait pas les étrangers, comment qu’on ferait pour
ramasser les poubelles.
- Comment i’ faut comprendre ça ?
- Ecoute Fabrice, tu permets que je t’appelle Fabrice ? C’est une richesse d’avoir des gars qui se
déplacent pour bosser à notre place dans ce bled pourri. Au fait, tu fais quoi Fabrice ?
- J’suis avocat et toi ?
- J’fais des bricoles en attendant d’avoir un vrai boulot. Si t’as besoin d’la main d’œuvre, tapisser,
porter des valises, vider tes corbeilles à papier… Te gêne pas.
- Merci, j’ai ce qu’i’m’faut.
- Qu’est-ce que je t’offre… si, si, j’y tiens. C’est ma tournée…

16 juillet 2003

Le gouvernement nouveau est arrivé

On est sauvé !
Puisque nous sommes des animaux de meute, nous avons besoin de chefs ! Le mou dans la laisse dès qu’une main ferme ne la tient pas, nous rend malheureux. Nous errons en quête d’une Société Protectrice… Juste avant les vacances… juste avant que nos maîtres nous fassent gambader dans les prairies en nous jetant des bâtons et en criant d’une voix forte : « Rapporte ! », ce n’est pas de chance.
Précédant le 18 mai, date des élections, nous avions vu à Liège le dégonflage des syndicats face à ARCELOR. Nous étions à la fois mécontents et satisfaits. Mécontents, parce que des jeunes ouvriers allaient perdre des possibilités d’emplois, alors que les anciens finiraient tranquillement carrières. Satisfaits de la fin des tuyauteries, des laideurs architecturales et des puanteurs qui ont contribué à polluer la Meuse et fait de Seraing une poubelle à la place de ce qui avait été un lieu boisé de paix et de vacances des Princes Evêques.
Deux mois après les élections, guettés par une néoplasie recto-sigmoïdo-colique, les partis ont fait des selles. La constipation a été vaincue ! Enfin le pays s’est remis à espérer ! Le nouveau gouvernement est arrivé !
La matière à défaut d’être louable est abondante, peu variée dans sa coloration, ferme et bien moulée. Quelques stries rougeâtres ne sont pas les effets d’une hématémèse socialiste dans les ulcères du libéralisme avancé, mais le signe d’une consommation de betteraves rouges lors du repas précédant la formation du gouvernement. Les vents ont été analysés. Ils sont favorables. Pas trop de méthane, ces gens-là ne bouffent pas comme nous, mais de l’azote et de l’hydrogène. Tout cela dans l’accélérateur de particules d’une démocratie proche de la flatulence qui aurait pu provoquer des spasmes et des hauts le cœur !
Chacun jure bien qu’il n’a pas administré de laxatif à l’autre. Laurette et Elio sourient plus que jamais de la façon de mon légumier, quand il me refile des tomates pourries en m’assurant qu’elles sont de première qualité. Si un jour ces deux-là n’ont plus la cote en politique, ils pourront toujours vendre des bananes sur la Batte.
La nouveauté, c’est qu’il n’y a pas de nouveauté.
Comme prévu, les électeurs ont lâché la rampe du pont, les élections terminées. Les partis en Congrès ont mandaté leurs Présidents pour former le nouvel assemblage.
C’est à se demander, des libéraux aux socialistes, si les militants qui rangent les chaises, collent les affiches, portent les serviettes, animent les fonds de salle… ont une existence réelle ? Il y a vraiment une crise de capacité dans le petit personnel. Un sociologue y verrait une identique structure entre les partis et la société, avec les gens d’en haut et les gens d’en bas, ces derniers ne pouvant atteindre au mieux, que le grade de sous-chef au ministère des finances après 25 années de cotisation et d’ardeur militante.
Guy Verhofstadt est toujours à la barre. La non-désignation d’un Wallon à ce poste depuis Leburton prouve qu’on est toujours en crise institutionnelle.
Madame Arena rejoint la fonction publique et Sabine Laruelle obtient les classes moyennes et l’agriculture. Le louvaniste Bert Anciaux est chargé de nous montrer désormais une nouvelle coupe de cheveux à la flamande.
L’unique liégeoise du carrousel des vanités est Isabelle Simonis, secrétaire d’Etat par la grâce de la Fédération liégeoise et de son président en particulier.
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise d’autre ? Que le temps est au beau, que la truite se pêche à l’éphémère, juste à la toile de l’eau. Et que vous si allez jusqu’au bout de ce blog, c’est que vous n’avez rien à faire d’intéressant.
Le moulin à farine continuera de tourner grâce au bénévolat de nos seuls bras. Tout ce petit monde restera totalement inconnu à la majeure partie des citoyens. La démocratie directe aura encore reculé d’un pas. Le socialisme de collaboration lui, en aura fait deux en avant, et tout sera dit.
Enfin, pour la bonne bouche, devinez de quoi est fait le premier conseil ?
Ils vont adapter la loi de compétence universelle aux désirs des Amerloques ! C’est-à-dire qu’ils vont l’abroger.
Dorénavant, cette loi ne servira plus qu’aux pauvres couillons, meurtriers abominables, certes, mais pas plus que ceux qui vont être exemptés de tous comptes !
Sharon et Bush pourront manger à Zeebrugge les nouvelles moules en toute sécurité, dès la semaine prochaine. Quant aux Ruandais en tôle en Belgique pour les massacres que l’on sait, ils purgeront leur peine jusqu’au bout, même si la loi n’existe plus… Ah ! mais…
On est comme ça, nous en Belgique : durs et impitoyables jusqu’au bout… mais jusqu’à un certain point et pas avec tout le monde.
Et puis, avec Madame Laurette Onkelinx à la justice, cré vingt dieux, ça va être autre chose, sais-tu ! Ce que le brouillon Verwilghen n’a pas pu faire, soyons assuré que notre bruxelloise d’adoption ne le fera pas non plus. Pourtant la saison s’annonce chaude sous la calotte des juges. L’affaire Dutroux - un prédateur isolé on vous dit - et l’assassinat d’André Cools - une affaire crapuleuse - vont résonner dans les prétoires et remplir nos dernières gazettes. N’allez pas y voir des responsables hauts placés dans les partis et ailleurs épargnés par une justice partisane. Ce que vous pouvez avoir mauvais genre quand même, ô méfiant public !

15 juillet 2003

Laissez passer les voyous

Deux paysages du même pays, du même fleuve à 60 Km de distance l’un de l’autre.
On peut comparer facile… deux tours de roue.
D’un côté, vous avez Kid le Liégeois, lourd devenu léger, morve au nez et pyorrhée alvéolaire et de l’autre Sugar Ray le Dinantais, 65 kg depuis toujours, ferme et musclé…
Dieu sait comme je suis de gauche et que la droite me fait frémir. Tout de même, ça date des assignats la méprise, quand John Cockerill avec très peu de poignons a acheté avec du papier toute la vallée de la Meuse depuis Ougrée jusqu’à Engis. C’est-y pas les mêmes révolutionnaires qui s’étaient attaqués avant au monument de la place Saint-Lambert au point qu’on est toujours dans la merde depuis… qui ont vendu tout le paysage, fourgué le patrimoine et qui sont responsables solidaires avec l’Anglais des pollutions, qui ont échangé, en quelque sorte, la misère paysanne contre la misère ouvrière ? Beau début, la gauche en Pays de Liège. Merci.
Quand ça fumait, que ça pétait le gaz et qu’on s’était habitué, que des générations depuis début dix-neuvième bouffaient tant bien que mal des légumes et de la viande qui tournaient vite en saloperies tant il y avait du poussier, de la fumée, de la crasse, l’ouvrier repu avait la loque rouge, mais la merde au cul l’obligeait d’aller au charbon chez Môssieu Cockerill, histoire de nourrir sa famille.
Ça a tenu le coup, vaille que vaille, jusqu’après le tout dernier baston avec l’Adolphe.
Puis quand les successeurs du « génie anglais » ont épuisé le sol, gratter les dernières pierres à chaux, tondu l’appareil à fric jusqu’à l’ultime pèpette, ils se sont sentis le besoin de s’aérer, d’aller mettre leurs grosses tuyauteries au bord de la mer, histoire d’écouler les lingots plus cool…
C’est alors qu’on s’est rendu compte de l’ampleur des dégâts.
Comme elle était belle la Meuse du temps des Princes, avec les bois de la Vecquée descendant jusqu’à la résidence d’été de l’Ancien régime et qu’on voit noyée derrière le pont à Seraing encore aujourd’hui, en se penchant par-dessus la rampe…
Si on fait attention aux discours de nos mentors de la démocratie, maintenant, 2003, c’est toujours l’esprit Cockerill qui les travaille, ces cons-là.
Certes, on va pondre des décrets de réhabilitation des sols, comme si on pouvait remettre la montagne à la place de la carrière, comme si on pouvait racler les allées du bois de Seraing rehaussées de toutes les merdes, sols vitrifiés, masque à gaz et vieux fonds d’ateliers qu’on a épandu pendant les cinquante ans du règne socialiste (Ah ! Seraing la Rouge, quelle blague) sans qu’aucun tribun qui l’avait largement ouverte pour moins que cela, ne dise un mot !
Mais le plus beau, c’est pour la fin.
Qu’est-ce qu’on va faire des terrains récupérés, certes rongés à mort par les acides, les coqueries, jonchés de métaux lourds, à l’assainissement quasiment impossible ?
Aura-t-on la sagesse de laisser revivre les sols, replanter vaille que vaille les essences de la forêt primaire afin que dans deux, trois générations nos arrières petits enfants puissent y courir se revivifier les bronches ?
Non. Ils l’ont dit. En plus de l’habitat urbain qui va s’étendre, gare aux cancers ! on espère attirer les nouveautés, les petites industries, les industriels à l’étroit sur les zonings, Hauts-sarts et compagnie. Tout ce joli monde va pouvoir y faire touiller dans leurs marmites repeintes nos bouillons d’onze heures !
Autrement dit, on remet ça. Aussitôt dépollué, repollué…
Merde. Les Dinantais, que je sache, sont pas morts de faim sans Cockerill.
Alors, qu’on nous foute la paix.
Le plus poilant, c’est que les mêmes vitupèrent contre les taggueurs qui salopent – et c’est vrai – les portes de garage et en général, toutes les surfaces propres, souillant à plaisir une ville qu’est déjà aux papiers gras, et aux crottes de chien. Bien sûrs les taggueurs sont des petits cons. Mais ils expriment leur malaise en petit, en besogneux de l’inculture ; par contre, les autres qui sont toujours à l’extase devant le « génie » de Cokerill, non seulement ont laissé faire, mieux ont encouragé les successeurs, d’Usinor à Arcelor, dans l’innommable et les Seveso miniatures ; mais en plus, ils n’envisagent pas de les dégager du paysage mosan.
Alors, casserole pour casserole, j’aime mieux hausser les épaules devant les bombeurs imbéciles, que d’entendre les professionnels du crime écologiste me faire la leçon.

14 juillet 2003

Liège, vieille putain médiévale.

Est-on certain d’avoir tout dit de la vie associative, des nombreuses ASBL, du CHREAM à Femmes battues, des commerces de plein air, de la boule de Noël au village gaulois ? A-t-on assez vanté l’intérêt des Liégeois pour les impasses en Hors-Château, le monument Tchantchès, la République d’Outremeuse et de son gouvernement pittoresque, du Tour de France qui passe l’année prochaine… et l’engouement du gouverneur pour la bicyclette, des saisons subventionnées des théâtres, du public si clairsemé de la culture et si enthousiaste à la connerie ? C’est-on assez assoté de bon ton à Liège, de la tête près du bonnet des Liégeois ? Ah ! Liège, vielle putain médiévale, où vas-tu ?
Une certaine démocratie n’y est que prétexte à la classe dominante pour donner le ton. Tout le monde vit au dessus de ses moyens, dans une foire où le paraître occulte les détresses.
Jadis, le démuni vivait sur le trottoir. Il était en osmose avec la rue et ce n’était pas honteux. Le logis restait porte ouverte, même la nuit. Un lit, une table, deux chaises, une armoire et une « sitoûve », c’était tout. Un passant plus pauvre y avait son bol de soupe. Aujourd’hui, aucune misère n’est visible, sauf lorsque l’huissier procède à une saisie. La solidarité, la seule défense des petites gens, la seule efficace, n’est plus possible. Les signes d’une profonde détresse existent. La multiplication des kots dont 60 % sont occupés par des vieux et des jeunes au CPAS, souligne la dégradation des conditions de vie. S’il se passe encore des choses à Liège, ce n’est pas à la Violette ou Place Saint-Paul qu’on le saura, mais en levant la tête dans les quartiers.
Comment en est-on arrivé là ?
Les pauvres ont une pudeur que l’ambition satisfaite n’a pas. La misère a ceci de mystérieux qu’on ne la voit que par le cœur. Elle est hors de portée de la majeure partie des robots de la semaine anglaise. Les pauvres n’intéressent que pour l’anecdote et le fait divers. C’est le vivier du fonds de commerce de la justice qui se gorge de petits voyous en oubliant les gros. Une prostituée, même hors circuit, garde son ancien « métier » comme une tâche de vin en pleine figure. Le bon bourgeois qui a passé son hystérie sur ces malheureuses bénéficie de la présomption d’innocence. Les vrais voyous sont à jamais « honorables ». La « putain » d’accusatrice devient coupable et se retrouve en prison, à cause de l’un ou l’autre petit mensonge. Les petits pensent qu’ils seront mieux entendus des grands en exagérant les choses. Les avocats connaissent la chanson et les juges ne cherchent pas à grappiller la vérité sous les scories. (Voir l’affaire Allègre à Toulouse)
Le contentieux belge se passe de commentaires.
Se souvient-on encore des concussionnaires et des prévaricateurs ? La peine purgée - peu sont allés en prison - ils ressortent le front haut et l’âme impudente, et clamant leur innocence, ils rentrent dans le rang ! La politique sied bien à l’effronterie !
Sortez avec un truc que vous n’avez pas payé d’un grand magasin et vous verrez la différence !
Dans cette ville, comment gagner la confiance des intouchables plus farouches qu’on le croit ?
Comment faire comprendre qu’on n’est pas saisi par une curiosité estivale de désoeuvré quand on se mêle aux « asociaux » place Cathédrale ?
Vous me direz, les mancheux, les clodos, les paumés, les artistes de rue qui s’y retrouvent ne sont pas précisément représentatifs des Liégeois, travailleurs infatigables et héros ardents du bas salaire.
Qui oserait prétendre ne jamais basculer et en arriver là ? Qui ne craint pas de se faire jeter d’une profession soudain obsolète, dépassée ou transférée ? Qui oserait dire qu’à bout de solitude et de poisse, il ne se retrouvera jamais sur un « mauvais » banc, place Cathédrale ?
Ces gens sont des sous-hommes diront les imbéciles. Même s’ils sont Tchèques, Moldaves ou apatrides, mères de famille à genou rue Saint-Paul à lorgner les clients des restaurants ou petite frappe agressive avide de sous pour sa dose, ce sont avant tout nos semblables, nos frères. Ce sont des gens ordinaires qui ont quelque part échoué, parce que mathématiquement une société qui navigue avec un déchet de 15 à 30 % d’inactifs involontaires, est une société qui condamne les plus faibles à décrocher. Responsables de cet échec, partis et gouvernement sont coupables avant quiconque. C’est avant tout la faillite d’un système avant d’être celui des victimes.
Loin des faux jetons de l’information complaisante, je me suis assis place Cathédrale au plus près de ces Liégeois spéciaux.
Orwell a dit de l’Angleterre une chose délicieuse qui pourrait convenir à Liège : un pays fort agréable à condition de ne pas être pauvre.
Le monde des petites gens n’a jamais été vraiment dépeint par lui-même. Les « artistes » wallons, finalement intégrés et congratulés avec médailles et cendrier en cristal aux armes de la Province font écran à la vérité depuis un siècle. Comme l’électeur est une sous-merde dès qu’il a voté, on croit le peuple dénuer d’expressions. Etonnez-vous dès lors qu’il invective les « force vives » qui pensent si mal de lui.
Les bancs sont investis le jour par ceux qui se sont extraits des transes collectives d’une dérive plus dure la nuit. Ils y récupèrent et y dorment pour mêler à partir du crépuscule leurs clameurs nocturnes aux grognements des violents qui rodent. Les pensionnés qui attendent le bus et des ménagères de plus de 50 ans qui s’y attardent, évitent une certaine promiscuité.
Les paumés, de gueules de bois en bastons, profitent de la douceur de l’air et des poubelles du Delhaize. Le calme est relatif. Des antagonismes aux raisons insondables se développent à propos d’une clope de shit ou d’une pièce de monnaie. Les parades guerrières se terminent parfois rue Saint-Martin-en-Isle, où même en battle-dress et 9 mm à la ceinture, la police n’arbitre les coups qu’avec réticence.
C’est à l’occasion d’un règlement de compte que j’ai entendu une réflexion d’anthologie : « Tu bouffes, tu baises, tu pisses, tu chies puis tu te fais casser la gueule pour une thune, c’est quoi cette vie ? T’en as pas marre ? Moi, si… »
Quelque part ces assis qui sont loin d’être ceux que Rimbaud méprise, en sont là parce qu’ils se sont fait avoir à cause du peu de résistance qu’ils opposaient à la pourriture subtile de la ville..
Certains se sont révoltés à force de marcher la tête basse, sans pouvoir s’exprimer, D’autres, par leur pente naturelle ont touché le fond, tout seuls. Rares sont les cyniques qui au nom de Le Bon et son « Droit à la paresse » ont tourné le dos à tout. Graines de quoi ? De rien, puisque chez eux l’espoir n’existe pas. Ils étaient déjà condamnés avant de venir au monde.
Qui voudrait les employer et à quoi ? A part des animateurs sociaux et des bénévoles d’asile de nuit, qui les approche encore ?
Il y a des femmes parmi eux. A leur image, elles emploient le même et rude langage. Il n’est pas interdit de penser que les couples qui s’y forment rêvent d’un bungalow à la campagne et du chien à pedigree que l’on promène le soir sur le tarmac mou de la Drève des Marronniers. Et pourtant comme les « veufs » leur langue est drue. Tous parlent haut et fort, si bien que les injures s’entendent à la terrasse du coin de la rue Cathédrale. La clientèle décolletée des retours de la Côte mange l’assiette garnie en feignant ignorer l’imprécation contiguë.
La perspective de faire œuvre utile les a abandonnés depuis longtemps. Ils savent que cette guerre des classes, dont ils ignorent tout, a eu raison d’eux et qu’ils ne s’en relèveront jamais.
Les jeunes, le plus souvent entre 20 et 30 ans sont les plus nombreux. Ils ont des airs de bravaches et vous regardent d’un œil dur. Des punks speedés, des gars d’un mètre quatre-vingts qui pèsent à peine 50 kilos, les yeux agrandis par la daube, frissonnent du manque. Des maîtres-chiens ont un rottweiler assoupi entre les jambes, le marcel découpés sur des biceps d’athlète de foire, tatoués de noms de femme. Il n’y a pas de paumé type.
En octobre sur la foire, ils riront comme des enfants, d’un rire sans dents, sur les autos tamponneuses, aptes au bonheur comme tout le monde.
Pour certains, plus affûtés, la perspective de faire le con au boulot n’est pas tant redoutée que parce qu’elle est devenue impossible. On les entend parler hardiment des hooligans qui jettent des canettes de bière sur les flics à la sortie du foot. Parfois un bombeur qui se croit dessalé parce qu’il enlaidit la ville des saloperies qu’il y projette, se joint à eux. Il veut y discuter des partis, du syndicat qui n’existe plus, des yuppies et des courants américains. Une lame de rasoir en plastique à deux euros au cou pour se donner un genre, sa crête de coq qu’il doit fixer tous les matins d’un gel, tout indique le minet reconverti en punk. Admirateur des Sex Pistols et des groupes violents, il ferme les yeux chaque fois que son voisin lève le bras.
Les autres le regardent de travers. Ils s’en foutent des courants. A la rue, il n’y a qu’un seul courant qui compte et c’est le courant d’air. La ville rock’n roll, c’est pour la compagne du tagger toute en loques stylisées dont la griffe du couturier sort du jeans.
Le bombeur et sa compagne ne doivent leur salut que par un repli prudent vers la vierge de Del’Cour, là où la société des jeunes filles montrables et des dragueurs honorables rassurent ces excentriques.
C’est ça le flou artistique d’une ville tournée vers la norme sociale, qui ne tolère la différence que lorsqu’elle amuse le bourgeois. Jadis, celui-ci déguisé en soixante-huitard fréquentait la rue Roture.
Que les éditeurs de journaux se rassurent, les pigistes d’en face ne sont pas fichus d’écrire une seule ligne de ce qu’ils voient de leurs fenêtres

13 juillet 2003

Une belle histoire d’amour

On peut dire que t’emballes vite, chouquet… On se connaît depuis que tu nous as passé la carte des vins, et nous voilà dans les cuisines où il n’y a plus personne…
- C’est-y pas toi qu’as fait des avances, bijou ?
- Faut pas le dire à une femme, ça, tu pourrais la vexer… Tu veux pas cracher ton chewing-gum avant de mettre la langue ?
- Pendant que je passais les plats, t’avais les yeux à hauteur de braguette… Note, c’est pareil avec toutes les clientes. Mon copain, le serveur de l’autre rang, qui en a une de 5cm met une serviette…
- C’était pour voir si je te faisais de l’effet.
- T’es quand même une chaude, toutes tes vannes devant tes enfants…
- Mes enfants, i’ sont majeurs. Puis, ils se sont barrés avant la fin.
- Qu’est-ce que tu me fais ?
- Attends, bouge ta main. Je vais prévenir les autres que je rentre pas avec eux…
(Elle ouvre le va-et-vient des cuisines et devant les derniers clients médusés, elle interpelle son amie)
- Monika, je rentre pas tout de suite. Firmin va me montrer les cuisines…
- Comment tu sais que je m’appelle Firmin ?
- Et ton badge, à quoi qui sert ?
- C’est le nom du resto : Au Couscous ben Firmin…
- C’est un Arab’
- Par sa mère. Lui est né derrière Cockerill…
- Comment tu t’appelles alors ?
- Kid Peebles, enfin c’est mon nom de scène. Je suis batteur au « King Plouc » une formation Trash Metal avec d’anciens militaires, quand je faisais mon temps.
- T’as fais ton temps, où ? T’as pas un papier cul pour enlever mon rouge à lèvres ?
- A Saive. On jouait à Bellaire, au café « Chez Mathilde ». Et toi ?
- Moi, j’ai pas fait mon service militaire. J’en ai connu un, même deux qu’étaient dans les tanks. Qu’est-ce qu tu fais ? Laisse-moi un peu jouer avec.
- Si tu veux. C’est quoi ton travail ? J’ai pas de capote...
- Je monte à cru, comme Zingaro…
- T’as pas peur d’être cuite ?
- Je sais à qui je peux faire confiance. J’suis une scientifik.
- Une scientifique ?
- Je vends des herbes médicinales, des cures d’amaigrissement, des pilules de bonheur… tout quoi. Attends, je vais le bouger moi-même. C’est deux agrafes dans le dos. C’est pas du rembourré mon Cœur Croisé… On me les admire partout. C’est ce que j’ai de plus beau ! Je les soigne. Tu peux y aller, sauf les bouts. Touche pas les bouts, j’ai pas ma pommade.
- C’est vrai ce qu’on dit pour le gingembre ?
- Attention, j’ai le manche d’une casserole dans le cul. C’est ça déplace. Le mari de ma patronne en a pris et cela ne lui a rien fait.
- Tu viens souvent chez Firmin ?
- Non. C’est le mari de ma copine, qu’a dit qu’on mangeait bon.
- Pour ça… Tu le sens bien, là ? J’te fais pas mal ?
- Non, t’es qu’au bord. Là, t’es bon… Vas-y doucement. On est pas pressé.
- T’as une de ces entrées !...
- C’est pas la cathédrale de Chartres, tout de même.
- Non, mais on risque pas de passer à côté !
- Ça frotte !
- Tu veux du beurre ? Ici, c’est du beurre de cuisine… c’est pas le même que l’autre, mais pour ce qu’on en a à faire…
- Ecoute, si on remue dans le sens opposé… on y arrivera pas…
- Alors tu disais le mari de ta copine ?
- Oui. N’a pas souvent d’idées. Pour une fois…
- Elle n’est pas mal. Mieux que lui…
- Si tu voyais ses seins, ils sont tout petits…
- Tu crois qu’elle baise comme toi ?
- On est copines. Elle me dit tout. Tu veux que je mette la main en dessous ?
- Oui, ça me va.
- C’que t’es poilu aux couilles !
- Alors Monika ?
- Quoi, Monika ? N’oublie pas avec qui tu baises. Oui, de temps en temps. Lui, sait plus faire grand chose… En ce moment, elle est avec un chauffeur qui fait l’étranger…
- Attends, qu’est-ce que tu fais ? T’accélères…
- Oui, je sens qu’ça vient…
- Moi aussi ! On est fait un pour l’autre…
- Ah… C’est bon. Oulala… le pied !
- Hon, hon, foutre de bonheur de chienne de pute…
- C’est de moi que tu causes ? Aaah ! Ce que c’est bon…
- Non, je dis toujours ça quand ça vient…
- Je trouve plus mon slip.
- Je l’ai mis dans ma poche. Et je le garde.
- Si tu veux. Tu les collectionnes ?
- J’en ai quelques-uns. Le soir je les respire quand je suis seul. Mais c’est pas tout, comment qu’tu t’appelles ?
- Didi.
- C’est pas un nom, ça.
- C’est Denise, en réalité.
- Alors comment tu le trouves ?
- Pas mal. Mais je te le remets dans le caleçon, pour une prochaine fois.
- On pourrait se revoir chez toi.
- Non, je suis avec quelqu’un.
- C’est comme moi.
- Tiens voilà mon téléphone.
- Passe-moi l’essuie tout. Ça me coule entre les jambes, maintenant que je suis debout. Voilà le mien.
- On sort par derrière ?
- Faudra le faire la prochaine fois.
- Je te parle pas des positions. Je te demande si tu veux qu’on sorte par le fond des cuisines ?
(Ils sortent)
- Merde, i’ sont pas encore partis. Monica dégueule derrière la voiture !
- C’est pas une réclame pour le Couscous Firmin, ça.
- Elle va pas nous faire un ulcère ? On fait comme on a dit.
- Comme on a dit.
(Il s’éloigne)
- Monika t’es toujours-là ?
- Elle a une queue d’homard qui passe pas.
- Pourtant elle a l’habitude.
-Des homards ?
- Non. Des queues !

12 juillet 2003

C’est choucard comme un camion : Cradle of filth

- Dis, Ginette, tu veux pas fermer ton bastringue, on s’entend plus pour boire ma bière !
- Mais, c’est la cinquième de Beethoven !
- Ah ! parce qu’il en a fait cinq, ce con-là…
- On est à l’andante con moto.
- En plus, il était en moto !
- Mais…
- Nom de dieu, je te le dirai plus…
- C’est bon. Je ferme.
- Ah ! je respire. Mais qu’est-ce que t’as pour des goûts ? Et c’est pour tout la même chose. Non, faut que tu te distingues. L’autre soir au concert Cradle of filth, c’était super bandant, et toi, t’es restée sur la banquette à te boucher les oreilles, au risque de te faire piétiner. Quand y a plus eu de banquette, t’avais le cul dans les crachats, les tessons et la gomme Michelin. Et si le gars à côté qu’a lâché un fil, avait pas visé la boîte de coca, je te voyais à la mouillette !
- C’est des bruits, c’est pas de la musique.
- C’est tout ce que tu trouves à dire. C’est des bruits ! Mais l’asticot de ta cinquième, est pas capable de sortir des sons pareils. Et puis, tu m’as dit, il était sourd. C’est un comble, ça. C’est un sourd qui me dit ce que je dois écouter. Nom de dieu, faut que ça change. C’est comme ta collection de pinceaux à cent dix euros le poil de cul, madame fait de l’aquarelle !
- …de la gouache, que c’est…
- M’en fous… tout ça c’est comme les tags, à part que c’est pas ailleurs, c’est ici nom de dieu les saloperies ! Et pour faire quoi, hein, je te demande : des putes torchées dans des arbres qui baisent des Italiens ! Et comme il l’a en poils de porc, le cavaliere, t’attrape le cordon de sonnette de ta foufoune comme le phare d’Alexandrie…
- Non, c’est pas l’Italien de la cour. C’est la tête d’esclave de Michel-Ange que j’ai en chromo….
- Si, je te dis ! C’est l’Italien de la cour que t’as fait !
- Personne pose pour moi dans ma cuisine.
- L’Italien à poil dans la cuisine, en esclave ! T’as tes époques pour me parler comme ça ? Aha ! Parce que je vois pas la coquemar de tante Sarah qu’est sur la toile derrière l’arbre à biroute ? Esclave, mon cul…oui ! Si c’était encore un gars comme nous, ou au pire… de Milan, de Rome… Non. Madame s’exotise… Qui c’est qui s’est tapé toute la cage d’escalier en vert ? Et qui a jaspé les marches qu’on dirait du tapis de Tournai ? Hein, réponds ?
- C’est toi…
- T’as vu le travail, pauvre innocente ? La finesse du doigté ? Alors, faut pas me la faire avec tes enculages romantiques.
- C’est du symbolisme.
- En plus t’emploie des mots que personne ne comprend. Symbolisme, qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien ! quand on n’a à dire que symbolisme, on ferme sa gueule. Je ne sais pas ce qui me retient de te confisquer ton cahier de croquis et dans la foulée, celui de poésie. A 38 ans, madame écrit des vers, comme… hein ! celui qu’a écrit le corbeau et le renard…
- La Fontaine.
- Oui, La Fontaine. C’est déjà inventé la poésie de La Fontaine. Qu’est-ce que t’en as à foutre d’écrire, quand tu vois la vaisselle qui traîne et que t’es même pas fichue de remplacer le drap de lit qu’a des lignes de merde dessus depuis huit jours !
- C’est de ton côté. T’as jamais su te torcher…
- Je vais t’en foutre moi du bien torché et sur la gueule encore. Je parie qu’on va encore bouffer des spaghettis à la bolognaise ?
- Non. Je t’ai fait des tartines. Je vais à mon cours de poterie avec Fiorina.
- Fiorina ! Elle sait pas l’artiste qu’elle a à ses côtés… les pots qu’on dirait des étrons pour les encombrants, oui plutôt, ta poterie. Mais, bon dieu de merde, avec l’argent que tu dépenses en couleurs…
- Ce sont des émaux…
- En couleur je dis, plus tes aquarelles…
- Gouache !
- …mais on est bon pour l’huissier ! On va à la saisie ! Ah ! j’en peux plus des artistes moi. C’est comme la Fiorina, phénoménal abandonnée, depuis qu’elle course plus dans les lycées, vingt ans par derrière et soixante par devant, cette boîte à vérole fait dans la terre cuite. Il y a un lézard, hein, Biquette ? Dis-moi, elle éponge qui au cours du soir ? Le prof ? M’étonne pas. A un casier pour mœurs. Le bigleux du train fantôme de la foire d’octobre ? Celui qui montrait sa bistouquette à chaque passage devant le public ? Elle fait le métier, l’enflure ? C’est pas possible. Comment qu’elle gagne sa vie ?
- Elle cherche un emploi.
- Si c’est comme toi, elle trouvera jamais. Ou alors, en maison, à se faire gaufrer le berlingot par des Nord’ d’Af.
- T’es vulgaire.
- Aha ! C’est celui qui dit qu’est vulgaire. Et celle qui fait, c’est quoi ? Qui peint du joli cœur à la vulve galante, qui casse des pots comme deux phoques et qui fait son pet en vers de La Fontaine ?
- Non seulement t’es vulgaire, mais en plus t’es jaloux de mon talent.
- T’appelles ça du talent, ma coureuse ? Il est bien caché, dis-donc, ou alors tu t’arranges pour que d’autres en profitent, exposition-cocktail, mon cul, oui. Y a une couille dans le pâté. Avec la gueule de partouzeurs de tes visiteurs, d’anciens tôlards, des troquets qu’on fait maquereaux sur la batte avant que les Albanais reprennent les marmites… Il est joli ton livre des hommages… Merveilleuses artistes, renouveau de la peinture… Tu m’enfarines avec tes turlutes de chomiste. C’est où ta prochaine exposition, au Bois de Boulogne, chez madame Claude ? C’est qui le nouveau La Fontaine qu’expose en duo avec toi ? Rocco Si Freddi celui qu’en a une de 32 cm inscrite au livre des records, le patachon de l’Académie que tu pouvais pas voir dans la rue sans devenir comme une tomate ? Le tarzan du chtibre en pot ? Le Rupène grand format ?
- Rubens…
- Rubens, si tu veux… C’est pareil, c’est tous des fions. Je vais te traîner longtemps, dis, au jazz-tango sans qu’on voie la gueule de ton coquin ? T’es too much à la fin. T’es tellement devenue grande dame et pétasse que tu vas finir par me dévergonder… T’as plus le respect de l’honnête travailleur… Tu vas tenir le mur longtemps chez Arena ?...
…Tiens, je cause pour rien. Elle est partie… J’vais téléphoner, moi… Allô ! Allô ! c’est toi, bijou ? C’est toi ma Giovanna d’amour, ma perle de Syracuse, mon soleil de Palermo On sort ce soir, l’artiste est aux pots. Oui… Oui… Mozart, au concert… Comme tu veux trésor… Si je connais la flûte enchantée ? Je connais qu’elle… Ce sera un régal. Y aura Rampal ? Le garagiste ?... Ah ! le soliste, oui, c’était pour rire… Rambal… non…Rampal, voilà ! Nathalie Dessay en reine de la nuit ? Comme Régine !… J’ai tous ses tubes, je veux dire ses disques… Tu seras avec ta cousine malgache… Tu veux dire qu’elle est née en Malgachie… Oui, Madagascar, ce que j’ai dit… Si je suis raciste ? Moi ? Tu veux rire ? C’est du sang neuf tout ça… N’es-tu pas un peu bronzée, toi aussi ? Oui, toi, c’est le climat méditerranéen…. Mais, t’es la plus belle, carra mia ! Quand on aura reconduit ta cousine, tu me feras un spécial comme l’autre soir ? Ouais, quand t’as sauté de la garde-robe… Je raccroche… C’est ça, je t’aime mamour. …Oui, sur ton petit bouton… toutes les gâteries que tu veux.
(Il raccroche)
Ah ! c’est quand même beau l’instruction de ma Giovanna, pas comme le colis que j’ai à domicile. Ça veut écrire comme La Fontaine et ça met qu’un « r » à « carotte », alors que tout le monde sait qu’il en faut deux.

11 juillet 2003

Un Liégeois au sommet de l’Everest

- C’est une grande première, un Liégeois au sommet de l’Everest !
- Oui, je dois dire…
- Comment ça s’est passé ?
- D’abord faut arriver au camp de base. Il y a du monde sur les pistes.
- C’est difficile ?
- Un Sherpa s’est battu avec une touriste allemande qui avait coincé son talon entre deux morènes et qui ne voulait pas dégager.
- Et le camp est bien situé ?
- Il est à 8.000 m et il fait froid. C’est sur un glacier. Il y avait huit cents alpinistes avant moi.
- Comment avez-vous résisté ?
- Nous avions nos Sherpas qui nous ont préparé le terrain.
- C’est-à-dire ?
- Nous ne dormions pas sous tente, comme les autres expéditions. Ils nous avaient aménagé un petit chalet gonflable, avec télévision, salle de bain et même un jacousi…
- Les conditions étaient pourtant très dures. Le froid…
- C’est vrai, la température oscillait entre – 20 et – 30 sur le glacier. Mais nos Sherpas avaient bricolé un conditionnement d’air. 22° dans la salle de séjour et 18° dans les chambres.
- Ce n’est pas mal.
- C’est le confort minimum.
- Mais, ça n’a pas duré, j’imagine ?
- Non. Il a bien fallu partir pour s’installer plus haut.
- Où là les conditions étaient différentes ?
- Oui. Nous avons beaucoup souffert. Sans eau chaude, sans nos feuilletons à la TV…
- Je parle de la dure marche vers le sommet, le manque d’oxygène…
- Nous ne marchions qu’aux endroits difficiles. Quand c’était possible, nos Sherpas nous portaient. Quant au manque d’oxygène, nous étions ravitaillés…
- ..par les Sherpas…
- En bonbonnes que nous ne portions pas, puisque c’étaient…
- ..les Sherpas…
- qui avaient bricolé un flexible qui nous fournissait l’oxygène. Le problème, c’est que toutes les 2 heures, il fallait changer la bonbonne. Nous restions parfois trois minutes avant de pouvoir respirer un air plus riche en oxygène que…
- …les Sherpas…
- …qui dévissaient les bonbonnes vides, puis vissaient les bonbonnes pleines
- Enfin vous êtes arrivés au sommet !
- Pas tout de suite. Il y avait beaucoup de monde. On a fait la file cent mètres avant la plate-forme terminale.
- Qu’y a-t-il la haut ?
- On trouve de tout au sommet. Nos Sherpas ont dû faire de la place, sacrifier les drapeaux des autres, jeter des bouteilles plastiques. On a même trouvé un préservatif !
- Il n’y a pas de service propreté au Népal ?
- Ils sont très en retard. Michel Firket a l’intention de leur offrir des pipes Simenon pour rassembler les déchets. On va faire un concours, une nouvelle bande dessinée, Simenon sur l’Everest.
- Après la file, qu’avez-vous fait sur le toit du monde ?
- Nos Sherpas avaient apporté un pique-nique. Nous avons mangé et bu le champagne avant de planter le Coq wallon, malgré une équipe d’Anvers qui voulait la même place pour le Lion des Flandres. Ce sont les…
- ..Sherpas.
- …des deux équipes qui ont trouvé un accord.
- …ils ont allongé la hampe du drapeau flamand qui se trouvait plus bas, de sorte que les deux drapeaux flottent à la même hauteur.
- Vous êtes redescendus ?
- Pas tout de suite. Les Sherpas ont installé la réplique du Perron en fonte Arcelor. Nous avons offert à la déesse Montagne une photo de Michel Dardenne et un vélo du gouverneur. Puis nous avons attendu le service d’hélicoptère pour redescendre.
- Et les Sherpas ?
- Ils sont redescendus à pied. Leur paie n’est pas suffisante pour ce moyen de transport.
- C’est quand même grâce aux Sherpas que…
- Pensez-vous ! Des fainéants plutôt. Si vous saviez comme ils nous ont secoué dans leurs chaises à porteurs !
- Quels sont vos futurs challenges ?
- Trouver des laveurs de vitre qui n’ont pas le vertige pour la nouvelle gare des Guillemins !
- Pourquoi pas des Sherpas ?
- Où voulez-vous qu’on les installe ? En Belgique, nos rencontres au sommet font à peine cent mètres au-dessus du niveau de la mer ! Ils ne le supporteraient pas.
- A votre retour, vous avez reçu un bon accueil à Liège ?
- Franchement, j’ai été déçu !
- Pourquoi ?
- Ils auraient pu engager les intermittents du spectacle pour nous applaudir !

10 juillet 2003

La pisye aux étoiles.

Auguste : Plus je vieillis, plus je partage ma propre opinion.
Pipo : C’est pas tout de le dire, faudrait en avoir une.
Pantalon : Moi, je suis fier de n’en avoir aucune !
Pipo : Crois-tu, Auguste, que partager son opinion, c’est suffisant ?
Auguste : Je ne peux pas vivre sans projet. Ainsi mon dernier…
Pantalon : …Ah oui ! celui qui fait de l’eau de boudins...
Auguste : Parfaitement. Suffirait d’envoyer des boudins en Irak pour qu’ils aient de l’eau…
Pipo : Des projets, mais nous en avons… des projets.
Auguste : Tu te rappelles quand on voulait plus donner un sou aux curés ?
Pantalon : …Ce n’était pas un projet, mais une affirmation, même qu’on se demandait s’il valait mieux être marxiste, stalinien, ou trotskiste ?
Auguste : On est tous devenus opportunistes !
Pipo : La meilleure, c’est quand on était autogestionnistes alors que les gars pensaient plus qu’aux heures supplémentaires !
Auguste : Ce qu’on a déconné !
Pipo : Aujourd’hui, on peut le dire, on déconne toujours, mais c’est clair !
Pantalon : On n’est plus dans l’opposition.
Auguste : Pourtant le capital n’est pas vaincu.
Pantalon : Mieux, notre révolution est sur le cul.
Auguste : Ouais, mais ça se sait pas dans les chaumières.
Pipo : L’organisation mondiale du commerce requière notre attention.
Auguste : Oui, on se sent utiles !
Pantalon : On va voter pour les OGM contre José Bové, pour l’OTAN contre la loi de compétence universelle, et on ne s’arrêtera pas là…
Pipo : On est pour rendre le moral à ceux qui ont besoin de fric. Bossez le dimanche, qu’on leur dit.
Pantalon : Faut dire que le métier est devenu difficile.
Auguste : Parfois j’en peux plus…
Pipo : Faire croire aux autres ce à quoi on ne croit plus, c’est crevant !
Pantalon : C’est de l’Art !
Auguste : On est des artistes, tant qu’on reste à l’affiche, des clowns célèbres, des Fratellichoses !
Pipo : Faut garder le cap…
Auguste : La réélection, je te jure… si je n’avais pas été marié !
Pantalon : Si j’avais pas trois mômes de 32, 36 et 42 ans à caser à d’urgence !…
Pipo : Pourquoi vous me regardez comme ça ?
Pantalon et Auguste : T’es pas célibataire, toi ?
Pipo : Merde, je veux pas céder ma place…
Auguste : Il a raison. La perspective rend nerveux.
Pipo : J’ai un projet !
Pantalon : T’as un projet comme Auguste, aïe aïe aïe !
Pipo : On va faire le parlement des zenfants !
Auguste : On est d’accord les zenfants ?
Les zenfants : Chiez, vous faites plus rire !
Pantalon : Que c’est que vous voulez voir, les zenfants ?
Les zenfants : On veut se fendre la gueule quand vous prenez la pâtée !
Pipo : Que voulez vous qu’on fasse ?
Les zenfants : Y a un truc irrésistible, immense, pouffant…
Auguste : Merde, qu’est-ce que c’est ?
Les zenfants : C’est quant à l’accordéon, à la grosse caisse et au bombardon vous jouez L’Internationale.
Pantalon : On a eu peur, je croyais que vous vouliez qu’on la chante !
Pipo : On connaît plus les paroles…
Auguste : On fait semblant… depuis que notre divette Rosetta est à la Monnaie…
Les zenfants : Ça on savait depuis longtemps.
Pantalon : Mais alors, vous savez qu’on est des faux culs ?
Auguste : Des lopettes !
Pipo : Que nous posons nos grosses fesses sur les rembourrés, peu importe la couleur des rembourrés, que nous aimons les patrons et… vote libéral qui veut ?
Les zenfants : On sait tout ça, que vous faites semblant pour qu’on parle de votre spectacle… qu’on passe à la caisse ! Même qu’on sait que des comédiens de votre ancienne troupe plaçaient de l’argent au Luxembourg…
Auguste, Pipo et Pantalon : Mais alors, pourquoi est-ce que vous êtes tous là ce soir ?
Les zenfants : Mais parce qu’avec vous, on rigole. On a toujours rigolé. Tous vos sketches, on les connaît par coeur : les tapissiers qui pataugent dans la colle, le pompier qu’a mis le feu à son froc, le piano aquarium, le sketch de l’hélicoptère, l’assassinat du Père Colateur, et le tout dernier, le plus hilarant : gouverner avec les détrousseurs du peuple… tout, on aime tout… Sauf, quand vous jouez sous l’autre chapiteau…
Auguste : Le Mollement Rigoleur ? Pourtant gros Loulou sur sa Harley…
Les zenfants : …qui dit sans arrêt : programme serré, consensus, front wallon, enfin des trucs qui ne font plus rire !
Pantalon : …qui engage des vedettes de music hall, des sportifs, des gens de la télé, des bouffons, quoi !
Les zenfants : Ouais, ceux-là sont pas drôles ! Ils nous embêtent. Alors pourquoi vous retirez pas le filet quand c’est Didier au trapèze ?
Auguste : On peut pas ;
Les zenfants : Pourquouâ ?
Pipo : Parce que c’est notre propriétaire !

9 juillet 2003

Une passion contrariée.

Ils sont curieux les militants des partis ! Si formidablement convaincus que leur leader suit une impeccable ligne de conduite, ils n’émettent jamais aucune critique, rien que des louanges. Ils sont curieux et touchants à la fois. Cette ferveur enthousiaste qui prend le militant aux tripes a quelque chose d’angélique, et aussi… de fondamentalement moutonnier et imbécile, quand elle ne masque pas un plan-carrière où, elle n’est qu’une forme d’hypocrisie.
Ce renoncement au doute supérieur qui plane sur toute spéculation, comme dirait Malebranche, est une sorte de capitulation de l’esprit, une vassalité insupportable pour qui est né libre, qui m’est odieuse au plus haut point, attendu que je n’ai jamais eu la bosse de l’admiration. Il y a une constante analogie entre les fanatismes de base qu’ils soient de Liège, de Bruxelles ou de Nürnberg. Le regard noyé d’amour tourné vers le chef devrait rappeler des choses…
Les leaders qui prennent la pose et attendent les bravos ont quelque chose de dépravé appris à l’école du plus bas marketing : celui de la personne humaine qui se vend. L’attitude d’un Daniel Ducarme à la tribune, les sourires d’un Di Ruppo, les gestes de chanoine d’un Louis Michel, me suggèrent une troupe de mauvais comédiens qui appuierait les effets, une sorte de Commedia dell arte de l’effronterie, du culot et de la mauvaise foi.
A l’urne, j’ai toujours été au feeling.
Une belle gueule de femme mûre qui me dit de voter pour elle, je fonds. Je ne vote pas « Rassemblement des pêcheurs de la Basse-Meuse », « Centre-droit paysan » ou « Gaule romaine », si je ne perçois personne sous le slogan racoleur…
Pour une femme ? Parce que j’ai toujours voté ainsi, question de rétablir un équilibre qui n’est pas encore acquis.
Certes, même si elle correspondait à mon type, je ne voterai jamais pour Marine Le Pen ou l’une ou l’autre ardente du renouveau d’une Europe nostalgique de la Wermacht. Il y a des limites à l’amour. Quoique certaines répliques méritent citation. Celle, par exemple d’Arletty, la comédienne, le jour où à la libération on lui reprocha sa liaison avec un major de l’armée allemande et qui eut cette réponse magnifique : « Mon cœur est français, mais mon cul est international ».
Mauvais exemple, certes, puisque aussi bien il s’agit de concilier élan du cœur et détermination politique.
Pour voter, vous l’avez deviné, je verse dans la connotation du physique attractif.
La dernière fois que cela m’est arrivé, je ne l’ai pas regretté, malgré sa défaite.
Avec ses lunettes à fine monture, son air sérieux, des vêtements simples de secrétaire, de l’aisance qui laisse deviner un corps souple, une femme mûre avec un air de jeunesse dans un visage lisse, oui, vous l’avez deviné, j’ai voté pour l’Ecolo Evelyne H. Enfin, j’ai voulu, on n’était pas du même arrondissement !
J’ai souffert avec elle de la tripotée qu’a reçue son parti, dont je n’ai pas la carte. Les deux vainqueurs : rose au poing et bas bleu réunis, à la curée sous des dehors patenôtres, souillaient mon idole de la féroce joie du prédateur heureux.
Bien dans son rôle de victime digne, je l’ai vue en pleurs.
Voilà encore une différence qui me la fit aimer davantage. Verhofstadt pleurent-il lorsqu’il perd une élection ?
J’avais des envies de superman : ah ! serrer Evelyne H. dans mes bras et l’emporter au sommet d’une tour de Sainte Gudule, loin des griffes de ces vampires de la gagne. Nous eussions, à l’abri des aigris de la défaite, assouvi une passion non écologique dont j’aurais poussé les feux pour qu’elle fût réciproque.
J’ai découpé image par image une séquence télévisée où Evelyne H. pilote habilement une trottinette à moteur, à la veille des élections, dans je ne sais quelle exposition des commisses agricoles.
Elle n’avait pas d’inquiétude dans le regard, comme pour une défaite annoncée. Elle était femme, tout simplement. Son désir de plaire n’avait rien à voir avec la compétition électorale. Elle jouait sur un autre registre. Les candidats mâles ignorent tous la manière de gagner les cœurs de cette manière. Leurs désirs vont à d’autres conquêtes. Ils n’ont d’ambitions que cérébrales. Ils se reproduisent sans choisir, comme des bactéries dans un pot de yaourt !
On aurait cru voir Madame Bovary à la rencontre de Rodolphe !
Sa différence me la fit aimer davantage.
J’ai rempli tout un album de son loyal sourire et orné la couverture de deux cœurs croisés et molletonnés prélevés d’un sous-vêtement Trois Suisse hors d’usage.
Oui, j’aime les défaites. Elles sont plus humaines et pleines d’enseignements. On devrait donner le pouvoir à celles et ceux qui n’en ont pas envie et à défaut, aux battus…
Qu’elle me pardonne ici.
On m’annonce qu’elle a réussi un bon rétablissement dans une équipe réaliste, ce qui me permettra de fantasmer à nouveau aux élections de 2007. Grâce au ciel, ce n’est pas fini entre nous ! Je le savais que cela ne pouvait se terminer sur un malentendu. Mais une jalousie rarement ressentie aussi violemment me tenaille. Les deux loustics qui l’accompagnent dans sa mission ne me disent rien qui vaille. Il faudra donc que j’accomplisse une victoire sur moi-même pour que je lui garde ma confiance. Sinon, les deux ajouts me rendront des comptes sur leur vote funeste contre la publicité du tabac à Francorchamps. Je n’ai pas besoin d’entendre les raisons d’Evelyne H. sur le sujet. Serrée dans son gilet de laine à deux sous, soulignant des formes qui, ma foi… je sais qu’elle a raison.
Je rassure toutes celles qui se présenteront la prochaine fois aux urnes sous quelque étiquette que ce soit. Si Evelyne H. d’ici là ne me donne aucune raison d’espérer, elles ont leur chance,
Après tout, à la lumière de l’entraînement irrésistible qui me pousse vers elle, je comprends mieux l’attitude énamourée du militant de base… Comme lui, je suis amoureux d’un poster. Ils suivent leur pulsion. Ils aiment d’amour. Moi aussi. Ce que je ne comprends pas, c’est comme on peut se passionner pour le physique de Louis ou d’Elio ? Mystère de la nature humaine ? Embrasement malencontreux des sens ? Peut-être ont-ils une beauté intérieure qui ne se dévoile qu’en petit comité, à la Cène, par exemple, boulevard de l’Empereur, quand Dieu lit les placets et distribue les places à ses apôtres ?
C’est égal, du scrutin de mai 2002, j’ai du mal à me remettre. Voilà bien une passion contrariée !

8 juillet 2003

Le temps des grands menteurs.

Je ne comprends plus !
La duplicité a des limites…
Pendant dix mois de l’année, on n’entend que la chanson des bourreaux de travail à la gloire de leur métier. Passe encore pour les tâcherons qui sans les coups d’encensoir et les hautes performances rejoindraient les files du chômage, mais les autres ? Ceux qui ont des métiers « valorisants », artistiques, à haute teneur d’initiatives ?
Plus que les deux mois de l’année : juillet et août, là où l’on est sûr qu’il ne se passera rien, attendu que le personnel est en rase campagne, déjà, vers la fin mai, début juin, on sent des lassitudes dans l’audio-visuel, des intérimaires ajoutent timidement leurs élucubrations à celles de plus en plus clairsemées des rédactions fantomatiques, les théâtres ont des relâchements dans la reprise, la script du régisseur n’a plus tant de bleus aux fesses depuis que son patron cherche un avion pas cher pour son trip avec sa bourgeoise, bref les amoureux infatigables du boulot, contrairement aux déclarations d’amour du métier qu’ils exercent, foutent le camp moralement, et pendant qu’ils vous écrivent ou vous parlent dans les étranges lucarnes de la formation du nouveau gouvernement, moralement ils sont partis, ils font de la planche à voile entre Deauville et le Tréport ou pire, entre Saint-Tropez et La Napoule.
C’est ainsi. La société exige du mensonge pieu, de la belle menterie pour les galleux que nous sommes.
Les ratatinés du compte bancaire, ceux qui ne dépassent pas Colonster ou Oupeye pour leurs vacances, peuvent se brosser pour la variété qui ne soit pas une rediffusion, trouver un journal qui fasse plus de douze pages de lectures utiles ou une soirée-débat sur la société de consommation. Ils sont bons pour une giclée de la Grande vadrouille ou d’un Gendarme… Pendant les deux mois consacrés aux apéritifs bord de plage, il n’y a plus personne nulle part.
A la voir se trémousser d’impatience, sourire et bâcler le journal-télévisé, on comprend que la vedette locale s’est déjà branchée à Bormes les Mimosas. Vous avez devant vous des clones, des illusions d’optique…
Les épaves qui restent s’accrochent au « Spécial tour de France » en se foutant de savoir si vous êtes « sportifs ». Ils craignent comme la peste, une famine dans une réserve humaine d’Afrique ou le réveil d’un Ben Ladden qui les empêcherait de foutre le camp.
Mieux, on dirait les stars des feuilletons, pourtant en bobines des mois, sinon des années à l’avance, dans les mêmes transes. Elles ne tortillent plus du cul comme d’habitude. On les sent ailleurs, à se faire palper la silicone par des beaux hommes qui n’arrêtent pas quand l’autre abruti hurle « coupez » et repiquent au truc sans rechigner quand la mignonne susurre « on la refait ».
Les clowns maison, les Dechavanne, Arthur, Sébastien et autres gugusses à la pêche d’enfer, sont à la carte postale de leur séjour sur la côte. Ils nous les dédicacent, les sadiques. C’est tout juste s’ils ne nous donnent pas la température de l’eau à Monaco. Sous le smoking, le strass et les paillettes, on devine le paréo, le string à fleurs des survivants. Seul Carlos ne nous raconte pas des salades, puisqu’il est en vacances toute l’année, sauf les deux mois d’été qu’il travaille !
Le porno de Canal plus ramollit de la crampe. La gagneuse n’a plus le cœur à l’ouvrage. A l’orgasme on dirait une ouvreuse qui n’a pas eu son pourboire. L’éjaculateur professionnel devient précoce. Le pot de yaourt de remplacement s’est renversé dans le frigo. L’accessoire fait défaut. Le régisseur de plateau est un sale con. Bref, tout le monde s’en branle, ce qui est toujours une déperdition et un manque à gagner des artistes.
A la défonce, la vedette pense à la liste des commissions à Carrefour. Comme la prise de son est en direct, il faut couiner juste, ni avant, ni après que Totor ait mis la sauce. Elle regrette le temps du sous-titrage, quand l’auteur devait prendre ses responsabilités. La haute valeur du travail bien fait lui échappe. Elle regrette son manque de culture à l’impro. « Ah ! oui, prends moi comme une bête » est interdit d’antenne depuis que le patron a décidé qu’il fallait trouver autre chose. Quant à Totor, chaque fois qu’il dit « Je sens que ça vient », il est à l’amende.
Ils pensent aux vacances lui dans une abbaye cistercienne, elle dans une traversée en solitaire de l’Atlantique.
Le voyeur, n’en parlons pas. Il a misé sur le bouquet pour se finir vautré au bonheur sur le divan. Lui aussi est à la dérive. Comme la main droite n’en veut plus, il essaie avec la gauche, sans conviction. Il monterait bien voir Ernestine au pieu, histoire de sortir du cathodique, à la pensée du dentier noyé sous le cachet de détartrant effervescent et le verre sur la table de nuit, il a les miquettes et s’endort brut de décoffrage sur la carpette.
On est en plein raz de marée, l’alerte est générale, les vacances sont aux trousses de l’humanité laborieuse.
Je ne parle pas du congé payé de base, celui qui ne pense qu’à ça toute l’année et qui s’en va bouchonner tous les étés du côté de Millau, qui encombre sous Fourvière, tunnel ou pas, et qui fonce vers des frontières pour plus qu’on lui parle de l’horloge pointeuse et de la gueule du patron qui chronomètre les stations lavabo !
Les plus emmerdés sont les ministres de la Belgique joyeuse. Il faut bien que le pays soit gouverné, qu’ils disent. Ils vont répandant la nouvelle qu’ils prendront des vacances plus tard. Comptez sur eux, après le discours lénifiant, le professionnalisme des sourires convaincus, les bougres sous leur enveloppe charnelle, ont mystérieusement disparu. Le Parlement, la rue de la Loi sont de vastes musées Grévin. Gros Loulou est en cire fondante, derrière la tenture sa voix enregistrée sort d’un radiocassette. Les flots de vaseline au bon sens habituel ramollissent les cerveaux. Heureusement que personne n’écoute.
Quant aux autres, quand ils tombent la veste et répondent en bras de chemise que tout est on ne peut mieux, c’est un signe. Ils pêchent déjà aux gros dans les caraïbes. Certes ils cherchent encore quelques milliards, mais ce n’est pas grave. Vous recevrez la facture en septembre, à la rentrée. Merde ! on va bien trouver le moyen de faire plaisir à tout le monde, ne serait-ce que pour deux mois, juste le temps pour que les experts trouvent autre chose.
Bref, le pays lui-même est parti. Il n’y a plus de Belgique, mais une sorte de no man land investi par des étrangers aux endroits stratégiques, les monuments et les brasseries. Eux se fichent de savoir s’il y a quelqu’un dans la maison en dehors du gardien de musée et de la serveuse accorte de la rue des Bouchers.
C’est le jeu de dominos d’un pays l’autre. Il y a comme cela des roulements d’occupation des sols qui se passent au mieux, des échanges sans problème et des participations à la vie collective du fond du cœur. Sharon devrait voir comment ça se passe l’intégration en juillet, avant de caser ses touristes chez les Palestiniens.
Reste à savoir comment concilier cette attitude générale avec les déclarations sur la sainteté du travail pour tous, dans la joie et le bonheur ?
Il doit y avoir un gros mensonge quelque part.
Evidemment, si on se mettait à dire la vérité dans une société aussi faux derche que la nôtre, la vie sociale ne serait plus possible.
Ce qu’on est menteurs, tout de même !

7 juillet 2003

Se faire descendre à la prochaine ?

Petit avertissement en guise de préambule : les guerres sont les manifestations les plus anciennes de l’aventure carnassière de l’homme. Aujourd’hui, elles n’entrent plus dans la logique des peuples, sauf si elles sont le produit de la propagande de dirigeants sans scrupule.
Être plongé au cœur d’un conflit malgré soi est le meilleur antidote contre la guerre. On l’a bien vu au temps de l’Allemagne nazie. En 1939, gonflé à bloc, ses habitants étaient nazis à presque 100 %. Puis, au fil des malheurs et des destructions, les adolphins se diluent, s’évaporent, si bien qu’en 1945, guère d’Allemands à soutenir le régime.
Ferments de guerre : le nationalisme. Le droit du sol en Belgique, on connaît. Le record est détenu par Anvers, comme si les Anversois actuels étaient d’authentiques Ménapiens, premiers habitants d’Anvers ! C’est le mobile premier de toutes les guerres, avec le fanatisme religieux.
Le second est évidemment le contrôle des richesses naturelles en commençant par celles des autres, c’est le cas de l’Amérique ces temps-ci.
Ceci dit, quand nous subissons l’état de guerre, nous nous transformons profondément. Nous en gardons des séquelles. C’est le sujet de ce jour.

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Un pays sans guerre et qui n’est pas impliqué dans une croisade bien saignante, finit par s’emmerder.
C’est le cas de l’Europe et de son carrefour liégeois… pourtant par le passé, un carrefour catastrophe… des légions de Jules César aux Uhlans déferlants !
Les trophées, drapeaux ensanglantés, chassepots et couleuvrines dans des caisses pour le futur « Grand Curtius »… attendent leur heure. Le dormeur du val… à Saint-lambert n’a plus le dolmen troué à la place du cœur.
Dès que sonne le clairon, le sandwiche jambon est plus goûteux… Les gens s’arrangent très bien des hasards et des imprévus... Combien de deuxièmes classes ont rencontré leur femme dans un hôpital de campagne, un champ de blé de Westphalie, l’usine Messerschmitt, trente pieds sous terre, travailleuses déportées… Ukrainiennes, Moldaves, Khirkhises, Polonaises… coupant ainsi à cent ans d’hérédités, de cousinage, stoppant un crétinisme consanguin préoccupant. Revivification du sang par la guerre, premier grand brassage en Europe et premières stupidités racistes…
La guerre ! Les pires trouillards sont prêts à l’aventure quand ils se sentent poussés dans le dos. Tous ceux qui s’en foutaient redeviennent patriotes. Les médailles militaires… fonds de tiroirs des vieux de la dernière, retémoignent du sacré. On se les repasse et les fourbit au Sidol, dans un joyeux savoir-faire retrouvé, trophée, honneur… sur la table… la même où grand-papa renversa grand-mère pour une gâterie d’adieu avant le front, la mitraille, le litron, le campement, l’errance, les schleus au cul... mai 1940, le canal Albert, les généraux qui ont la courette et Léopold qui redécouvre qu’il s’appelle Saxe-Cobourg !
On redémarre la solidarité des corons en prévision des prochaines détresses. Entre parenthèse, c’étaient les cocos premiers de cordée pour la résistance… Les couples qui ne fonctionnaient plus, se passent à nouveau des pelles, effusions extrêmes. Les glandes sentent mieux que la tête ce qui se trame… Il y a recrudescence… Meilleur Viagra : savoir qu’on vivra peut-être plus demain ! Au nom de la fraternité, on baise plus international, on rebaise Wallon, Flamand. La chaude-pisse sera tricolore, Monsieur, ou ne sera pas !
Ici, dans notre bout de Gaule, aux confins de la connerie et de la francité, les papys vous le diront, la dernière avait été épouvantable. Pourtant voilà un demi siècle qu’ils en parlent avec une exaltation jubilatoire, qu’ils ne pensent qu’à ça dans les conversations de famille, que c’est leur passion, leur seule heure de gloire, même que si beaucoup ont été cocus, ça n’a pas été pendant la longue absence, mais bien après, des années plus tard… à la pénultième version de l’ultime combat. A bout de nerfs, au ras-le-bol, l’épouse ne veut plus entendre l’exploit du guerrier en pantoufles. Le premier civil qui passe et qui s’en fout comme de l’an quarante, a sa chance…
Rien n’arrête le combattant au souvenir, même si son auditoire a changé. Tout lui rappelle… la sauce par terre, la purée qui dégouline dans le bavoir du mouflet de sa fille, lui ranime le souvenir… qu’il avait pas à bouffer, que l’Adolphe, comme fine saloperie était un peu là.
Puis, après le tour de chauffe, Pépé s’adoucit… Le malheur bien senti se mesure en apnée au nombre de paliers… le bonheur aussi.
Entre deux alertes, serrer sa môme d’amour dans un coin de l’abri… le danger décuple le plaisir, magnifie l’événement… que si les temps étaient durs, les joies étaient d’autant plus intenses. Les jeunes qui entendent l’opus pour la première fois, imaginent l’époque formidable. Alors, paraissent bien ternes les joies de votre serviteur en glandeur de la Toile. C’est le blog qui fait plouf…
J’ai connu un papy patriote… Liège 2003 …pouvait pas supporter la pourriture ambiante, le goût pour le fric, l’évidence du désordre, les sniffeurs à se refaire une nouvelle splif sur la thune du passant. Il avait une dent contre le bouillant Elio et son compère… le gros passé au Bourgogne de l’autre bord du fleuve tranquille... vous voyez ? Ces politiciens-là, il les rendait responsables de tout. Papy s’en pétait les coronaires, se mettait en état de lévitation tant il trépignait. Alors, ça lui échappait. « Ah ! il nous manque le chef, le vrai, pour rétablir l’Ordre »… osait pas dire nouveau. Mais on avait compris. La Propaganda Staeffel qu’il avait tant haïe, lui était resté dans le citron… Nostalgie, nostalgie, Lily Marlene, avec dans un cadre la photo du fou, horrible créature, cécité hystérique trois jours à vingt ans, la mèche, le regard d’allumé, absolue catharsis du mal, sauf pour l’ordre… l’Ordre absolu… Alors, là, premier de cordée… l’impeccable alignement, les bottes au cordeau, tant cirées qu’à la parade ça faisait arc-en-ciel ! La gouape à la bigornette : verboten… au gnouf l’effronté. Lui, le résistant, Remagen, les passages, Rhin, Danube, était toujours à la petite pensée pour le « grand artiste de l’ordre », Monsieur le Chancelier trop tôt disparu ! Sarkozy à côté ? un anarchiste, on vous dit…
L’agitation guerrière qui saisit régulièrement l’électeur, depuis que la patrie n’est plus en danger, s’alimente des guerres des autres. Le canon sur Bagdad, les fusées en ultraviolet sur l’écran du Pentagone, le Laos, la Corée du Nord… les états voyous comme dit Billy the Kid doubleyou qui n’en est pas à une suspicion près. Condoleeza Rice compte sur les Robins des Bois: Saddam, Omar et ben Laden, pour mettre de l’ambiance dans la casbah.
Blair mobilise dans la forêt de Sherwood, histoire de pas perdre la main.
Et nous, les badauds du carrefour, on fait ce qu’on peut pour passer notre temps de paix qui n’en finit plus…
On essaie bien par les journaux, ci, là, de rallumer la guerre intérieure, l’envahissement du pays par la flibuste des Carpates ; mais ça ne fait recette que chez les papys, les débiles mentaux et l’extrême droite à Anvers, ça fait quand même du monde, vous me direz, surtout les débiles mentaux, mais ça vaudra jamais 14-39-18-45. Les mensurations idéales des deux plus belles ! On sent pas assez qu’on a la lame près du kiki. On n’a pas les miquettes qu’il faudrait. Et comme on s’emmerde… résultat : on bande plus !
Alors pour pas trop la trouver mauvaise, des fois qu’on en remettrait une couche à l’improviste et qu’on serait pas prêt, nos glorieux se lancent dans l’humanitaire. Le décor y est, armes, bagages, gros avions, tenues de camouflage, l’adieu des familles sur le tarmac… ah ! nos équipes de caméras s’en donnent : gros plans sur les larmes des épouses, air crâne des partants… mais on sent que quelque chose manque, que nos combattants jouent pour du beurre… Du théâtre des armées, reste plus que le théâtre… médiocre et subventionné. Aussi terne que la pièce à la gloire de Simenon, dont la bétonnière tourne en ce moment à l’Arlequin.
Faudra bien se décider à en refaire une vraie, un de ces quatre, quand nos partis n’auront plus la cote, quand le taux de suicides montera d’un cran chez les jeunes, quand Arthur ne fera plus rire que les figurants de TF1, quand on se rendra compte qu’il faut pas forcer la nature de l’homme et que pour choisir la paix, il faut au moins qu’on sache ce que c’est que la guerre. Ah ! nom de dieu, quand on pense au déficit des tailleurs de pierres commémoratives, on va pas laisser crever l’artisan, tout de même !
Il n’y aura bientôt plus de commémos, plus d’anciens combattants, plus rien que des souvenirs. Qui c’est qui tiendra le drapeau dans quelques temps à l’heure de la Brabançonne à la fête nationale ?

6 juillet 2003

Une société morale.

On a tort de croire que le progrès est constant et que dans tous les domaines il convient de louer notre démocratie et le bénéfice social que nous en retirons.
S’il est un domaine qui nous reconduit tout droit à des temps de barbarie extrême : c’est bien celui de la morale.
Prenons le XVme siècle anglais, siècle que je connais bien pour l’étudier depuis « Une ambition anglaise ». L’historien Kendall nous renseigne sur la notion médiévale du juste prix : « Les citadins aimaient à croire que le but du commerce et de l’industrie était non de faire de l’argent, mais de fournir à la communauté des marchandises et des services à un prix qui, tout en permettant de vivre au boulanger, au poissonnier ou au cabaretier, fût pourtant le plus bas possible. »
Je ne vais pas faire plaisir aux contempteurs de la société de consommation qui ont pris l’habitude de réfléchir avec leurs pieds et de marcher sur la tête et qui ne pourraient que mettre en doute mon intégrité en taxant mes propos d’exagérés. A ces « gentils » imbéciles, je vais tout simplement retranscrire quelques avis de grands auteurs, en leur suggérant de croire que des économistes d’aujourd’hui comme Galbraith, Friedmann, Bourdieu ou Veblen disent la même chose, mais en moins colorés.

De Jules Renard (le Journal) : « Vous revendez trois mille francs ce que vous avez eu pour cinq cents, et vous dites très tranquille : « c’est une affaire ». Mais non, c’est un vol !

De L.-F. Céline : « Ils vendraient le soleil et la terre, et tous les innocents dessus pour s’ajouter un petit nougat, pour se préserver un coupon. »

De W. S. Maugham : « Il n’y a rien d’aussi dégradant que le constant souci des moyens d’existence. L’argent est semblable à un sixième sens sans lequel vous ne pouvez par faire un usage complet des cinq autres.

Albert Camus : « On peut gagner de l’argent pour vivre heureux et tout l’effort et le meilleur d’une vie se concentrent pour le gain de cet argent. Le bonheur est oublié, le moyen pris pour la fin. »

D.A.F. de Sade : « On m’a découvert, je ne volais pas assez, un peu plus de hardiesse tout fût resté dans le silence ; il n’y a jamais que les malfaiteurs en sous-ordre qui se cassent le cou, il est rare que les autres ne réussissent pas. »

Jacques Maritain : « La tragédie des démocraties modernes consiste dans le fait qu’elles n’ont pas encore réussi à réaliser la démocratie. »

Cioran : « Les pauvres à force de penser à l’argent, et d’y penser sans arrêt, en arrivent à perdre les avantages spirituels de la non-possession et à descendre aussi bas que les riches. »

Alphonse Boudard : « Le maque, c’est le bourgeois à l’état primitif. Il ne pense qu’au fric et il a soif de responsabilité. »

Auguste Detœuf : « Les économistes ont raison : le capital est du travail accumulé. Seulement, comme on ne peut pas tout faire, ce sont les uns qui travaillent et les autres qui accumulent. »

Les pointures des deux partis qui nous concoctent un nouveau gouvernement ont le gros bon sens rassurant qui leur tient lieu de morale. C’est par là qu’ils sont dangereux. Ils nous parlent du cœur, en louchant sur nos portefeuilles. Ils n’ont que le mot réalité à la bouche. Ils ne savent pas que leur référent comme l’organisation mondiale du commerce devant laquelle ils se couchent n’est que le référent d’une illusion collective occidentale. L’utopie du progrès est transgressive. La gauche doit réapprendre à rêver du futur. L’enjeu n’est ni plus ni moins que sa disparition !

5 juillet 2003

Si nos ancêtres avaient su.

Ah ! si Cro-Magnon revenait ! i’ pourrait plus s’asseoir sur les talons pour contempler son chose, sans faire embarquer sa grosse nature au gnouf pour indécence.
Pourtant, à l’odeur du purin, c’est partout la partouze. Rien qu’à pousser le bouton de la télé, on a les germes des présentateurs qui papillonnent dans les rayons des spots. On peut pas faire un pas sans tomber sur une prétentieuse à la gloire qui commence par montrer son cul avant d’en pousser une.
Il est pas sorti de la caverne familiale pour la gloire, Cro-Magnon. Saisit par le doute, dessous sa peau d’ours, a pas intérêt à la sortir devant ces dames, pourtant si friandes, si consommatrices. Se trouverait vite fait au photomaton de la brigade des mœurs.
Sa saine grossièreté naturelle résisterait pas une seconde à la vulgarité agressive. Pour le streep-tease, tout est dans la manière, la façon de présenter les choses aux abrutis de la convention sociale. Si chez Schumacher on déshabillait le bestiau devant la clientèle, personne voudrait plus le faux-filet. Il aurait belle mine Cro-Magnon, le morceau que c’est dans le paf de RTL-RTBf, si l’on considère l’enculage de mouche que c’est de dire les choses. On le voit pas bien sortir son engin du holster façon tannerie Altamira, se précipiter sur Simone ou Fabienne et se mettre en position de les tirer. Certes, ça augmenterait l’audience, ça se discute même pas ; mais, y aurait qu’une émission, désastre pour un lieu propice au feuilleton, au prolongement, à l’usage immodéré du remake, même que pour Bourvil et de Funès, on les compte plus.
Tous les branchés de la turlute d’après minuit sur le câble en reviendrait pas. Brutes, certes, mais en bas de soie, tout en prévenance, mise en garde, moins de douze, seize, dix-huit, soixante-neuf ans, qu’on reste entre salopards bien prévenus, suffisamment au courant qu’on peut se faire pisser sur la gueule, se faire reluire en mickey par une assistante sociale du coup par coup, ou se taper des rassis sur les nichons de la Carembeu à 3 millions de pixels, sans en tirer aucune gloire.
Il s’étonnerait bien Cro-Magnon des manières de nos contemporains, de la façon qu’on mange, des chichis qu’on fait pour déféquer. Il s’étonnerait bien davantage de la façon dont on fait l’amour. Les si parfaites inventions, les combinaisons saphiques, les mirobolants travestis, les drôles de jaquettes que c’est de faire la passe par le tromblon, lui qu’est resté bien plus propre dans sa préhistoire natale, plus fleur bleue, qu’à côté les singes du zoo d’Anvers, c’est des pervers. Ah ! mais on le voit traîné devant tous les tribunaux, l’ancêtre ! Marquer son territoire, renifler la femelle, cela se fait plus de nos jours, dans la rue quand le jour n’est pas tombé.
Une époque encore acceptable ? Mettons le XV siècle…. Du temps de la guerre des deux Roses, pas celle de Mitterrand contre celle de Roccard, non, les York et les Lancastre… l’homme était moins jugé par son prochain, nagé à poil hommes et femmes dans la rivière était permis. Les gens n’avaient pas appris qu’il faut se conformer plutôt que sentir… Alors qu’aujourd’hui on fait dans la demi teinte, la branlette d’intello pour convaincre des bienfaits de la démocratie, le pouvoir, quoique violent, se foutait de ce qu’on pense. Chacun allait à la défense de son pré carré. Comme Cro-Magnon, le plus des moyen-âgeux aurait l’air aujourd’hui d’un débile léger. Mais tout bêtes qu’ils étaient, seul le présent comptait. Il était inutile de leur seriner que demain avec plus de socialisme ou plus de capitalisme tout va s’arranger. Avec Cro-Magnon, ils voyaient pas si mal que ça sous Richard III !
Comment qu’il atterrirait au flagrant délit, Cro-Magnon en 2003 !
Vous suivez pas la mode ? Vous lisez pas les journaux ? L’évolution, vous vous en foutez ! Mais Monsieur, allez vous rhabiller, voyons couvrez-vous, dirait la Loi qu’a passé tout le week-end un doigt dans le cul. C’est une honte diraient les Gaspard d’égout aux mâchicoulis de l’information, alors qu’ils ferment les yeux tous les jours sur des trois pièces cravates qui font bien pires, c’est une honte de voir ce mec surgit d’on ne sait où se conduire comme une bête. Même GAIA leur donnerait raison et que Cro-Magnon est pire que le toucheur de bœuf qui corrige son veau avec la vigueur de sa propre connerie, qui est considérable.
Rejeté de tous, grand-papa n’aurait plus qu’à plonger dans le premier trou venu, disparaître par où il est sorti, sans femelle, sans avenir en se tracassant le cassis pour savoir de quelle planète sont ces gens qu’il ne reconnaît pas comme étant ses enfants.
Heureusement que ce que je dis-là ne sont que des conneries.
C’est même pas sûr qu’on est de la lignée Homo, devenu sapiens à force de se torcher sur la nature, d’exterminer ou d’asservir toute la création, y compris nos semblables, de prendre des manières, d’inventer des vices, de faire découvrir à nos psy des abysses de pourriture, sur le qui-vive q’on est en espoir d’enculage perpétuel, de donner à d’étranges papiers qui vont des uns aux autres, une importance qu’ils n’auraient jamais dû acquérir, d’avoir conservé l’esclavage antique transformé en travail obligatoire, de réussir à pourrir la vie de tout le monde en choisissant des maîtres caractériels…
C’est même pas sûr…

4 juillet 2003

O� Richard d’York s’explique...

Le duc de Clarence : Vous semblez, cher frère, avoir une prédilection pour des locutions égrillardes, des tournures libres, des expressions puisées du ruisseau�
Richard d’York : Certes. Comment décrire autrement certaines choses ? Avez-vous lu Giovanni Boccaccio, en latin évidemment ?
Le duc de Clarence : Comme il m’eût été agréable que vous vous reprissiez. Lorsque vous êtes en présence de notre mère, vous paraissez un autre homme��
Richard d’York : Et si nous parlions du complot que vous ourdissez contre Edouard, notre frère ? C’est plus que de l’incorrection�
Le duc de Clarence : Ne rêvez pas, mon cher, je suis la victime de la cabale de la reine Elisabeth. Voyons Richard, n’êtes-vous qu’un homme de plaisir ?
Richard d’York : J’eusse aimé qu’il existât des choses qui valussent qu’on leur sacrifiât les plaisirs.
Le duc de Clarence : N’avez-vous pas reçu une bonne éducation ? Vos rabelaisiens discours�
Richard d’York : Anachronisme, mon cher, Rabelais n’existe pas encore à l’heure o� vous me parlez, de même notre inventeur William Shakespeare, non plus. Je vais cependant faire comme si� Mon intention initiale n’a pas changé. Un blog peut faire office de conservatoire des manuscrits, comme la Société des Auteurs. Ainsi, dûment daté et publié, mes écrits ne peuvent être plagiés sauf antidater le plagiat, ce qui me paraît difficile pour le déposer.
Le duc de Clarence : Vous voulez parler de votre pièce � Une ambition anglaise � ?
Richard d’York : Absolument. Tel que vous me voyez, j’ai terminé le premier acte avant de m’inquiéter de la réelle histoire d’Edouard IV, de sa famille, c’est-à-dire nous, ses enfants, la reine Elisabeth, etc.
Le duc de Clarence : Vous vous êtes conduit avec beaucoup de légèreté.
Richard d’York : Je ne suis pas le seul. Que penser de notre dramaturge, notre grand Will qui écrivit Richard III sur le seul récit qu’en fit Thomas Morus ou More dont j’ai la chance de posséder un exemplaire. Or, � L’Angleterre au temps de la guerre des Deux-Roses � de Paul Murray Kendall que je viens de lire n’est pas du même avis que More sur ma participation à votre assassinat, mon cher frère. Richard III a été sali par Shakespeare. C’était un infirme qui ne devait pas régner et qui s’est trouvé dans l’alternative de périr ou de prendre le pouvoir.
Je vais réécrire � Une ambition anglaise � de manière à me réhabiliter.
Le duc de Clarence : Je ne suis pas d’accord. Dans la mesure o� je vais assumer une partie de vos crimes, tout au moins jusqu’à mon propre assassinat.
Richard d’York : Que voulez-vous, mon frère. Vous ne pouvez rien faire, puisque je tiens la plume et que j’en décide selon mon bon plaisir.
Le duc de Clarence : Je cours à mon destin. Je réintègre la tour de Londres. Adieu Monsieur.
Richard d’York : Prenez donc avec vous cette courte scène que j’ai ajoutée au � Misanthrope � de Molière. Cela vous fera passer le temps.
Le duc de Clarence : C’est un plagiat ! Alors que vous êtes contre.
Richard d’York : Non monsieur. Vous ne trouverez ce texte écrit nulle part. C’est une recréation�

Acaste
Parbleu ! s’il faut parler des gens extravagants
Je viens d’en essuyer un des plus fatigants ;
Andrimont, sans repos, m’a, ne vous en déplaise,
Une heure au grand soleil, tenu hors de ma chaise.

Célimène
C’est un fort beau parleur, et qui trouve toujours
L’art de vous rien dire avec de grands discours ;
Dans les propos qu’il tient on n’entend jamais goutte,
Et ce n’est que du bruit, que tout ce qu’on écoute.

Acaste
Il tient pour rien les gens qui jamais ne voyagent.
Il est de sur la brèche à l’aise malgré l’âge.
Dame ! d’un grand seigneur il est le protégé ;
Sa chose, son laquais, en un mot son cocher.

Célimène
Son propos s’arrondit�

Acaste
�de lardons et de crème..

Célimène
�Ce qui n’enlève rien à l’amour de lui-même.

Acaste
On dit qu’il s’est payé, d’un mari bien berné,
Avecques sa catin, des noces de papier
En la cité lacustre o� il était sicaire,
Que le Doge chassa pour cause d’adultère.

Célimène
C’est le bruit qui en court. Avoueré-je haut ?
J’avais cru jusqu’ici la dame sans défaut.
De grâces et d’attraits, je crois qu’elle est pourvue ;
Et les tares qu’elle a ne frappent point la vue.

Acaste
Andrimont en jouit à son banc de cocher,
Laissant le couple défait et les c�urs affligés.

Fin de la scène.

Le duc de Clarence : Une remarque, cher frère : � Andrimont en jouit à son banc de cocher �. Cette image doit-elle être prise au propre ou au figuré ?
Richard d’York : Prenez la comme il vous plaira.
Le duc de Clarence : On croirait presque que vous l’avez vécue�
Richard d’York : J’ai simplement voulu marquer mon mépris pour cet Andrimont et comme Alceste :

Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre,
Le fond de notre c�ur dans nos discours se montre�

Le duc de Clarence : Encore un plagiat, je présume ?
Richard d’York : Non, Monsieur, c’est une citation.

3 juillet 2003

Si on est d’accord, c’est pas pour la fermer !

« - Si les gens savaient ! …de ces grandes commissions, ces carrefours de l’intelligence, ces comptes-rendus aux « nous » pluriel de majesté, que sortent les « élites », qui l’ouvrent partout, qu’on ne voit qu’eux à l’interview, à l’avis supérieur, chez Lèche voyez ça, aux communions solennelles, chez Delarue ou Castaldi, à la RTB, aux trois journaux des trois partis, rose à la main et bleu azur à la boutonnière, « ace » sur toute la ligne, jongleur de Constitution pour l’Europe, le Zoulouland ou Coronmeuse… tellement à l’aise qu’on croirait qu’ils logent derrière les caméras, se farcissent la script et la maquilleuse… sucent la grande famille du cirque des variétés… font hurler Christine Ockrent au plaisir à force d’en avoir plein la fente de son France-Europe-Express, tandis que le détracteur en face attrape les mouches… se ratatine comme une merde sous les sabots d’un troupeau de gnous, gueule devant des chaises vides, jette ses chefs-d’œuvre à l’égout faute d’éditeurs, tous plus ou moins à la dévotion du maître, de l’excellence, de la star qui défraie la chronique et qui signe un best seller écrit par un académicien rémunéré à la ligne.
On sait tout, le moindre pet, calibré, justifié avec teneur en azote et méthane des empereurs saugrenus, têtes d’affiche des mirobolantes séries d’une démocratie qui plus elle est à chier, fait bander le joli monde. On taira rien sur les bites à plaisir, rayons côte d’Azur, les Ramatuelle à la bonne bourre dans des lits à six places, nids climatisés d’ambiance champenoise aux pétillements savamment orchestrés par des barmaids à poil sous le soleil des jardins à la française. Les femelles au concours pour le plaisir de la prostate à Barclay, les pourvoyeuses des raideurs artificielles, exactes à faire démarrer les vieilles carcasses à la main dès la descente des Jumbo jet.
Les verbeux phénomènes s’enflent de l’étonnement énamouré de la grosse sorte humaine. Les grandioses crapules des milieux financiers à chaque fois qu’on déplie une gazette à leur dévotion, qu’on applaudit à leur mérite, sentent leur bon sens chatouillé. Ils montent en transes comme si leur orgueil était un clitoris tellement flatté qu’ils n’en peuvent plus. Ils saluent la foule, intensément suffrage universel, soudée aux plaques commémoratives, prête à tout pour le premier rang, la première salve, le premier vive… »

Quand mon pote part dans l’analyse, il en louche de colère. Il se perd dans ses propositions, noie la principale sous des tonnes d’incises, se retrouve puis se reperd. Quand cela devient impossible et qu’on se regarde gênés, il coupe son flux incantatoire d’un coup de gueule qui résume tout. ah ! les salauds…nom de dieu !... les salauds.
Les consommateurs habitués aux chuchotements lèvent la tête, puis tournent la petite cuillère dans leur kawa, l’air pincé d’un Lord Anglais qui vient de manger un cassoulet et qui sent qu’il va péter alors qu’il parle de Richard III de Shakespeare. (Il faut bien que je le replace celui là.) à une charmante en vis-à-vis qui sous la table pousse innocemment son petit pied déchaussé sur la bedaine du Lord.
A la vaticination, il est champion mon pote. Il ne fait pas dans la dentelle, il inclut dans sa liste des fiottes pourries, la gauche, la droite, le commerce mondial, sa bizouquette et la chtouille persistante, son loyer, ses femmes et sa fille qui lui fait la gueule depuis qu’elle s’est mise avec un tricard dont il a appris le CV par les journaux.

- On est marron, pourris par les discours. Tiens, le rendement du bazar en Belgique…
- Tu veux parler du PIB ?
- Ouais, le PIB. Plus il augmente, plus on est dans la merde ! Comment ça se fait ?
- Là, tu touches à des mécanismes complexes, des rendements sur des nouvelles économies, des licenciements, des…

Faut pas dire… « Licenciement » à l’artiste. Ça le fait derechef monter au créneau.

« - Où c’est qu’il va l’effort ? A quoi ça sert qu’on se la force, la nature ? …si c’est pour finir sur le trottoir par nos fines initiatives, nos souplesses professionnelles, notre mobilité ? Mais, nom de dieu ! on est fleur par tous les bouts. Dans ces conditions, c’est con un travailleur, sa bonne volonté… patron, comment je pose mes fesses pour que vous me la mettiez plus facile ? Merde… et les syndicats, qu’est-ce qu’ils foutent les syndicats ? Des accords… ils font des accords. Dix mille travailleurs en moins ? Si on en mettait 7.500 ? On vous revaudrait ça… Echangeons nos tee shorts, portons un toast aux fafs bilatéraux, au consensus, à la rénovation, aux nouveaux efforts, fais pas la gueule Arthur aux investisseurs qui nous regardent de la dunette de leur yacht qui cingle vers notre littoral, si bétonné qu’on va ouvrir des carrières de sable dans l’arrière pays pour que leurs jolis pieds se posent pas dans le cambouis.
Purges ou pas façon Staline, on dégueulera plus notre connerie dans les plaines de l’Oural, pépère, mais côté nouvel ordre mondial, dans des bidonvilles qui poussent tout doucement en périphérie, oui charmante, déjà réglé façon Légo dans des kots à 16 m² l’enfoiré, on va doubler la capacité bientôt à la tôle ondulée et au parpaing de récupération, type Mexico-banlieue. Liège craint pas la tornade, le vent qui emporte la mouscaille avec le toit. C’est pas les tropiques sur Meuse ici.
Des rescapés des stratégies intercontinentales, des miraculé de la grotte reconstituée chez les marlous de la FIB, il y en aura de moins en moins ! »

Le mot « syndicat », c’est aussi chaud qu’une passe fictive dans une cabine du hard où des abrutis ivres de solitude se poignent devant la vidéo. Mais où mon pote perd toute mesure, c’est au mot parti. Alors, il se contrôle plus. C’est pire que de se voir refuser un verre par un patron qui le trouve un peu schlasse.

« - Tout ça c’est la faute aux combines. Nous sommes entubés de partout, mais, le vraiment monstrueux engin, la Grosse Bertha soi-même, il est dans le froc des représentants du chose, j’ose plus dire du peuple, ça me fait mal aux bronches.
C’est eux qu’ont d’abord bougé leurs bénards avant qu’on tombe le nôtre. Ils se sont repliés sous les chaises à l’Europe. Ils comptent les coups entre les pétroliers et les argentiers d’un match de ping-pong dont les balles sont en uranium appauvri. Note que c’est bien fait pour notre gueule entre appauvris… Ils peuvent plus rien pour nous. La démocratie, puff, confisquée. Toi, t’es bon pour vidanger, servir à table quand t’as les mains propres, mettre en paquets leurs ordures, faire les nickels à la Jag. Quand Gros-Ballon passe de Cardiff au Real de Madrid et que tu vois sortir les faffiots, les journaux à l’extase et que t’es aux haricots jusqu’à la fin du mois, ça te fait pas gerber ?
Où il est, nom de dieu, le progrès social ? Alors le débat entre l’amerloque propriétaire et Monsieur Gros bon sens représentant du chose, c’est-y pas la noyade générale ? Le scandale absolu ? La quintessence de la plus belle embrouille qu’à côté de ça, les hauts faits d’escroquerie sont des enfantillages. »

- T’es trop long, mec que j’y coupe, pour le blog.
- Toute façon, qu’il réplique, tout part en couille. Vise au commentaire comme ils réagissent bien tes garennes.
- Là, je crois que t’as pas tort, que j’lui réponds, vexé.

2 juillet 2003

Talk show recherche candidates.

Cello Steinrak, c’est Guy Lux : une idée toutes les cinq minutes. On voit o� ça a conduit l’autre, le pionnier� Lui n’a pas l’intention de claboter. Le PAF a besoin de lui.
Sa dernière idée : Colle en tas. Le produit est vendable, en regard des nanards actu.
Dans une île déserte, la production construit un loft. Steinrak sélectionne dix hommes et dix femmes. Lui, c’est les femmes� question de feeling. Les hommes, c’est Michou, un artiste qui chante comme Zarah Leander : Sch�n war die Zeit da vir uns so geliebt, aux nostalgiques de la Wermacht.
Le principe : on installe les candidats, aussitôt on les colle et les décolle comme des siamois suivant l’humeur du public. Ils doivent rester collés d’une émission l’autre, même pour pisser. On a prévu des couples homos dans le cas o� les sondages donneraient un bon pourcentage de téléspectateurs gay ! Une roue qui tourne avec des cases ventre, fesse, main, épaule, dos détermine l’endroit o� on les colle.
Dès l’annonce parue, c’est la folle demande. Les bureaux sont pris d’assaut par les mères en furie qui poussent leurs fifilles comme un caddie au supermarché. A l’entrée, le tri sévère. En dessous de dix-huit ans, pas question. Un producteur tôlard, ça la fouterait mal.
Faut d’abord qu’il leur reluque la couenne aux candidates, le Cello.
Il étudie les folâtres, les artistes et les folles du berlingot. C’est l’émeute dans les couloirs, pire que les soldes.
Elles font la file, la tête près du portable, qu’elles jactent un peu comme elles vont lofter grâce à Monsieur Steinrak, le si gentil producteur. Juste une petite formalité, l’admission� En attendant, elles se mouillent un peu par avance, que le gros doigt les finisse.
Elles mémorisent la goualante à Sardou, zizique Jacques Revaux : � L’école du show business �, épreuve indispensable, juste avant de bouger le slip pour que Steinrak se détermine.

Elles entrent on sait déjà
Qu’elles ont une jolie voix
Au tout premier baiser
Elles vont enregistrer
Et là sur la moquette
Elles sont déjà vedettes.

Les mères font répéter. Les accents du sud-ouest sont impitoyablement repris. Déjà que � moquette � c’est dur à dire.
Au cri de � � la suivante �, la mère pousse l’impétrante dans le dos. Celle qui sort, on la voit pas. Elle se rhabille dans l’escalier de service.
Steinrak est pressé. Il a son compte. Il ne sait plus comment faire. Voilà trois heures qu’il a plus remonté son pantalon.
Merde ! Il était fait pour les départs, les voyages, la poésie. Et puis, il est sans capote. La dernière impétrante pleure, supplie. L’audition est finie.
Les mères ne l’entendent pas de cette oreille. Elles grondent dans le vestibule. C’est une honte de même pas voir l’artiste au chant, la si jolie voix, juste ce qu’il faut pour la chanson de Revaux, la diction, le détail des paroles de Sardou.
Steinrak file par l’escalier de secours. Une rusée qui dans la file n’aurait pas pu être visionnée avant quatre heures du matin, a senti l’oignon et se pointe sur le palier.
Elle le supplie. Elle comprend pas cette manie de Steinrak de fuir ses responsabilités. Ils descendent ensemble les marches en titubant, ivres de mots.
La libération de la femme aidant, elle en vient à la confidence au troisième étage. Au rez-de-chaussée Cello sait tout : le lourd handicap du mari insupporté après deux ans de bonheur, tout au sédatif, trop sensible, les nerfs, dérangement sexuel, il peut voir, toucher.
�a demande de la parlote et des gesticulations une vie pressée. Elle sait y faire pour rassurer un producteur, de sa trempe, de son style, de sa classe.
Les petites coincées avec les mères à l’étage de � Colle en tas production � aux fenêtres voient d’elles-mêmes que c’est la dernière de la file qui tient la cote. Ce n’est plus qu’un cri de rage qui fait lever les têtes dans la rue.
� Salaud, ordure� Ah ! elle est belle la télé� Maquereau�Dégénéré �
Jamais elles auraient laissé le sagouin mettre les pattes sur leurs fifilles ! Faut les traîner au tribunal pour m�urs, des monstres pareils.
Ah ! �a demande des ruses le métier.
Dans le taxi, l’effrontée de l’escalier de secours décline son CV, elle s’appelle Térésa, oui comme la mère, et se met en devoir de passer l’audition.
Elle en veut, là tout de suite. Le chauffeur, c’est le public. Elle a pas peur, mais vu l’exigu�té du local, elle peut pas chanter avec les gestes. Juste un peu fourrager dans le slip du producteur, question de voir si son talk-show donne des résultats.
Comme elle se trémousse, lui pense qu’elle devra se mettre au régime et qu’elle devra titiller du pied des balances au désespoir de pas perdre du poids plus vite, tandis que lui, son fort abdomen en avant, il se foutra de perdre un gramme à la Tour d’Argent.
Mais les télévoyeurs aiment les rondeurs. Il la colle déjà à un squelette que Michou a auditionné. C’est un faux maçon qui louche un peu mais qui a une belle gueule. Il a signé son contrat d’une croix. Ah ! avant que les foules baveuses l’adorent, il y aura du boulot.
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1 juillet 2003

Un destin accompli.

L’esprit de contradiction est un maître qui pousse à d’étranges choses.
Louise l’avait aimé parce qu’on le disait taciturne et un peu chien. Comme sa mère avait cherché à la dissuader de le suivre, elle partit avec lui en laissant au désespoir un mari doux et aimable. Elle trouvait son amant bel homme et fort sérieux, alors qu’il était vieux, gras et qu’il lui refila une mycose tenace qu’il tenait lui-même d’une barmaid de fâcheuse réputation
On assurait qu’il était intelligent… et comme souvent l’opinion se trompe…
Pour avoir à son âge senti le besoin de répondre à la passion de Louise, l’était-il vraiment ?
Il n’avait pas son pareil pour croiser les mots et remplissait facilement des grilles notées six étoiles. Peut-on affirmer sans risque de se tromper qu’un cruciverbiste est un homme de culture ?
Elle lui écrivait des lettres de huit pages. Comme ce n’était pas assez, avec la clé qu’elle avait gardée de l’appartement de son mari, elle y faisait des incursions afin d’y dérober des objets pour les lui offrir.
Il se croyait poète et lui envoyait des vers de mirliton pleins de fautes d’orthographe. Elle plaçait ces méchants écrits dans un petit coffret qu’elle noyait de ses larmes dans des moments d’exaltation.
D’une voix de fausset, à laquelle elle était pourtant très sensible, il lui débitait des banalités qu’elle confondait avec l’éloquence du cœur d’un amant inspiré.
Il trouvait que ses lèvres étaient trop minces. Elle se les fit refaire sur le modèle de celles d’Emmanuelle Béart, ses seins tombants, elle les fit remonter. Et ainsi de suite… Y passèrent toutes les parties du corps. Quand on lui retendit la peau du visage, elle lui fit peur et il l’abandonna pour une ancienne maîtresse qu’il n’avait jamais cessé de voir.
Elle retourna chez sa mère qui pour la consoler lui dit que ce n’était qu’une erreur et que son mari l’attendait avec des fleurs dans un vase. Quand sa mère lui soutint qu’elle ne savait pas ce que c’était un chagrin d’amour. Elle courut à la grange et elle se pendit.