Se faire descendre à la prochaine ?
Petit avertissement en guise de préambule : les guerres sont les manifestations les plus anciennes de laventure carnassière de lhomme. Aujourdhui, elles nentrent plus dans la logique des peuples, sauf si elles sont le produit de la propagande de dirigeants sans scrupule.
Être plongé au cœur dun conflit malgré soi est le meilleur antidote contre la guerre. On la bien vu au temps de lAllemagne nazie. En 1939, gonflé à bloc, ses habitants étaient nazis à presque 100 %. Puis, au fil des malheurs et des destructions, les adolphins se diluent, sévaporent, si bien quen 1945, guère dAllemands à soutenir le régime.
Ferments de guerre : le nationalisme. Le droit du sol en Belgique, on connaît. Le record est détenu par Anvers, comme si les Anversois actuels étaient dauthentiques Ménapiens, premiers habitants dAnvers ! Cest le mobile premier de toutes les guerres, avec le fanatisme religieux.
Le second est évidemment le contrôle des richesses naturelles en commençant par celles des autres, cest le cas de lAmérique ces temps-ci.
Ceci dit, quand nous subissons létat de guerre, nous nous transformons profondément. Nous en gardons des séquelles. Cest le sujet de ce jour.
$ $ $
Un pays sans guerre et qui nest pas impliqué dans une croisade bien saignante, finit par semmerder.
Cest le cas de lEurope et de son carrefour liégeois… pourtant par le passé, un carrefour catastrophe… des légions de Jules César aux Uhlans déferlants !
Les trophées, drapeaux ensanglantés, chassepots et couleuvrines dans des caisses pour le futur « Grand Curtius »… attendent leur heure. Le dormeur du val… à Saint-lambert na plus le dolmen troué à la place du cœur.
Dès que sonne le clairon, le sandwiche jambon est plus goûteux… Les gens sarrangent très bien des hasards et des imprévus... Combien de deuxièmes classes ont rencontré leur femme dans un hôpital de campagne, un champ de blé de Westphalie, lusine Messerschmitt, trente pieds sous terre, travailleuses déportées… Ukrainiennes, Moldaves, Khirkhises, Polonaises… coupant ainsi à cent ans dhérédités, de cousinage, stoppant un crétinisme consanguin préoccupant. Revivification du sang par la guerre, premier grand brassage en Europe et premières stupidités racistes…
La guerre ! Les pires trouillards sont prêts à laventure quand ils se sentent poussés dans le dos. Tous ceux qui sen foutaient redeviennent patriotes. Les médailles militaires… fonds de tiroirs des vieux de la dernière, retémoignent du sacré. On se les repasse et les fourbit au Sidol, dans un joyeux savoir-faire retrouvé, trophée, honneur… sur la table… la même où grand-papa renversa grand-mère pour une gâterie dadieu avant le front, la mitraille, le litron, le campement, lerrance, les schleus au cul... mai 1940, le canal Albert, les généraux qui ont la courette et Léopold qui redécouvre quil sappelle Saxe-Cobourg !
On redémarre la solidarité des corons en prévision des prochaines détresses. Entre parenthèse, cétaient les cocos premiers de cordée pour la résistance… Les couples qui ne fonctionnaient plus, se passent à nouveau des pelles, effusions extrêmes. Les glandes sentent mieux que la tête ce qui se trame… Il y a recrudescence… Meilleur Viagra : savoir quon vivra peut-être plus demain ! Au nom de la fraternité, on baise plus international, on rebaise Wallon, Flamand. La chaude-pisse sera tricolore, Monsieur, ou ne sera pas !
Ici, dans notre bout de Gaule, aux confins de la connerie et de la francité, les papys vous le diront, la dernière avait été épouvantable. Pourtant voilà un demi siècle quils en parlent avec une exaltation jubilatoire, quils ne pensent quà ça dans les conversations de famille, que cest leur passion, leur seule heure de gloire, même que si beaucoup ont été cocus, ça na pas été pendant la longue absence, mais bien après, des années plus tard… à la pénultième version de lultime combat. A bout de nerfs, au ras-le-bol, lépouse ne veut plus entendre lexploit du guerrier en pantoufles. Le premier civil qui passe et qui sen fout comme de lan quarante, a sa chance…
Rien narrête le combattant au souvenir, même si son auditoire a changé. Tout lui rappelle… la sauce par terre, la purée qui dégouline dans le bavoir du mouflet de sa fille, lui ranime le souvenir… quil avait pas à bouffer, que lAdolphe, comme fine saloperie était un peu là.
Puis, après le tour de chauffe, Pépé sadoucit… Le malheur bien senti se mesure en apnée au nombre de paliers… le bonheur aussi.
Entre deux alertes, serrer sa môme damour dans un coin de labri… le danger décuple le plaisir, magnifie lévénement… que si les temps étaient durs, les joies étaient dautant plus intenses. Les jeunes qui entendent lopus pour la première fois, imaginent lépoque formidable. Alors, paraissent bien ternes les joies de votre serviteur en glandeur de la Toile. Cest le blog qui fait plouf…
Jai connu un papy patriote… Liège 2003 …pouvait pas supporter la pourriture ambiante, le goût pour le fric, lévidence du désordre, les sniffeurs à se refaire une nouvelle splif sur la thune du passant. Il avait une dent contre le bouillant Elio et son compère… le gros passé au Bourgogne de lautre bord du fleuve tranquille... vous voyez ? Ces politiciens-là, il les rendait responsables de tout. Papy sen pétait les coronaires, se mettait en état de lévitation tant il trépignait. Alors, ça lui échappait. « Ah ! il nous manque le chef, le vrai, pour rétablir lOrdre »… osait pas dire nouveau. Mais on avait compris. La Propaganda Staeffel quil avait tant haïe, lui était resté dans le citron… Nostalgie, nostalgie, Lily Marlene, avec dans un cadre la photo du fou, horrible créature, cécité hystérique trois jours à vingt ans, la mèche, le regard dallumé, absolue catharsis du mal, sauf pour lordre… lOrdre absolu… Alors, là, premier de cordée… limpeccable alignement, les bottes au cordeau, tant cirées quà la parade ça faisait arc-en-ciel ! La gouape à la bigornette : verboten… au gnouf leffronté. Lui, le résistant, Remagen, les passages, Rhin, Danube, était toujours à la petite pensée pour le « grand artiste de lordre », Monsieur le Chancelier trop tôt disparu ! Sarkozy à côté ? un anarchiste, on vous dit…
Lagitation guerrière qui saisit régulièrement lélecteur, depuis que la patrie nest plus en danger, salimente des guerres des autres. Le canon sur Bagdad, les fusées en ultraviolet sur lécran du Pentagone, le Laos, la Corée du Nord… les états voyous comme dit Billy the Kid doubleyou qui nen est pas à une suspicion près. Condoleeza Rice compte sur les Robins des Bois: Saddam, Omar et ben Laden, pour mettre de lambiance dans la casbah.
Blair mobilise dans la forêt de Sherwood, histoire de pas perdre la main.
Et nous, les badauds du carrefour, on fait ce quon peut pour passer notre temps de paix qui nen finit plus…
On essaie bien par les journaux, ci, là, de rallumer la guerre intérieure, lenvahissement du pays par la flibuste des Carpates ; mais ça ne fait recette que chez les papys, les débiles mentaux et lextrême droite à Anvers, ça fait quand même du monde, vous me direz, surtout les débiles mentaux, mais ça vaudra jamais 14-39-18-45. Les mensurations idéales des deux plus belles ! On sent pas assez quon a la lame près du kiki. On na pas les miquettes quil faudrait. Et comme on semmerde… résultat : on bande plus !
Alors pour pas trop la trouver mauvaise, des fois quon en remettrait une couche à limproviste et quon serait pas prêt, nos glorieux se lancent dans lhumanitaire. Le décor y est, armes, bagages, gros avions, tenues de camouflage, ladieu des familles sur le tarmac… ah ! nos équipes de caméras sen donnent : gros plans sur les larmes des épouses, air crâne des partants… mais on sent que quelque chose manque, que nos combattants jouent pour du beurre… Du théâtre des armées, reste plus que le théâtre… médiocre et subventionné. Aussi terne que la pièce à la gloire de Simenon, dont la bétonnière tourne en ce moment à lArlequin.
Faudra bien se décider à en refaire une vraie, un de ces quatre, quand nos partis nauront plus la cote, quand le taux de suicides montera dun cran chez les jeunes, quand Arthur ne fera plus rire que les figurants de TF1, quand on se rendra compte quil faut pas forcer la nature de lhomme et que pour choisir la paix, il faut au moins quon sache ce que cest que la guerre. Ah ! nom de dieu, quand on pense au déficit des tailleurs de pierres commémoratives, on va pas laisser crever lartisan, tout de même !
Il ny aura bientôt plus de commémos, plus danciens combattants, plus rien que des souvenirs. Qui cest qui tiendra le drapeau dans quelques temps à lheure de la Brabançonne à la fête nationale ?