La fin des idéologies
Quand on fera le bilan du siècle précédant, on sapercevra que la fin des idéologies coïncide avec ses dernières années.
Certes, des philosophes comme Lévy, Finkielkraut ou Glucksman sen réjouiront ; mais, la plupart des observateurs, sils ont détesté les régimes totalitaires, nen ont pas moins été sensibles au bouillonnement didées.
La fin des mythes, sans doute, mais aussi la fin des illusions.
Aujourdhui le capitalisme qui tient seul la route ne porte pas de morale en lui. Il nest quà voir la façon dont il se développe, malgré un air apparent dordre mondial, combien il est anarchique, soumis aux impondérables et aux multiples transformations selon ses luttes internes.
Ce qui fait craindre le pire – Cancun nous en a donné limage – cest le dévoiement des mots lorsquon évoque ce système déchange et de profit. Lordre mondial signifie désordre, logique des marchés signifie emprise des monnaies fortes sur les autres, liberté dentreprendre et libéralisme signifient enfermement des pauvres dans des ghettos de productions et épanouissement des gens de pouvoir, etc.
Ce qui est grave, ce nest pas ce constat. Ce qui est grave, cest labsence despérance. Cest-à-dire, croire en un monde meilleur possible par lexposition du capitalisme à la critique des philosophes et à la naissance des utopies, comme au début du siècle précédent.
Tout ce passe comme si le système actuel qui accable les deux tiers de la planète sous un joug sans précédent devrait être là pour mille ans !
Quelle erreur de penser cela, quand on a vu la chute du communisme sur moins de cinq ans ! Quand le capitalisme évolue si vite que si la génération des années cinquante revenait parmi nous, personne ne le reconnaîtrait.
Cette dimension critique qui fait terriblement défaut à lheure actuelle provient de ce que les sources de cette critique ont été taries délibérément par lappropriation des moyens de culture et dinformation par des personnels sans état dâme parce que vivant de façon bien meilleure que la plupart des gens, exactement de la même manière que des forces de police au service dun tyran.
On a vu aussi comme le capitalisme sait diaboliser ses ennemis. LIslam en fait lexpérience.
Il nest peut-être pas trop éloigné le jour où ce carcan volera en éclat.
Cela arrivera quand les partis politiques européens qui complètent et harmonisent les tissages du capitalisme et qui concourent par leur collaboration à faire supporter les fautes de « lordre mondial » ne seront plus suivis par leurs électeurs.
Ce sera lheure de vérité.
Souvent dans la foule aux grands moments de lhistoire, des inconnus surgissent de nulle part et accomplissent ce que les batteurs destrade ne sont plus capables de réaliser.
Ces hommes providentiels ne le sont malheureusement pas tous et souvent on passe dune dictature à lautre. Mais lEmpire craque de partout, les failles du système sont mises au jour et les masses sy précipitent. La vie renaît. Il semble aux gens quils redeviennent maîtres de leur destin.
Cest alors, dans ces moments enivrants que le riche descend de son piédestal et se mêle à la foule,
Aimable, souriant, prêt à toutes les concessions pourvu quon ne prélevât pas trop de sa substance.
Souvent, il partage afin de pouvoir conserver une partie de ses richesses.
Bien sûr, la difficulté saccroît lorsque les capitalistes se solidarisent de pays à pays. Sous cet angle, la construction européenne nest pas une bonne chose, en ce sens que des pays conservateurs interviendraient militairement pour tirer les révolutionnaires en arrière et les jeter dans les prisons. Sous le prétexte dune construction européenne, nous assistons à lorganisation dune défense du capitalisme et à rien dautre.
Autrement dit, il ne faut pas croire à de petits effondrements mais au basculement de tout un bloc.
Cest une éventualité qui nest encore quune utopie.
Ma génération ne verra pas ce nouveau bouillonnement de la pensée.
Il y a fort à parier que ceux qui naissent en 2003 le verront.
Quils ne ratent surtout pas le tournant.
Quils ne remettent pas en selle ce que la majorité de la population mondiale naccepte pas.
A bout de souffle le capitalisme est capable du pire si la conjonction des monstrueuses fortunes édifiées au siècle dernier seffectuent.
Beaucoup dentre les plus pauvres nattendent quun maître qui les nourrisse pour passer à son service et devenir ainsi des esclaves à vie.
Méfions-nous des milices du libéralisme.
Les gens de droite ont toujours eu en eux linstinct de meurtre, tout comme un film de série noire : Touchez pas au grisbi !
Ils sont comme cet empereur romain qui eût dit-on lenvie de couper toutes les têtes de ses opposants dun coup.
Eux, cest pareil, sauf quils ont les moyens de le faire.