La méthode Chalamov.
Les journaux occidentaux exhument de temps à autre des écrivains russes qui ont souffert de loppression stalinienne. Aucune traduction en français ne nous les fit connaître au moment de la première publication. Cest le cas aujourdhui de Varlam Chalamov.
On aura assez décrit les goulags, les exécutions sommaires et toutes les horreurs dun arbitraire, dautant meurtrier quil se commettait au nom du peuple, pour ne pas parler de lœuvre de Chalamov en elle-même, remarquable en tous points, précise comme une leçon danatomie ; mais, pour lui préférer un parallèle entre les écrivains russes sous le régime communiste et les écrivains occidentaux daujourdhui.
Chalamov, pestiféré à Moscou, réussit néanmoins à publier clandestinement. Ses écrits lui échappant, cest hors de son contrôle que circula son travail qui parvint à Londres en 1978. En pleine guerre froide, cétait du pain bénit pour la propagande occidentale. Peu importe si, ce faisant, on plaçait Chalamov dans le collimateur des successeurs de Staline. En effet, son œuvre nest pas traduite en Anglais, mais en russe et est destinée à repasser le rideau de fer, aux fins de propagande. Le pauvre en mourra quatre ans plus tard dans un hôpital psychiatrique, une forme pernicieuse du goulag. Cette complicité dassassinat des éditeurs londoniens a bien failli réussir aussi pour Pasternak et Soljenitsyne qui ont été à deux doigts dêtre fusillés, avant dêtre expulsés.
Ce sont les mêmes charognards, avec les mêmes principes, qui décident toujours des publications en Angleterre comme en France. Comme il ny a plus de rivalité entre deux systèmes et que la boutique a définitivement – tout au moins en Occident – triomphé des systèmes totalitaires,
cest donc au nom de la rentabilité que sont choisis les écrivains qui « méritent » la publication.
Inutile de souligner que parmi les publiés se comptent pour la moitié, des personnages de la jet set, des médias et des stars de toute nature qui nont apparemment aucun don pour lécriture et dont le seul avantage est dêtre connus ailleurs que dans les bouquineries, comme en URSS où tout laudateur du système se voyait honoré et doffice intégré dans la Société des Auteurs.
Ce lamentable inventaire du talent, à une époque si gourmande en déclarations sur les perspectives de lart, ne peut se faire quavec la complicité des pouvoirs publics, rideau de fer ou pas.
Combien de concours bidonnés, de choix discriminatoires et enfin daides substantielles à des gredins des lettres ne commet-on pas ?
Les pouvoirs publics servent ainsi servilement la soupe à tous les comptoirs avec largent du contribuable.
Naurait-on pas pu à Liège, pour évoquer un cas précis, faire autre chose avec largent dépensé pour lannée Simenon que servir à multiplier les ventes de Gallimard ?
Parfois, pour des raisons obscures, de hasard ou de machiavélisme, une œuvre majeure échappe à la vigilance des comités de lecture et est publiée, souvent sans que léditeur y croie vraiment. Et si au fil du temps, cette œuvre prend de lampleur, on voit le même éditeur jurer partout quil lavait pressenti !
Cest presque uniquement aux « bourdes » des marchands et de nos esthètes officiels que nous devons nos principaux chefs-dœuvre aujourdhui.
Nos fonctionnaires de mèche avec les éditeurs nont pas besoin de la méthode Chalamov. Ici inutile de mettre les gêneurs au cabanon. Il y a un meilleur moyen de les faire taire : les ignorer !