A gauche, toute !...
Semaine difficile pour la gauche « libérale » cette semaine en France.
Si jen parle dans notre belgitude, cest que la pierre lancée depuis Paris finira par frapper, dans un dernier ricochet, la toile de notre lac si tranquille.
Cest un petit événement : la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) dans son congrès du 2 novembre appelle à un parti anticapitaliste. Vous me direz ce nest pas nouveau. Eh bien ! détrompez-vous. Cela lest !
Un protocole daccord a été signé avec Force ouvrière, le parti dArlette Laguiller sur la formation dun parti anticapitaliste et pluraliste. Son originalité cest que toutes les références à la dictature du prolétariat sont abandonnées. Une page est tournée sur une orthodoxie léniniste qui nétait pas toujours bien vue des électeurs.
Un projet autogestionnaire de cette nouvelle coalition de gauche pourrait voir le jour et constituer une plateforme de réformes dont il serait le centre.
Il me souvient avoir collaboré à une certaine époque au CNRS, sous la direction de Serge Jonas, à une revue qui sappelait « Autogestion et socialisme » à laquelle participait des membres du PS, mais aussi des centristes. Ce nétait pas que je sache une honte que de chercher des solutions au système capitaliste dont on voit bien aujourdhui quil a franchi un seuil.
On se rappelle que la FGTB liégeoise sous limpulsion de Renard et de Yerna avait déjà essayé dentraîner le PS dans cette réplique au libéralisme dur. Il y eut notamment des études et des articles fort bien documentés dans le magazine de la Fondation Renard sous la direction de Maryse Ockers.
Des contestataires à la ligne participationniste du PS sétaient manifestés, en vain. Des sanctions avaient été prises à leur encontre. Le droit de tendance dont parlait Jacques Yerna peu avant sa mort avait été bâillonné.
On sait ce quil en est advenu et comme les espoirs ont été éteints par des collaborations de plus en plus étroites et évidentes du PS avec les libéraux, à partir des présidents Cools et Spiteals.
Largument souvent entendu de la bouche de Monsieur Di Rupo est la nécessité pour la gauche de coller au pouvoir de décision afin de faire le moins de dégâts possibles dans les rangs des travailleurs, datténuer en quelques sortes les effets dune concentration capitaliste dans le cadre de lOMC par une présence active.
Cette politique na donné aucun résultat.
Le chômage, la pression sur les salaires, les décentralisations industrielles vers des pays lointains en développement et la suite dune mauvaise conjoncture, sans parler de linflation rampante qui serait de 9 %, sont les effets cruels de la réalité.
En plus, il a fallu que le PS avale la couleuvre du bouclage des frontières aux étrangers et cautionne une participation à lEurope des patrons, avant celle des gens ; quil se colle frileusement aux aboyants désirs dune plus grande sécurité sans que lon sache si cest celle des gens ou des capitaux.
Voilà que le parti de Besancenot et celui de Laguiller appellent à eux les militants déçus des PS, PCF et Vert, trompés par la politique droitière de Jospin reconduite par François Hollande.
Bien sûr la Belgique nest pas la France; mais vous croyez que cette relance de la gauche va rester sans suite chez nous ?
Il y a au moins une raison que lon en parle.
Et cest le dernier et austère rapport sur lemploi qui la fournit.
Tout ce que le pouvoir gauche-droite nous dit à longueur dannées sur limmigration, est faux !
Toute la politique de répression sur les clandestins et les étrangers sans-papier est plus quun crime, cest une faute !
Et le PS y participe depuis plus de dix ans !
Nous cherchons un remède contre le vieillissement de la population et layant sous les yeux nous ne le voyons pas.
La lumière vient de lOCDE sous la plume de Jean-Pierre Garson qui réclame la réouverture des frontières aux qualifiés et aux autres travailleurs étrangers qui veulent se trousser les manches et aider à notre économie.
Je peux témoigner dun cas où limbécillité de lAdministration atteint des sommets. Cest celui dune jeune russe, professeur duniversité, docteur es lettres et qui doit se battre tous les jours en Belgique pour avoir seulement le droit de travailler !
Selon Garson : « les pays riches ont un double discours. Ils réclament à la fois plus de main-dœuvre qualifiée, tout en faisant limpasse sur les non-qualifiés. A cela sajoute un manque de clairvoyance patent sur la volatilité des migrants les mieux formés et sur la façon de les retenir. »
Que lon se rappelle les Polonais davant la guerre de 40 et les Italiens en 45.
Nont-ils pas contribué à notre redressement et à notre richesse nationale ?
Ne se sont-ils pas remarquablement intégrés ?
Nest-ce pas un bienfait vite rendu daccueillir un étranger que nous navons pas formé et qui souhaite travailler en Belgique, cest-à-dire faire profiter nos compatriotes de son savoir ?
Cette faute grossière du bouclage des frontières de la droite est entrée dans les esprits à force de battage médiatique. Le plus clair du racisme chez les Belges provient de cet acharnement à nous faire croire que tous les clandestins ne sont ici que pour profiter de notre système social. Au lieu de montrer les avantages dune politique dimmigration intelligente, la coalition droite-gauche a doté pendant vingt ans la gendarmerie de coussins Samira afin de tuer ceux et celles qui éventuellement résisteraient aux expulsions.
Et le PS a prêté la main à cette ignominie et continue à la prêter !
Qui ne voit que demain, les sourires de Laurette, la mine enjouée dElio et le rictus de Happart ne seront plus suffisants pour convaincre que la politique quils mènent est la bonne.
Quils se méfient de leffet Besancenot.
A cet égard, les élections régionales en France pourraient être un test.
Chez nos voisins, les derniers sondages donnent 20 % de lélectorat de gauche à rallier la LCR-LO.
Si cela se confirmait, un retour aux affaires du PS ne pourrait se faire quavec une participation de lextrême gauche. Autrement dit, cela laisserait la droite dans lembarras et dans lobligation de diriger seule le pays. Alors, ne courrait-elle pas un formidable danger sans sa caution socialiste ?
Cest le même problème en Belgique.
La droite ne saurait gouverner sans le PS.
Combien de temps la comédie va-t-elle durer ?