Les nouveaux pornographes.
A la multitude des écrivains occasionnels ou professionnels, journalistes ou simplement diaristes par passe-temps, quelques questions…
Pourquoi, lobservation écrite ne conduit-elle presque jamais à la description de la condition sociale des gens ?
Autrement dit, cet environnement de jouissance rapide et de haute consommation produit des détresses humaines en pagaille. Pourquoi ne parle-t-on que des formes bénignes des rapports entre les personnes ? Pourquoi nous montre-t-on rarement des drames sociaux, des fins de vie dans le besoin, des rapports tendus dans des hiérarchies, des vices aussi, comme si toucher la réalité était indigne du reporter, comme si la mission de certains nétaient que de rassurer en voyant du bonheur là où il ny en a guère, des responsables épanouis, des économistes sûrs deux-mêmes et des politiciens souriants ?
On croirait presque à la collusion générale, alors quelle nest effective que pour certains !
Jessaie de mettre en scène depuis toujours des gens ordinaires, dont certains vous sont familiers, dautres aussi, extravagants.
Il y a des salauds et des amoraux, comment les décrire si ce nest en montrant leurs vices et leur part dombre pour essayer de les comprendre ? Bien sûr, il serait plus simple de les ignorer, confortant ainsi un monde « royaume de Saint-Nicolas ».
Mais serait-ce faire une œuvre de lucidité, que lon soit journaliste ou écrivain ?
Pourquoi ny a-t-il presque jamais dans les gazettes la relation dun licenciement dans ce quil a dinsupportable au niveau de la famille et du milieu du licencié ? Quon ne vienne pas me dire que lemployeur ne connaisse pas la façon dont vivent ceux quil emploie. Ils sont parfaitement au courant, même ceux qui règlent le sort de milliers de gens depuis le bord de leur piscine et quon ne voit jamais ; comme les personnels politiques nignore pas la façon dont vivent les gens avec moins de 500 euros par mois.
Alors comment peuvent-ils pérorer dans les salons, convoquer la presse, plaisanter sur lavenir, faire des projets ? Tant et si bien que celle-ci sen retourne à laise répandre la bonne nouvelle dans les magazines !
Sinon parce que ce quils font ne leur saute aux yeux quà travers des chiffres et des rendements. Et la mécanique de désinformation se transmet de celui qui la commet à celui qui la relate.
Ces omissions scandaleuses ne sont pas seulement du domaine des affaires. Cest pareil du côté politique dont sont issus et dont procèdent la plupart des intellectuels dans le cadre dune Belgique championne dans le clientélisme et dans la promotion canapé. Et cette mauvaise relation dune situation, des journalistes la commettent tous les jours, jusquaux plus petites chroniques qui deviennent des féeries pour grands naïfs. Cest parfois involontaire, mais de petits services en petites compromissions, chacun finit par avoir ses têtes, ses tabous, ses limites et ses sujets « délicats ».
Alors tant quà faire, plutôt que payer, autant lire un toute boîte qui dans la même prose vous met sous le nez le même brouet, mais gratuit.
Un exemple immédiat. Une nouvelle édition sur le net de la vie liégeoise vient de voir le jour « Le Liégeois Optimiste ». Bon. Tant mieux. Voilà, pensai-je loccasion de lire des avis de « journalistes » sur Liège et consort. Je lis larticle sur larchéoforum Saint-Lambert : que démerveillements !... Une critique où tout baigne du premier coup !
Alors, je me dis, ce nest pas la peine décrire comme sur les prospectus. Si cest cela le journalisme à la liégeoise, merci avec La Meuse, on est servi !
Alors, traiter des types de mon espèce de vicieux, de pornographes ou de gauchistes parce quils mettent en scène des salingues et des pourris et quils ne sont pas des assidus de la messe à lopinion rassise, que leurs idées ne traînent pas sur les tables de rédaction, mais mesdames et messieurs, cela devient un compliment !
Un exemple du passé (pour ne pas faire du tort à qui serait déclaré vertueux dans la fange du présent) dun littérateur assimilé à ses personnages et méprisé par les ignares et les « assis » du système : Choderlos de Laclos, auteur des Liaisons dangereuses dont on a donné avec Deneuve une version chou à la crème il ny a guère dans un film qui se voulait sulfureux et qui nétait que ridicule.
Militaire en temps de paix, Choderlos fin observateur se complut à imaginer sur le canevas des mœurs dune ville de province, quil ne connaissait que trop bien, les aventures galantes dun couple infernal, infiniment plus gratinées que mon blog « les monologues du vaginofaunes », dune noirceur extrême comme notre société en produit.
Il fut confondu avec ses personnages.
Jean-Paul Bertaud vient de sortir chez Fayard « une vie de Choderlos de Laclos ».
Messieurs les bien-pensants, une fois de plus vous avez eu tort. Et cest bien de cette façon que lhypocrisie se fait surprendre.
Choderlos fut un soldat idéaliste et lamoureux dune seule femme.
Ainsi, on peut vivre au contact des démons et rester digne et ferme.
Cet homme se construisit en-dehors de son œuvre et sétablit dans une morale que peu de ses détracteurs possédaient en propre.
Marie-Solange Duperré fut la femme de toute la vie de Choderlos. Ils échangèrent des lettres qui nont rien à voir avec celles de Madame de Merteuil.
Lapologie quil fit de lamour unique doit nous faire ressouvenir de ce soldat amoureux.
« Cest par lesprit quon brille, écrit-il, mais cest par le sentiment quon aime et quon est aimé ; lun ne procure quun peu de vaine gloire, lautre nous rend susceptible du seul véritable bonheur dans ce court trajet quon nomme la vie : quelle que soit sa durée, on na vécu que par les affections quon a inspirées ou ressenties ».
Alors, vraiment, messieurs les écrivains, les journalistes, les diaristes, maintenant je sais qui sont les pornographes. Je sais où est la vulgarité. Elle est dans ce que vous êtes et dans ce que vous écrivez.
Peut-être que dans le silence des rédactions lorsque tout est bouclé et que plus rien ne se passe, songe-t-on parfois à ce quécrivit jadis Biancietti : « Tout ce que nous écrivons est inutile, surtout si cest la vérité. Le monde va devenir chaque jour plus bête, plus laid, plus dur… Aussi aurons-nous plus que jamais besoin de nous masquer. Lavenir est à la clandestinité. »