Conte de Noël.
Chacun a sa période de déprime. Quand viennent les fêtes de fin dannée, jai la mienne.
Nom de Dieu, que décembre est sinistre !…
De ces bilans désastreux, au milieu des paillettes et du champagne !...
Ceux qui ont moins envie encore de se divertir, ne le font que parce quon trouve quils sont formidables. Les patrons de chaînes les dorent aux pèpettes faciles pour les récompenser de nous faire devenir cons.
La Belgique regorge de pauvres. Les assistés sont un paquet, avec les besogneux, les gagne-petit, les pensionnés à moins de mille euros le mois… la moitié de la population.
Mais quest-ce quon en a à foutre des statistiques… des ” quon est bien « cheu » nous“ !
Les graillons de la dinde autour de la gueule, sur le pas de porte du ministère de lEconomie et des Finances un porte-parole presque nous convainc : inflation 2 %.
On nous prend pour des imbéciles ! Ça carbure au moins à du 10 !
Le mois passé, des clowns supprimaient en pensée la petite monnaie, question davoir la poche plus légère ! Ceux qui bouffent pas tous les jours disaient : « Cest lourd, la mitraille… ». Merde… comment sen aller jeter un derrière la cravate si la soucoupe nest plus pleine de pièces de deux, de cinq, de dix ?
Si on les retenait pas, les commerçants arrondiraient à leuro supérieur…
On nous montre quoi dans les actus ? Les nichons siliconés du Crazy Horse et les « pousse aux crimes » qui sengouffrent profond sous les guichets des banques couper allègrement dans les emprunts. Du 4 ½, ça vaut plus la peine. On en a encore à 10 ½ du grand-père !…
Le populo a tellement bon cœur, quil voudrait aider les riches…Un Téléthon pour lavenue Louise !... Un nouveau resto du cœur pour nos paumés de Knock !
En dessous dun million deuros, tes quune merde… I doit bien sen trouver quelques-uns dans les allées du Bois de la Cambre, drève des Enfoirés qui font tout juste la brique…
La fiente que cest décembre. Les égarés dailleurs déversent leurs malheurs dans nos ruelles, partagent nos punaises, se farcissent nos poux… même que la droite nous dit que cest à cause deux quon est dans la merde, comme si ces fadés ny étaient pour rien. !
Comment, i peuvent nous représenter les pépères élus? Représenter de quoi ? Du prix du pain ? De la facture du gaz ? Mais, ils sen foutent de nos malheurs. Jamais, i se sont intéressés à nous…
Ah ! les fumiers…
Gaston dAvroy dEurocour en était là de ses méditations lorsque la Rolls du cousin Eugène le déposa devant sa résidence sur les hauteurs de Liège.
Le rêve rémanent le prenait chaque année au mois de décembre. Cétait son obole annuelle aux pauvres quils visitaient seulement par la pensée ce mois-là.
Avant la messe de minuit, chaque année, il confessait son tourment au Père Fide, son confesseur à Sainte-Véronique.
- Voyez-vous, Monsieur dAvroy dEurocour, répondait le brave prêtre, Dieu, notre bon père, nous a placé à la place que nous méritons. Croyez-vous que si les rôles étaient inversés, les pauvres dans la Rolls de leur cousin Eugène sur le chemin de leur résidence vous accorderaient un regard, car forcément, eux riches, vous seriez devenus pauvre ?
Se pouvait-il que la situation inversée, il ne trouverait personne pour le plaindre le jour de Noël ?
Mais alors les onze mois de lannée quil passait dans lindifférence, le luxe et loisiveté étaient non seulement justifiés, mais nécessaires.
Il se promit quen 2005, on ne ly reprendrait plus. Il mettrait le douzième mois en conformité avec les onze autres.
Moralité
Dieu est un père qui fait grand cas de ses pommes et fort peu de ses enfants.
Cela a toujours bien arrangé les propriétaires des vergers.