Une vieille dame qui rajeunit.
Relater comme la pipelette au bas des escaliers, donner à lire et faire croire que lon sait, montrer enfin son opinion quand personne ne la demande, voilà ce qui a donné au commencement le goût aux émules de Théophraste Renaudot de poursuivre lœuvre de ce médecin de Louis XIV qui en 1631 sortit la première Gazette.
Il ne savait pas le pauvre, ce quil faisait, comme nous la confié Balzac dans une de ses œuvres.
Depuis la chose sest développée. On sest rendu compte des services quelle pouvait rendre à lordre établi, aux puissants et aux révolutionnaires, bref à tout le monde.
Aujourdhui, ne peut plus sexprimer qui veut. Le lancement et la fabrication dun journal coûtent si cher que les sources de financement dune pareille entreprise proviennent exclusivement des milieux financiers.
On voit comme le citoyen qui se veut libre de lire et décrire ne lest pas, limité par son compte en banque.
Cest Bartholo, scène IV, acte I du Barbier de Séville qui frappe les trois coups du premier paradoxe du journaliste et qui est la mauvaise foi.
« Quand une chose est vraie ! Si je ne veux pas quelle soit vraie, je prétends bien quelle ne soit pas vraie. Il ny aurait quà permettre à tous ces faquins-là davoir raison, vous verriez bientôt ce que deviendrait lautorité. »
Cest 1789 qui inscrivit la liberté de la presse dans la Déclaration des Droits de lHomme. Le Marquis de Mirabeau commis pour loccasion un retentissant discours. Ce fut un de ces derniers. Poursuivi par léchafaud, il eut le bon esprit de décéder juste à temps pour inaugurer le Panthéon, à toutes les Gloires de la France !
Larticle XI de la Déclaration est particulièrement éloquent dans ses débuts : « …la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de lhomme… » la suite permet en réalité dagir en sens contraire : « …sauf à répondre de labus de cette liberté dans les cas prévus par la loi. » Or quaime un législateur : légiférer ! Si aujourdhui nous avons toujours cinq lignes à larticle XI, nous avons cinq pages pour désigner les abus dans lesquels le « mauvais » journaliste va tomber, sous-entendant par là que le « bon » va être tellement prudent et précautionneux que ce nest plus la peine dacheter son journal, autant en référer immédiatement à lavis du « Moniteur ».
Sans la liberté de blâmer, il ny a pas déloge flatteur, nest-ce pas !
Cest encore Beaumarchais qui refermera cette période de rodage.
« …il sest établi dans Madrid un système de liberté…qui sétend à celle de la presse ; et que, pourvu que je ne parle dans mes écrits ni de lautorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de lopéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous linspection de deux ou trois censeurs ».
Cest une déclaration de principe qui pourrait saccrocher aux cimaises de toutes les maisons de la presse, sauf quil ny a plus besoin de censeurs de nos jours – réduction demplois oblige – aussi chacun est son propre censeur. Jen connais qui sont franchement sévères avec eux-mêmes !
1835, nous entrons déjà dans une organisation qui tiendra le coup jusquà nos jours et qui est lAgence Havas. Proche de tous les pouvoirs pourvu quil fût en place, Havas va traverser toutes les tempêtes le profil bas et lâme sereine. Subventionnée par lEtat, ayant le monopole du télégraphe, Havas va pourvoir en nouvelles et événements 5 à 6 générations de journalistes.
Cest Pétain qui mettra fin à ce riche parcours.
En 1944 reprenant des mains infâmes lagence, ce sera France-Presse, au statut, paraît-il, indépendant.
Depuis 1835, pendant 100 années la technique précéda le texte.
Ce sera lépoque des feuilletonistes et peut être un âge dor qui ne reviendra plus.
Emile de Girardin accède à la célébrité au même titre que Renaudot. Cest une première tentative dune presse populaire, dame… linstruction publique obligatoire y est pour beaucoup.
Cest Balzac, le feuilletoniste le plus célèbre du temps, qui fermera la marche : « Autrefois, les sophistes parlaient à un petit nombre dhommes, aujourdhui, la presse périodique leur permet dégarer toute une nation ».
1839, le daguerréotype et 1846, la rotative. Avec Niepce le dessin va simprimer et Hoe de New York, va passer de la presse à plat à la presse à cylindre, ce qui va augmenter considérablement la vitesse de tirage.
Cest sur le modèle du Petit Journal de 1863 que le Chevalier Dethier va lancer à Liège le journal La Meuse.
Le Petit Journal a découvert et mis au point tous les petits trucs du métier : journal bon marché (1 sou) de fabrication industrielle et produisant les petits potins et faits divers, il sera la référence des quasi illettrés et des immatures de la IIme République qui sentirent le besoin que lon pensât pour eux ; mais aussi un apprentissage pour la gauche qui commence à sexprimer. Elle pourra y puiser son indignation. Les composantes nont guère changé depuis.
Grâce aux perfectionnements de Marinoni dans les systèmes dimpression en 1890, il sortira des presses en France 1 million de journaux par jour !
Passons sur les mésaventures sous Napoléon le Petit de la presse en butte aux censeurs. La IIIme République rendra les rênes à la liberté, mais toujours avec les restrictions que cette liberté nentrave pas celle des autres.
Le magazine date de 1923. C‘est « Times » aux USA. Linformation est traitée avec limage. Cest le premier pas vers le tout à limage, les textes nétant plus que des légendes dans certains magazines de 2003.
1995 voit enfin le règne dInternet. Celui-ci prendra un essor inimaginable sur moins de 10 ans.
Les principaux journaux se lisent en ligne, certains gratuitement, dautres par abonnement comme au bon vieux temps de la feuille de chou. Les vocations journalistiques rentrées séclatent et créent un courant diariste qui va du blog à linformation ciblée. Ce sont des tentatives dinformation conduites par quelques personnes, parfois une seule, qui démontrent quavec ou sans talent, écrire a toujours suscité des vocations irrésistibles.
Force est de constater que dans cette presse parallèle en ligne rares sont ceux qui font autre chose quinformer. On aurait aimé compte tenu de la légèreté des supports et du moindre coût, quil y eût plus de talents parallèles à celui dinformer. Il y a de la place pour des dessinateurs humoristiques, des nouvellistes, des juristes, des critiques, etc. Cest étonnant que ce nouveau support nait pas produit encore une vision nouvelle ou en tout cas originale de la communication.
Lémancipation des anciens schémas journalistiques préoccupent les pionniers de cette toute dernière manière de communiquer.
Nous ne sommes quau début. Tout reste à faire.
Cet article ne serait pas complet si je navais demandé à un journaliste professionnel ce quil pense de ce bref tour dhorizon.
Selon lui, cela pourrait donner à penser que la presse est faite par des magouilleurs et des affabulateurs malhonnêtes. Les citations historiques sont en effet de nature à troubler le jugement.
Là na pas été le propos.
Sil y a des gens peu honnêtes dans le métier, cest dans la proportion à lidentique comme dans toutes les autres corporations. Pour le reste, il sagit dhommes et de femmes faisant honnêtement un métier utile et passionnant.
Si la presse « papier » a tendance à se tasser aujourdhui, ny voyez là quun concours de circonstances : lavancée du NET, les journaux télévisés, lhabitude de la lecture en net recul, tous ces éléments en sont en partie responsables.
Bien sûr tout qui exerce une profession « publique » sexpose à la censure, à la critique et au dénigrement. Ce sont des inconvénients acceptés.
En conclusion, encore à lheure présente, ce métier difficile est indispensable à une saine démocratie. Cest un baromètre de la liberté dexpression incontournable.
Nous ne pouvons que regretter labsence dintérêt actuel.
La rapidité dexécution et limpression de la photographie ont précédé de peu des modifications de mise en page et de contenus.
Nous ne savons pas ce que les progrès de lélectronique nous réservent.
Peut-être la presse va-t-elle rebondir grâce à de nouvelles découvertes qui diminueraient les coûts en rotatives, en papier et en encre.
Cest aussi le vœu de ceux qui pensent quune démocratie de qualité, cest une démocratie où les journaux de toutes les tendance et de toutes les techniques prospèrent.
Commentaires
c est un sataniste ce emile !!!!
Postée le: mouai..... | juillet 21, 2009 03:56 AM
pourquoi tu dit ça ?
Postée le: ERIC | janvier 29, 2010 02:30 AM