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Le procès... Kafka ? Non... Dutroux !

Dans quelques jours commencera le procès Dutroux.
C’est faire beaucoup d’honneur à ce repoussant criminel que de lui avoir permis une vie carcérale privilégiée, lui octroyant ipso facto des moyens que beaucoup de détenus en préventive n’ont pas, à commencer par celui d’avoir une cellule à lui seul.
Parmi les suivants, retenons la valse des avocats et la diffusion de leurs moindres déclarations.
On a même prévu lors du procès une équipe médicale, dans l’alternative où Dutroux aurait des vapeurs.
Un coin spécial de la prison d’Arlon sera réservé à Michelle Martin, sa pudeur ne pouvant souffrir une cohabitation autrement que lointaine avec les prisonniers mâles du coin.
Ne trouvant pas un grand couturier, les accusés ne seront pas cagoulés dans leur transfert vraisemblablement en Mercedes.
Un coordinateur de la police fédérale a été chargé de régler les mouvements de cet intéressant casting comme un régisseur de théâtre le ferait pour Casse-Noisette.
La Ministre de la Justice, Laurette Onkelinx, vient de mettre un comble à cette publicité douteuse en donnant les chiffres de ce que ce procès coûterait aux citoyens. En incluant la rénovation des locaux de la justice d’Arlon, nous en avons pour 4,66 millions d’euros !
A l’heure où nos polices crient misère, où des locaux de justice sont partout dans un état lamentable, où des milliers de dossiers sont en attente, faire briller les cuivres dans un bâtiment neuf paraissait au-dessus de nos moyens. Pourtant, c’est ce qu’on a décidé pour nous.
Les 1.340 journalistes attendus et l’effet que ce procès aura partout dans le monde ont touché la suffisance et l’amour propre de ce gouvernement au point qu’il espère que la bonne image du déroulement de l’événement retombera en pluie bénéfique sur lui.
Madame Onkelinx a bien entendu déclaré que ce procès n’était ni un cirque, ni un show, alors qu’elle en assurait le levé de rideau. La vedette américaine était cet après-midi-là en pantalon de soie, style « gars de la marine », large écharpe rose fuchsia, manucurée et coiffée par un artiste capillaire ne travaillant que sur devis.
Le clap était assuré par le personnel très tendance de la production. Les rushs étaient visionnés par le nouveau Fellini montois.
C’est extraordinaire jusqu’où va se nicher la prétention dans ce pays !
Se servir de ce violeur pour améliorer son glamour et son rayonnement in the world, on aura tout vu !
Mais, il aurait fallu ne pas dépenser un euro de plus que pour les autres procès d’Assises ! Astreindre Dutroux au régime général, aussi dur et infect soit-il. Le coller dans une tôle où son air avenant et sa moustache auraient été de nature à lui faire sentir le poids d’autres dangerosités que la sienne et combien il est difficile de protéger ses arrières dans un cul de basse fosse ordinaire, surtout à la douche collective où ramasser une savonnette met le criminel le plus endurci à rude épreuve.
Et cela n’aurait pas été d’une rigueur particulière, au contraire, Dutroux aurait été sur un strict pied d’égalité avec tout le monde, comme l’auraient souhaité les parents des victimes et comme ne semble pas l’avoir vu l’évanescente Laurette dans son rôle de Ministre de la justice, en concurrence avec Sandrine Bonnaire, médecin urgentiste, dans le feuilleton.
Enfin, un rapport exécrable à la lumière des événements, entre les matons et les détenus - non pas que le personnel soit de nature perverse, mais parce que le sort qui lui est imparti est aussi peu enviable que celui des détenus - aurait permis à l’opinion de toucher à la triste réalité des rapports humains en milieu carcéral.
Des dizaines de pays auraient été sensibilisés au problème des prisons en Belgique, une situation lamentable et qui empire d’année en année.
Nous n’aurons pas ces moments de vérité.

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Le show ravira les télés et les radios du monde entier. On se récriera partout qu’il fait bon vivre en Belgique, même en prison.
On se félicitera que le monstre soit si photogénique.
On ne lésinera pas sur les photos des parents des victimes.
Les deux survivantes de ce drame seront courtisées par l’ensemble de la presse internationale. Il leur sera proposé de l’argent pour des interviews exclusives que nos concitoyens réprouveront avec vigueur pour s’aller précipiter le lendemain sur les journaux spécialisés.
Et si ces jeunes filles le font, je ne pourrais pas leur donner tort. Tant qu’à faire, puisque leur histoire va faire le tour du monde de toute façon, elles auraient raison de se situer au même niveau que Mis Justice Laurette et passer au tiroir-caisse comme à peu près tout le monde dans le show, à l’exception des victimes.
Dutroux, lui-même, mégalomane et égocentrique, se prendra pour une star. Ses avocats se chargeront de lui procurer les journaux de la planète qui lui concéderont le titre de monstre le plus repoussant en exclusivité, ce qui flattera son amour propre ; tandis que dans la prison d’Arlon les trois ou quatre assassins patentés regretteront que leurs crimes n’aient pas été suffisamment horribles pour atteindre à la notoriété.
Un grand moment sera celui de l’audition de la mère de ce délinquant tout azimut. La pauvre femme sera traînée une dernière fois dans la boue par ce fils dénaturé. Les ménagères de plus de cinquante ans verseront quelques larmes devant leurs petits écrans par solidarité pour cette maman outragée.
Nihoul sera égal à lui-même, énigmatique et souriant, niant tout en bloc. Confit dans une graisse de chanoine et jouant de la béquille pour apitoyer l’assistance, il renouera avec la foule et en secret rédigera son journal de bord que lui réclameront des éditeurs.
L’autre complice, Lelièvre, dans son indifférence aux malheurs des honnêtes gens qu’il aura tués ou salis, sourira comme tout personnage qui sait y faire. Peut-être sera-t-il défendu par un Maître qui jouera sur son air buté et imbécile pour apitoyer le jury via sa débilité mentale.
L’accusation n’aura rien trouvé que l’on ne sache déjà. Les coins obscurs de l’enquête, les négligences et les oublis resteront en l’état. Les sommes coquettes sur les comptes du tueur d’enfants et ses multiples ordonnances de calmant et de neuroleptique resteront inexpliqués.
Les étrangers qui couvriront l’événement, n’y comprendront rien et écriront n’importe quoi.
Ainsi, Madame Laurette Onkelinx et les autres membres de ce gouvernement pourront à la fois réprouver cet engouement pour la crapule et, secrètement, s’en trouver médiatiquement satisfaits.
Si l’affaire se déroule bien, Dutroux condamné à perpétuité, on ira aux élections le bagage mince, mais cela passera inaperçu.
L’individu et ses complices commenceront à purger leur peine, avec l’espoir pour Martin – qui se sera posée en victime à son tour – de sortir fin de la décennie, en quête d’un nouveau suborneur, capable de lui redonner les sensations du Dracula des patinoires.
Son métier d’institutrice qu’elle ne pourrait plus exercer même au Gabon, sera avantageusement remplacé par un des nombreux petits boulots qu’on apprend en prison.
Quant à l’oscarisé du crime, l’Attila de la jeunesse, avec une bonne conduite et les remises de peine, il pourrait, à moins de soixante ans, se refaire une santé dans la petite délinquance en attendant de rentrer au musée Grévin entre Landru et Gaston Dominici ou tourner un remake du « silence des agneaux ».
Reste que nous porterons avec les ratages de la justice, le manque d’intelligence de la police, le lourd remord d’avoir mal rempli notre devoir de citoyen quand les Lejeune et les Russo remuaient ciel et terre, bien avant la marche blanche, qu’au lieu de compter les coups nous aurions dû les aider en commençant par botter le cul des Autorités traîneuses de savates, engoncées dans une insuffisance coupable. Peut-être que les deux petites seraient encore en vie…
Honte à nous.
In aqua scribere…

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