Le printemps est à gauche
Un air de renouveau dans le monde politique coïncide avec le printemps.
Quelques têtes longtemps détestées vont tomber ou sont tombées dans la sciure.
Pourtant cela avait très mal commencé avec lattentat de Madrid du 11 mars.
Je ne suis pas de ceux qui lient le drame à la déconfiture dAznar en sa qualité de porte-serviette de la Maison Blanche. Ce serait faire trop dhonneur aux assassins de les croire capables dinfluencer le choix des dirigeants dun pays démocratique.
Aznar a été battu aux élections parce quil a menti pour influencer lélectorat. Il est normal quil ait été sanctionné et aussi parce quil na pas tenu compte de lopinion des Espagnols majoritairement hostiles à son intervention en Irak.
Embellie du côté ibérique puisque le nouveau premier ministre Zapatero est socialiste. Les petites gens espèrent quil tiendra compte des difficultés de leur vie. Les autres, quil aura une politique prudente par rapport aux va-t-en-guerre américains. Les Européens, quil ralliera le camp de lEurope progressiste, laissant Blair quasiment seul à ses rêves atlantiques.
Deuxième rayon de soleil, en Belgique celui-là.
Les derniers sondages laissent apparaître un recul sensible des libéraux en Flandre et lamorce dune descente des mêmes en Wallonie.
Je veux y voir le résultat dune réflexion des Belges sur les dérives du système capitaliste. Certes, nous sommes loin dune radicalisation dans la refonte de léconomie ; celle-ci ne saurait saccomplir que grâce à une prise de conscience simultanée des autres pays de lUnion. Cest actuellement impensable ; mais, il y a là un scepticisme naissant qui adresse au credo libéral, un avertissement.
Le public constate que la gesticulation libérale, loin de conduire à une relance de léconomie et à une diminution du chômage, produit linverse. Affaire à suivre en juin, comme on dit.
Enfin, troisième éclaircie.
Elle vient davoir lieu en France où Raffarin essuie un échec retentissant aux élections régionales. Chirac a cru malin de placer un obscur godillot dans le fauteuil de Premier ministre en situation de fusible. Cela aurait joué si Raffarin avait été une pointure. Ce nest pas le cas. Voilà Chirac en première ligne et cest à lui quon impute léchec de la politique de Raffarin.
Ce vote sanction plonge les stratèges de lElysée dans une situation cornélienne à légard de Sarkozy. Le ministre de lIntérieur du gouvernement Raffarin, sera-t-il appelé à succéder au Premier Ministre actuel, sinon qui choisir ? Garder Raffarin, archi battu, archi usé est certes dans le domaine du possible, mais cest courir à une plus grande catastrophe encore aux élections européennes de juin. Sarkozy ne cache pas quil sera candidat à la Présidence de la République en 2007. Chirac aussi, on voit le dilemme.
A condition de calmer les appétits pour cette même présidence, cest du gâteau pour la gauche.

Redonner une chance à la gauche européenne ne signifie pas un regain destime pour les partis socialistes. Ce serait plutôt la manifestation dun ras-le-bol de lélectorat de plus en plus sceptique. Les socialistes européens nont pas tellement montré dévidentes qualités, quils soient dans lopposition ou dans la participation gouvernementale. Ce regain se ferait en raison de la tournure que prend la mondialisation de léconomie, avec les drames futurs que cela promet. Il apparaît que la gauche même collaborationniste soit la seule à ne pas sêtre trop compromise dans les méfaits des décentralisations intercontinentales entraînant des milliers de pertes demplois ; quelle soit la seule à imaginer des correctifs politiques aux déprédations économiques, et enfin, quelle soit la seule capable daccompagner le discours social, de réformes concrètes qui soulagent réellement la pauvreté.
En cela, la droite libérale, malgré ses propos enjôleurs, ne réussit plus comme avant à chloroformer lélecteur. Et je ne serais pas surpris que des électeurs votant traditionnellement à droite mais sensibles à la montée de la précarité appuient dorénavant une gauche moins engagée dans la nébuleuse économique de la mondialisation.
Il suffirait en Belgique, après les défections des opportunistes qui marchent à lodeur de la gamelle libérale, dune politique plus subtile de Joëlle Milquet pour redonner au CDh une impulsion comparable à celle de son homologue flamand. Un léger frémissement de ce côté et avec le progrès général du PS, cela nous vaudrait un retour de la droite dans lopposition doù elle naurait jamais dû sortir.