Allo ! Chérie... ton mari est absent ?
Cest fait ! On est reparti pour les écoutes téléphoniques.
Ça faisait longtemps. Non pas que les milieux judiciaires se soient jamais gênés, mais Madame Laurette qui tient la crèmerie de la Justice, en face de celle de lIntérieur, na pas pu sempêcher vu lurgence, pour contrer ces affreux bavards de terroristes, de fignoler une Loi qui serait la cerise sur nos cocognes de Pâques.
La justicière en chef est épaulée pour ce beau projet par Anne-Marie Lizin en personne qui se récrie « Pourquoi diable avoir peur ! » et dévoquer la Commission « vie privée » et le nébuleux Comité R commis à la surveillance de renseignement.
Nous nirons pas jusquà écrire que nous ny pouvons rien, mais que cest bien triste si ces dames nont plus de vie privée, cette carence ne concerne nullement les autres qui ne veulent pas quon sache dans les milieux assez portés à la gaudriole que sont les officines de police, qui couche avec qui ou si – selon Brassens – madame la Marquise ma fichu des morpions !
Quant à « piéger » les milieux terroristes en écoutant leurs vaticinations entrecoupées de mots codés dans des langues étrangères, je me demande bien qui dans nos fines équipes du guet est multilingue et capable dinterpréter la dangerosité de certains messages.
On a beau dire que ceux qui viennent dailleurs ne soupçonnent pas la finesse de notre Sûreté, tout de même, ils ne sont pas cons au point daller se répandre au téléphone en termes précis sur un attentat quils vont perpétrer au nom de Ben Laden !
Cest que chez nous, après avoir vécu la nébuleuse de la gendarmerie dans ses œuvres perverses avant laffaire Dutroux, on nen sait pas davantage sur la Sûreté.
Cest dautant plus dangereux pour le citoyen que lEtat-major de la gendarmerie a été dissous… dans des nouvelles fonctions au sein des nouvelles polices. Cest ainsi quon a vu au procès Dutroux un ex-haut gradé de nos dissous dhier traîner dans la salle daudience où sauditionnaient danciens gendarmes. On ne se refait pas en changeant de casquette !
Le public ne sait rien du fonctionnement de notre police secrète. Il faut faire confiance… Ben voyons… Comme dirait Anne-Marie, pourquoi avoir peur quand on na rien à se reprocher ? Mais, chère Hutoise, ce nest pas de nous que nous avons peur, cest deux, les écouteurs, les fouineurs… Et sil prenait la fantaisie à un de nos héros de mettre son épouse volage ou lamant de celle-ci sur écoute ou de se brancher sur un hosto pour connaître létat de nerfs dun voisin emmerdeur ?
Enfin, comme les écoutes doivent être protégées dindiscrétions ultérieures, elles font toujours parties dun dossier annexe inaccessible aux prévenus et à leurs avocats. Les renseignements quelles donnent unilatéralement aux magistrats instructeurs sont de nature à fausser lorganisation dune défense et même mieux daccabler un innocent sur des suppositions non vérifiables et contre lesquelles il ne peut se défendre.
La vibrionnante Laurette ferait mieux de sattaquer au contentieux des dossiers en souffrance, lestés des lourdeurs de lAppareil judiciaire et des pesanteurs administratives, sans oublier les droits des gens à ce quon leur foute la paix.
Dici aux élections européennes, elle aurait pu souffler un peu.
Peut-être même pourrait-on, à loccasion dun remaniement, la changer daffectation, créer pour elle un super ministère, avec des titres ronflants, des plaques en cuivre sur de belles façades classées dont elle peuplerait les vastitudes internes dun nombre impressionnant de hauts fonctionnaires ?
Une seule condition, surtout que ce super ministère ne serve à rien ! Exigence absolue !
Ainsi, nous aurions déminentissimes créatures en moins, qui nont jamais foutu que le bordel partout où ils ont posé leurs marocains en cuir de Cordoue, quitte à leur monter un circuit interne découte, afin quils puissent sespionner entre eux à longueur de journée, sentraîner, en quelque sorte, pour renforcer éventuellement la police.
Ils glisseraient dun pas feutré dune moquette de bureau à une autre, lair distant, préoccupé, supérieur, comme ils savent si bien nous en faire voir, lorsque par malheur nous sommes obligés de glander dans leurs salles dattente.
Tandis que leur cheffesse radieuse dans un ensemble pantalon printanier parlerait aux télévisions habituelles en roulant des yeux languissants vers les téléspectateurs, une écharpe de soie légèrement jetée sur lépaule gauche (signe dappartenance !) et avec cette tendre inflexion vers nous de tout lêtre, nous assurer de son sacrifice.
Nous la regarderions sébattre en pensant que le socialisme belge est très tendance cette année.
Après ces instants inoubliables, il ne nous resterait plus que lultime politesse de téléphoner directement à la Sûreté de lEtat pour leur signifier que tout va bien et que nous navons nullement lintention dagresser quiconque et quils peuvent raccrocher afin de rester dans des limites raisonnables de consommation.