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Le commissaire est bon enfant.

- Chier. On r’tourne à l’école avec Rancotte. D’où i’ sort cette tante ?
- Devine ? On croit qu’a fait des études d’avocat…
- De comédien à l’ancien Gymnase, tu veux dire ?
- Ta gueule le voilà.
Entre Monsieur le Commissaire Rancotte. Tous les inspecteurs se lèvent.
- Asseyez-vous. Messieurs. Je suis très mécontent de la dernière dictée. Beaucoup trop de fautes, quoique j’aie autorisé l’usage du Larousse de poche fourni dans l’équipement sur l’insistance de notre bourgmestre. Inspecteur Tapinois, police ne s’écrit pas avec deux « s », Moustachu, amende ne s’écrit pas avec un « t ». La police n’est pas le refuge des dysleptiques ou des dyslexiques ???... Seul Vopapié a été en dessous de la barre fixée à vingt fautes.
Aujourd’hui, Messieurs, séance d’initiation à la politesse. Les inspecteurs Crack, Dedans et Boizunver au tableau. Boizunver jouera l’interpellé. Voici vos rôles. Jouez la scénette pour vos camarades.
Crack :
Notre ennemi c’est notre maître.
Je vous le dis en bon français,
Rue haute Sauvenière
La nuit. Vos papiers s’il-vous-plaît !
Boizunver :
Voilà… fruit de ma veste. Quel démon favorable
Vous rend l’accueil si doux et l’humeur si traitable ?
Le libelle est fort beau, la demande pas sotte,
On y sent la main du commissaire Rancotte !
Dedans :
Le tact est notre fort. Les gros mots importuns
Sont d’un mauvais agent les fruits les plus communs.
Tard séant une femme a été violée.
Elle fit donc appel à la maréchaussée.
Depuis nous interpellons ceux des jeunes gens
Qui nous paraissent aptes à jouer les méchants.
Boizunver :
J’ignore ce qu’au fond votre zèle recèle,
Mais en me désignant votre choix m’interpelle.
Vos reproches me sont…
Crack :
……………………….Mes gardes affligés
Vont perdre leur patience autour de moi rangés.
Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée !
Qui ne sait qu’en ce lieu toute action criminelle
Peut très bien, par le ciel ! aller de vous à elle…
Boizunver :
On doit se regarder soi-même un peu longtemps
Avant de songer à condamner les gens.
Crack :
Que diable faisiez-vous en cette nuit tragique
A bien nous exhiber toute votre boutique ?
Dedans :
Etes-vous sous le joug d’une fine liqueur
Lentement envahi d’une ardente chaleur ?
Boizunver :
Laissez-moi, je vous prie encore assez d’espace
Pour que le malheureux qui sur ma tombe passe
Puisse y déposer ses deux genoux,
Sans que, comme à moi, vous lui serriez le cou !
Dedans :
Je lis sur tes papiers qu’en ce lieu tu dérives,
Que tu quittas jadis une lointaine rive.
En un mot il est dit que tu fus Maghrébin,
Bien avant que ton nom par nous devint chrétien !
Boizunver :
Mais quel fâcheux démon, pendant des nuits entières,
Assemble ici les chats de toutes les gouttières !
Et comme il suffirait qu’être né en ces lieux
Pour vous blanchir de tous les crimes odieux !
Crack :
Je sens, de veine en veine, une subtile flamme
Courir par tout mon corps à entendre ta voix.
Et dans les forts transports où s’égare mon âme
Je prends déjà plaisir à te montrer le bois
Avec lequel se chauffe…
Boizunver :
………………………. Et la question des us ?…
Que fais-tu de l’innocent aimant la vertu ?
Crack :
Il n’est pas d’innocent oh ! races importunes,
Qui peuplent d’assassins toutes les nuits sans lune.
Dedans :
D’un plomb qui suit l’œil et part avec l’éclair,
J’entreprends une guerre à tous les monte-en-l’air.
Boizunver :
Dans les convulsions dignes de Saint-Médard,
Vous me voyez vraiment jonglant avec mon dard ?
Tu me donnes des coups et je n’ai pas de casque…
Enfin, vos natures messieurs à mes yeux se démasquent.
Dedans :
Quand tu auras fini à lui porter des coups,
Chef, jette un œil par là et tu verras le loup
Qui rase la muraille au sortir de sa cache.
Tenant encore en main sa sacrée bardache.
Crack :
Pourquoi courir après quand je tiens celui-là ?
Laurent serre le bien qu’avec ta discipline
Il paie pour tous ceux que le ciel abomine,
Qu’il meure de nos coups ou qu’il n’en meure pas.
Boizunver :
Quelle est cette police à faire des ravages
Qui du sang d’étrangers fait un affreux carnage ?
Liégeois, souffririez-vous qu’on vous immole un homme.
Sans qui Rome aujourd’hui cesserait d’être Rome ?

police.jpg

(Les trois inspecteurs saluent et regardent Rancotte avec soumission.)
Le commissaire Rancotte : Messieurs, je vous demande de les applaudir.
Nous allons faire une explication de texte. Est-ce quelqu’un peut me dire ce qu’il a compris ? Pourquoi la brutalité avait une connotation raciste et était injustifiée ? Personne ? Quelqu’un a-t-il un commentaire ?
L’inspecteur Peevee : On n’a rien compris, M’sieur l’commissaire Rancotte. Mais c’était beau. On aurait dit des vers ! Même que l’inspecteur Ledoux a écrasé une larme…

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