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Littoral.

Magnons nous le train pour prendre l’A4 une heure avant celle de pointe… Gavons-nous de kilomètres sous l’œil féroce des gendarmes en carton pâte…
C’est ça… précipitons-nous sur la route fleurie des Vacances de Pâques… Allons bourrer un peu plus les hôtels bourrés… Bouffons n’importe quoi sous prétexte qu’on est dans un deux fourchettes… Traînons dans les deux ou trois endroits où il y a quelque chose à voir mais dont la vue est gâchée parce qu’il y trop de monde devant nous… Sortons par un temps dégueulasse inaugurer le nouveau futal en se disant que la boue s’enlève facilement quand elle est sèche… Crevons-nous la paillasse à trouver un magazine qui ne soit pas aussi con que ce que l’on voit à la télé et tombons sur Christine Bravo qui raconte son calvaire de pochtron devant une bouteille vide… Refaisons un tour de digue dingue donc… Et comme tout le monde, affalons-nous à la terrasse chauffée d’un bord de mer à lamper une bière forte la mousse dans le nez « qui sont meilleures à Nieuport que chez nous »… Prenons-nous en au monde entier pour ce week-end coûteux et nul à chier… C’est-à-dire commençons par nous foutre en rogne sur ceux qui n’en peuvent… d’abord les enfants… proies faciles… puis la compagne de quinze ans, qu’on se demande « comment on a pu baiser, ça !... »… Précipitons-nous à l’éclaircie à la rencontre de la mer qui se retire qui nous a laissé son sperme de méduse et toutes les petites foutreries que des enfants ramassent dans des seaux pour saloper la banquette arrière au retour … Enlevons nos godasses, parce que l’eau de mer, c’est tout bénéfice pour les pieds… Glaçons-nous les orteils en regardant un crevettier qui a l’air immobile à deux cents mètres du rivage… On a l’œil tellement fixe qu’on attrape la berlue… C’est pas marrant de scruter la mer… Quel est l’andouille qui a dit « sans cesse recommencée ou jamais pareille » On sait plus… On voit plus rien… C’est comme si le crevettier était passé par le fond… Respirons bien, c’est tout iode cet air-là, enfin, c’est ce qu’on dit avant de revenir avec une bronchite… Ce que Louisette dit aussi aux enfants qui comprennent pas qu’on doive respirer spécialement au ras des flots et qui se mettent à plat ventre par jeux pour être au plus près encore, jusqu’à avoir du sable dans les yeux …

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Entre deux périodes d’exaltation à s’emplir les poumons au point qu’il nous vient des étoiles, ayons notre coup de blues en revenant des lustres en arrière quand nous étions à faire des châteaux de sable au même endroit à la marée montante pour plus vite les voir s’effondrer… Jaloux des pierres du môle, immuables quasiment immortelles, les mêmes sur lesquelles on courait insouciant… On compare notre fragilité à cette composante éternelle et on trouve que ces pierres ont été bien plus photographiées que nous ne le serons jamais… En face de cette fausse platitude de l’Océan, ce fichu passé nous tombe sur la gueule… Une vraie gueule qu’on attrape définitivement après quarante ans d’illusions sur notre capacité à être comme un poisson dans l’eau… apte à être actif, à donner notre éternelle jeunesse au service des grandes causes qui se résument généralement à fermer sa gueule devant un patron acariâtre et soupçonneux… On envie les trous-du-cul qui apprécient les cycles à quatre roues qui foncent à du cinq à l’heure à l’aventure d’un espace aussi long qu’un terrain d’aviation et aussi étroit qu’une manche de chemise…. Un quatuor de Charleroi, qu’on reconnaît à l’accent, finit par se planter dans les amas de sable que le vent du large accumule par place et que les employés municipaux mobilisés pour la bonne cause n’ont pas encore éliminés… En s’abritant entre deux cabines, on mate une charmante qui brave les éléments… elle détache les brides de son deux pièces et s’oriente pour profiter d’un rayon et demi de soleil sur des nichons que d’habitude elle n’exhibe que par obligation contractuelle à son mari et par plaisir à son chef de service… On remonte avec des idées à la chambre, où il n’y a personne et on se rend compte qu’on a permis aux mômes de se déchaîner devant les machines du Luna-park en compagnie de Louisette… Du coup on s’attendrit, parce qu’on redevient soi-même dans la quiétude de la « suite », désenragé par l’absence de vent. Tout ce que l’on a pensé de Louisette, on ne le pense plus. On s’attendrit même par la force du désir inassouvi.
On revient à Liège en cauchemardant sur les bouchons à hauteur de Gand… On se dit pas un mot… Même les mômes font la gueule et font semblant de dormir pour se flanquer sournoisement des coups. Dans le rétroviseur, l’initiative revient à l’aîné…. On est tellement abattu, qu’on n’intervient pas d’autorité pour ramener le calme à l’arrière… Au moment où l’on sent une raideur à la nuque à suivre des yeux le pare-choc arrière de la bagnole de devant, Louisette se réveille et par réflexe de solidarité vous passe la main gauche entre les jambes, s’attarde sur le bulbe et croyant vous faire plaisir masse avec le pouce à l’endroit précis où vous sentez une douleur à cause du jean’s trop serré… On n’ose pas le lui dire dans le vague sentiment que l’on ne doit pas décourager une initiative trop rare depuis qu’on a dépassé « tout ça »… Le seul désir qui reste, c’est celui de pisser…
On croise une voiture dans le fossé avec des ambulances autour et des flics qui font des signes pour ralentir… Heureusement qu’on n’est plus du côté du boum économique flamand, mais dans la merdouille stagnante de l’économie wallonne… On passe sans problème en s’interpellant « Comment ces cons se sont plantés dans une ligne droite ? »… Puis, on se dit qu’on maîtrise pas toujours l’engin qu’on a sous le cul…
At home, on a oublié les velléités de l’apres-midi et on s’endort cul contre cul en faisant rêve à part… On n’est ni heureux, ni fâché… Juste l’impression que les vacances étaient nécessaires, que ça fait du bien, et qu’ainsi à la rentrée on n’aura pas l’air con en étant allé nulle part, cependant qu’on envie sans se l’avouer, un type qu’on dit ringard parce qu’il ne bouge jamais du fond de son jardin et qui s’en fout du musée Delvaux, de l’abbaye des Dunes, et qui n’a jamais mangé une croûte sur les marches en bois du moulin reconstitué sur la route de Furnes et qu’on photographie sans savoir pourquoi depuis dix ans.

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