La vocation militaire.
Le comble de lhypocrisie a été atteint ces temps derniers avec les déclarations de la Croix Rouge Internationale et les propos « indignés » du Président Bush sur les sévices et tortures des militaires américains en Afghanistan et en Irak infligés aux opposants et aux populations de ces pays.
Hypocrisie, car il nexiste aucun doute sur les pratiques criminelles courantes des militaires de tous les pays en temps de guerre, sur les civils et les militaires du camp adverse et parfois de leur propre camp.
Tous ne sont pas des criminels, mais tous, non plus, ne sont pas en situation de le devenir.
Ce qui est affligeant, cest quil a fallu attendre que des tortionnaires se soient photographiés à côté de leurs victimes et que ces photos soient publiées – peut-être ont-elles été négociées par les bourreaux auprès des médias – pour que le monde sindigne.
Il ny a pas plus bornée et dangereuse que la gent patriotarde. Lexaltation des mauvaises raisons qui poussent à la guerre, comme celles qui poussent à la résistance conduisent toujours à des excès.
On parle avec raison des tortionnaires nazis. Là, le crime a été officialisé, ordonné même par le sommet de lEtat. Mais est-ce le seul pays à avoir commis des monstruosités au nom dun idéal qui nétait quune effroyable machine raciste ? Non. Bien sûr. Et les Alliés en 45 lors de loccupation de lAllemagne ont commis individuellement ou par groupe des viols, des massacres et des tortures, alors que leurs victimes étaient en principe protégées par les accords internationaux sur les prisonniers de guerre.
Le crime dun être humain serait-il plus ou moins horrible selon quil y en aurait des milliers, voire des millions ?
Sans entrer dans le crime crapuleux, croyez-vous que les femmes tondues à la Libération sur simple dénonciation, létaient parce quelles le méritaient ou parce quelles étaient les victimes dabord dune vengeance irrationnelle dune population qui avait chié dans son froc devant les SS pendant quatre ans ?
Le problème est ailleurs.
On ne peut pas armer des jeunes gens pour aller combattre « des ennemis » en croyant pouvoir les arrêter pile à la fin de laction « héroďque », juste comme ladversaire jette les armes et lève les bras. On ne réveille pas impunément linstinct de mort qui gît au fond de nous et le stopper en claquant des doigts. Il est illusoire de croire que dans la terreur soit de mourir ou de tuer, on sorte de la tourmente, apaisé, fort et juste. Si on vous dit que vous êtes un héros et que vous avez sauvé la patrie, vous ne serez pas quitte pour autant avec votre conscience, si vous avez tué. Vous ne vous sentirez pas indemne parce que votre cause était juste.
Que dire des « héros » qui sentent monter en eux à égalité avec leur patriotisme, linstinct sadique de destruction ?
Nul nest à labri dune réaction de tortionnaire, quand il se voit attribuer une parcelle de lautorité déléguée des chefs. Le pouvoir, même à léchelon du bidasse 2me classe, peut rendre fou.

Sottise de prétendre que les armées qui défendent la démocratie sont des armées de citoyens conscients de la noblesse de leur mission. On le voit bien partout, en Israël, comme aux USA, comme en Europe : un homme armé est bon à tout, a fortiori si les ordres quon lui donne, comme en Palestine, comme en Afghanistan, comme à la base américaine de Guantanamo, les couvrent tout en enfreignant les règles de la morale, avant quelles ne soient celles de la démocratie..
Dostoďevski pose la question de la justification de la torture dans son śuvre « Les Frères Karamazov ». Ivan demande à Aliocha, le mystique, sil sacrifierait en torturant à mort un petit être sans défense – un seul – pour le bonheur éternel de lhumanité ?
La réponse est « non » évidemment.
Lécrivain russe par delà la fiction nous met en face de cette ambiguďté de la douleur des autres pour la rédemption de leurs fautes et des nôtres.
Comme les bonnes raisons ne manquent pas au nom dun objectif supérieur – humaniste même ! Cest ainsi quon est à peu près certains que les soldats engagés en Irak qui ont commis des atrocités dans les prisons ne se considèrent pas comme des bourreaux, mais comme des justiciers, les gardiens incontournables de la paix et de la sécurité dans le monde. Ils se croient une mission qui les exonère de la Loi. Mieux, ils sont la justice immanente. Ils vengent les morts des Twin Towers. Ils sont le produit des sottises que lon profère sur la question depuis 2001.
Si on laissait la parole aux gens, on serait surpris des réponses, malgré le « dégoût » exprimé par leur Président de ces actes répréhensibles. Le sentiment de vengeance est encore celui qui est le plus difficile à contenir.
Le pardon collectif nest le plus souvent quun acte officiel qui ne correspond pas toujours à la réalité.
A-t-on oublié la guerre du Vietnam, pour ignorer ce dont est capable une armée ?
Cest pour cela quil est plus facile de faire la guerre que de faire la paix.
Reste une question à laquelle on devrait sattacher à trouver une réponse. Elle est simple :
Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle ?