La Justice : une ténébreuse affaire !
Appliquer une justice véritable, quand elle nest quune opinion à travers des sensibilités différentes de magistrats, est impossible.
A lAncien Régime, on ny allait pas de main morte. Cétait le fait du Prince qui envoyait gaillardement les opposants à la potence. Les juges, déjà, appliquait les lois sans se poser de question.
Si on ne pend plus de nos jours, cest bien parce que la puissance des princes sexerce dans la finance plutôt quau faîte de lEtat et quune opinion faiblement majoritaire ne ladmettrait plus. Le pouvoir régalien des juges est battu en brèche. Il doit y avoir des regrets inexprimés parmi ces honorables serviteurs de lEtat.
Cela veut-il dire que la Justice sest améliorée dans son fonctionnement et dans ses jugements ?
Certes pas.
Le Code nest quun garde-fou, à peine une main courante au-dessus dun vide qui est moins juridique que dinterprétation des faits incriminés.
Avant, cétait le bon plaisir et lusage, aujourdhui ce sont les mœurs qui déterminent les législateurs à modifier le code. La vérité morale étant élastique, poursuivre selon cette morale fuyante équivaut à condamner un justiciable qui ne le sera pas de la même manière lannée suivante. Le législateur le sait. Il sessouffle dans linterprétation évolutive des choses.
Sans porter aucun jugement, hier condamné, le mariage entre homosexuels devient un droit. Le délinquant du passé sera félicité par lOfficier dEtat-civil demain.
Il y a cinquante ans à peine lavortement était un crime et ladultère un délit. Cependant, quà lépoque, jamais des procès pour concussions, dabus de biens sociaux ou publics nétaient inscrits aux rôles des tribunaux. Non pas que les « élites » fussent plus honnêtes quaujourdhui, mais bien parce que les arrangements entre coquins étaient lusage.
« Voler un œuf, cest voler un bœuf » nétait quun dicton populaire à lusage des lampistes qui écopaient du maximum pour lœuf, tandis que les voleurs du bœuf passaient à travers
Aujourdhui avec les mêmes ingrédients on fabrique la tambouille judiciaire des mains dautres cuisiniers. Lopinion publique oblige, la recette nest pas meilleure.
Cela donne dinquiétants résultats et dédifiantes constatations.
En général les magistrats naiment pas être dérangés une seconde fois et le coupable rejugé en Appel écope souvent plus quen première instance. Ce nest pas nouveau. Mais Léon Lewalle condamné plus sévèrement une seconde fois pour les détournements à la SMAP, cest quand même une nouveauté de par lorigine éminemment financière de laffaire.
Mais, il arrive aussi que les Magistrats dAppel ou de Cassation contredisent les Magistrats dInstance.
Alors, on peut se poser la question de savoir qui a raison ou tort ? Comment peut-on juger blanc, puis juger noir ?
Jouent alors les sensibilités, les affinités, les tendances, la conception que le magistrat se fait de lEtat. Ce qui fait penser à une sorte de jackpot. Le malchanceux écope. Le chanceux triomphe. Entre les deux, il y a toute la gamme des coups de pouce, des pressions amicales et des obligations nécessaires à une carrière, quoique farouchement la plupart sen défendent et que bien évidemment, beaucoup de magistrats soient intègres.
Ce nest pas pour autant rassurant. Au contraire.
Comment expliquer les différences de sanctions pour la même faute ? Certes les circonstances, les appréciations de moralité, le passé des prévenus nuancent une peine prononcée. Il nen demeure pas moins que les écarts sont tels, quon se demande à quoi peut encore servir le Code avec ses maxima et minima, sinon à décourager le citoyen dy entendre quelque chose ?
Se savoir jugé par des Pères Ubu donne froid dans le dos.
Jean-Jacques Rousseau était bien naïf le jour où il écrivit que ceux qui voudront traiter séparément la Justice et la morale nentendront jamais rien à aucune des deux.