Les Rois de la pédale à Liège
Tout encombré de laffaire du Tour, le Liégeois ne voit pas, comme la plupart des sportifs, où en est le dopage dans le cyclisme en 2004.
Il faut dire que la presse liégeoise ne se risque pas à jouer les troubles fêtes et quon ne lira pas chez elle un seul commentaire sur la parution le 15 juin dernier du livre des journalistes Pierre Ballester et de David Walsh : « L.A. Confidentiel » sur les secrets de Lance Armstrong.
Cest le gouverneur Paul Bolland qui a lancé la mode du vélo sportif et avec la réception des Jean-Marie Leblanc et autre Eddy Merckx en prélude à cet événement, ce naurait pas été le moment de placer un scoop qui aurait fait mauvais genre.
Ils sont comme ça, ceux qui vous informent, pleins de tact et de retenue… au bénéfice des seules autorités, évidemment.
On se contente de parler dun héros qui a lutté avec succès contre la pieuvre du cancer au point de gagner cinq tours de France, dont le premier à peine relevant de maladie et qui, peut être, va gagner le sixième, quoique – dit-on – lhomme soit moins performant que lannée dernière.
Là-dessus, tout le monde retient son souffle dans lattente du jour J à Liège.
Voilà trois ans, le scandale battait son plein.
Beaucoup de coureurs professionnels étaient convaincus de dopage. On se blessait quasiment sur les seringues qui tombaient des musettes au passage du peloton.
En France, Marie-Georges Buffet, alors ministres des sports, faisait passer une loi punissant des pratiques antisportives et dangereuses.
Immédiate réplique chez nous - le sport, en Belgique, potferdom, cest quelque chose de sacré – on fourbit derechef le même arsenal.
Dautant quun sportif est, par linnocuité de ses centres dintérêt, un être inoffensif et doux quand il nest pas dans les stades. Il nest donc pas nuisible pour le pouvoir en place.
« Grâce aux nouveaux contrôles et lobservation stricte de la Loi, tout cela nest plus quun passé à oublier au plus vite. Cétait à linsu de leur plein gré. » dira le pouvoir en place.
A en croire les journalistes sportifs régionaux, tout rentre dans lordre. Certains impénitents de la seringue sont mis au placard, donc il ny a plus de dopage dans le cyclisme, si lon excepte quelques cas isolés.
Là-dessus les tours se suivent et se ressemblent.
Plutôt non, ils saccélèrent. La moyenne sélève et quel que soit le parcours, le peloton ne fond pas comme beurre au soleil, malgré les délais de repêchage toujours aussi sélectif.
Peut-on croire quune Loi votée dans lurgence, des analyses de sang et durines plus nombreuses aient à ce point nettoyé le sport cycliste ou que lévolution de la science de la dope permet aujourdhui de se moquer des contrôles ?
Cest une constante que lintérêt populaire pour ce sport est tel, quil nest pas bon trop sappesantir sur la question.
Les coureurs jouent leur vie, entend-on, ça les regarde. La triche qui pourrait seule distinguer un grand champion dun toquard est un sujet quasiment tabou, jamais abordé et surtout pas par les laudateurs du gouverneur qui aime le vélo.
Pour en venir au livre proprement dit des deux loustics qui, implicitement, dénonce avec la triche, ceux que la question paralyse, les témoins cités – très crédibles comme Emma OReilly lancienne soigneuse de lUS Postal et quelques autres devraient quand même troubler locéan de sérénité dans lequel la pédale barbotte.
Ou les gens croient quune Loi met fin aux abus et alors ils sont stupides, ou alors tout le monde sait que plus des trois quarts des coureurs qui vont évoluer sous nos yeux dans quelques jours sont ou seront drogués dans les semaines qui suivent, et alors ce sont des hypocrites.
Il y aurait une troisième voie qui consisterait à penser que les gens sont peut-être les deux : à la fois, stupides et hypocrites, journalistes compris. Elle serait, sans doute, la plus vraisemblable.
Que cela ne vous empêche pas de vous masser sur les parcours pour acclamer Lance et les autres. Ils risquent leur vie pour vous amuser – un peu sur les routes – beaucoup avec leurs docteurs Mabuse. Et ce show dans ces conditions extrêmes est à lui seul fascinant.