Flânerie au Cinquantenaire...
- Give me a Jean Monnet to orange, it-you-likes itself.
- And me a Pol-Henri Spaak struck with a bottle of soda.
Autour du rond point Schuman, sur les onze heures, les cadors des Communautés sécoulent des immenses tranches de cake des Commissions européennes, des banques et des services Annexes de lEurope, reconnaissables à un petit badge qui leur pend au cou, quon les croirait sortant dun magasin de vêtements sans avoir pris le temps denlever létiquette.
Les fonctionnaires de lEurope se dispersent dans les rues parallèles à celle de la Loi pour des déjeuners trois fourchettes, quand ils ne poussent pas jusquau parc du Cinquantenaire pour « prendre lair » sur un banc.
Ils tranchent par leur aspect « soigné » avec les quelques rares piétons : touristes en négligé et femmes douvrage pour les Hilton de circonstance.
Létiquette en sautoir… cest le renfort attendu dont notre élite a besoin. Elle, qui manque de repère pour la progression de son revenu, aura de quoi comparer.
Les peuples faméliques nont rien de commun avec ces mirliflores brillants et désinvoltes. Peut-être quen veine de confidences, certains iraient jusquà évoquer - comme dillustres autochtones - des origines modestes. Ce serait peut-être pour que nous nous esclaffions dadmiration : « Comment est-ce possible, parti de si bas ! », si tant est, quil y en ait un qui conserve lenvie de garder lestime des gens que secrètement il méprise.
Ce Babel-street si peu marollien, qui parle anglais comme je pisse ma bière, est certes commis au bien-être général. Il nous détermine à remplir nos obligations à lEurope sous forme dimpôts quon lui ristourne généreusement. Mais last but… comme nos plus modestes sous-chefs de cabinet de nos si nombreux ministères, ces européens-là sont coupés des foules par le bien-être qui séchappe de leur réussite, qui sourd de leur transpiration élégante et musquée, et qui transparaît à la façon maîtrisée et sûre de nous parler comme à des enfants… Ils sont, comme nos représentants régionaux en bas de soie, des seigneurs de la réussite parce quils la valent bien.
Voilà, le mot est dit. Cette nouvelle middle class est trop récente pour se rappeler quelle procède de nous et non pas nous, delle.
- I do not intend to return to the office this afternoon.
- Look at this girl who goes down from Mercedes
- It is black!
- Yes, but what a blow!
Le rond-point Schuman nest que cela : une nouvelle aristocratie qui pue l‘argent, la réussite, la combine, la facilité, le star system à leuropéenne, le clientélisme...
Sen dégage laplomb de ceux qui discourent sur léconomie et le travail en ayant oublié le prix du pain et leffort quil faut faire pour obtenir le droit de se mettre à table à midi tous les jours de la semaine.
Cette promotion sur la dépouille des petits ne serait-elle que scandaleuse en est déjà passablement révoltante. Son utilité est ailleurs. Elle est le maillon indispensable qui retricote le lien entre ceux qui nont rien et qui nauront jamais rien et ceux qui les exploitent. Cette génération dintellectuels branchés bouche les trous de la classe moyenne classique, défaillante, défaite même, par la grande industrie et la banque, rongée par les faillites et le travail inutile des soixante heures semaine qui la conduisent quand même à la faillite.
Ce gratin cosmopolite est lélément clé de ce nouveau capitalisme, incapable de payer à son prix la peine des hommes ; mais assez intelligent pour comprendre quil faut récompenser les serviteurs, comme Saddam récompensait les gardiens de son régime.
- What do you make this evening?
- Brussels the summer is a rotten hole.
- I have two places for Tangier. If that says to you?
- And the office, tomorrow?
- One returns Monday, the big bos is not there.
Si nous traînons à lever les bras dans la ola de ladmiration à leur égard, cest quil nous reste ce fond de dignité qui empêche un fauve en cage de se reproduire. Cest que cette Europe des riches nous dégoûtent. Ses porte-étendards nous la jouent au mépris en oubliant trop facilement ce quils sont, doù ils viennent et pourquoi ils sont là.
Cest quune fois de plus, nous avons limpression que les gens den haut se foutent de notre gueule.
Ils me méprisent ? Ils me trouvent incapable dune réflexion, dune approche de leur dialectique, daligner mille euros ou davantage pour un caprice ?
Quils se rassurent. Je me trouve très exactement à leur égard dans le même état desprit. Pour une fois, ce sera sans doute la dernière, nous sommes daccords. Nous sommes tous des merdes.