Scène de séduction au cinéma Churchill
- Mais, je vous connais !
- Moi pas ! Voilà vingt ans quon nemploie plus ce truc pour aborder une femme, même au cinéma !
- Cétait où encore ?
- Si vous insistez, ce ne peut être quoù je travaille.
- Et vous travaillez où ?
- Je suis infirmière au service des maladies vénériennes de lhôpital X…
- Non. Vous plaisantez ! Pourtant je vous ai bien vue quelque part !
- Ce serait une raison suffisante pour que je ny aille plus.
- Cest extraordinaire que nous allions voir le même film.
- Quy a-t-il dextraordinaire que nous allions au Churchill voir un film ?
- Mais le même ?
- Vous pourriez faire le coup à la dame qui prend un ticket juste devant vous.
- Non. Elle a cinquante ans !
- Là, vous marquez un point.
- Et puis, vous me suivez. Je peux me retourner. Si cétait linverse, vous ne vous retourneriez pas.
- Comment savez-vous que nous allons voir le même film ?
- Cest juste. Permettez au moins que je vous cède ma place, pour me faire pardonner mon intrusion ?
- Une place pour « Un film parlé », sil-vous-plaît ?
- Pareil que la demoiselle.
- Mais que je suis bête ! Cétait pour savoir quel film jallais voir que vous mavez offert de passer devant vous !
- Absolument pas. On ma parlé de ce film et cétait celui-là que je voulais voir.
- Il paraît que Tom Hanks est magnifique !
- Oui… Bon comédien !
- Vous êtes un menteur. A moins que vous ne le confondiez avec John Malkovitch ?
- Ils se ressemblent, nest-ce pas ?
- Cest nul, ce vous dites…
- Ce siège est libre ?
- Vous le voyez bien. Il y a des sièges libres partout. Pourquoi choisir celui qui est juste à côté du mien ?
- Il y a des petits spots dans le plafond qui éclairent certains sièges plus que dautres.
- Et vous… la lumière vous gêne ?
- Oui. Je préfère la pénombre.
- Si vous vous asseyez à côté de moi, je hurle !
- Derrière vous ?
- Jaurai votre souffle sur la nuque, merci bien.
- Je laisse un siège vide entre vous et moi.
- Cela vous regarde.
(Après le film)
- Comment avez-vous trouvé Catherine Deneuve ?
- Vous êtes toujours là ? Cest probablement la seule que vous ayez reconnue.
- Jaimerais vous appeler sur votre portable.
- NON !….
- Vous pouvez me donner votre numéro ?
- Il est dans lannuaire.
- Votre portable ?
- Non, mon fixe.
- Pourquoi pas votre portable ?
- Je ne le donne quà des intimes.
- Il ne tient quà vous que nous le devenions. Et puis dans lannuaire, je ne connais pas votre nom !
- Il est dans lannuaire aussi !
- Puis-je porter vos doigts à mes lèvres ?
- Je les y porterai bien toute seule. Mais pas sur vos lèvres. Ne me touchez pas !
(Elle le gifle.)
- Ho ! tu mas giflé…
- Tu as été trop entreprenant.
- La prochaine fois, cest toi qui drague et moi qui te tiens à distance.
- Les filles ne draguent pas. Elles font en sorte quon les drague.
- Cest-à-dire ?
- Elles sarrangent pour être devant au guichet et senfuient dans la salle en oubliant leur porte monnaie (vide évidemment) suffisamment à droite sur la tablette pour que la caissière ne le voie pas, mais le beau jeune homme derrière, oui.
- Mais si le beau jeune homme est un voyou qui ramasse le porte monnaie et le fourre dans sa poche ?
- Non. Puisquil sagit de toi, mon chéri !