Un beau flop...
Après lodyssée de la jeune Marie-Léonie L. « agressée » dans le RER, que na-t-on entendu : la faute aux banlieues, aux maghrébins, à la montée de lantisémitisme ! Les ligues dénoncent les tralala des Lois pas assez sévères, etc. A la grosse caisse avec les chœurs officiels, Raffarin nen rate aucune. Il demande aux témoins passifs « un courage citoyen ». Les premiers violons des journaux sen mêlent, ajoutant une couche au traumatisme ambiant des populations médiatisées. Dautant quun jour avant ce coup de tonnerre, à Chambon-sur-Lignon, Chirac sappuyait un discours fait sur mesure pour rassurer les populations qui senferment la nuit à double tour et la Licra qui sévertue à ajouter des serrures.
Quelques jours plus tard, Marie-Léonie L., en garde à vue depuis mardi fin daprès-midi, avoue avoir menti. Cest une mythomane.
Les témoins passifs, la lâcheté des gens assis tranquillement à lire les nouvelles du Tour de France, tandis quon déculotte une jeune femme pour lui dessiner sur le ventre des croix gammée parce quon croit quelle est juive, cest du flan, du bidon… pure invention !
Curieuse époque, pas plus raciste quune autre, cest-à-dire assez raciste où lon croit arrêter « la montée de lantisémitisme » par des Lois qui jettent de lhuile sur le feu. Alors quil suffirait que la puissance mondiale qui a installé Sharon au milieu du chaudron palestinien dise deux mots, pour quune paix garantie par les Nations Unies calme cet état dIsraël séance tenante et fasse retomber la « poussée » antisémite loin derrière le racisme ordinaire. (Cette idée aussi daccoler au racisme, lantisémitisme, comme si lantisémitisme était un racisme à part et au-dessus de lautre !)
Drôle de Pouvoir qui sempare de la rumeur, lamplifie, puis sétonne que les foules versatiles senflamment. Drôle de judéité des citoyens de cette confession qui crient plus haut et plus fort que tout le monde avant déventuels agresseurs, lors même que souvent les plus agressés sont probablement les gens de couleur qui vivent un racisme quotidien et quon nentend jamais. Drôle de démocratie, championne des Libertés qui les restreint sous prétexte de les défendre. Roublardise des décideurs dont la pérennité au pouvoir nest possible que parce quils tiennent les populations par la peur.
On narrêterait pas de faire ressortir les contradictions de ce fait-divers qui nen est pas un, sinon pour souligner combien il y a des gens vulnérables prêts à croire le pire parce quils alimentent leur effroi des sornettes quon leur profère, dans un monde quils ne comprennent pas,
Certes, une partie de la population est raciste, mais elle ne lest pas plus quelle ne létait jadis, certes il ne faut pas que les débordements verbaux conduisent à des brutalités. Lopinion se transforme et voit dune autre manière des faits aussi répréhensibles quavant mais sur lesquels elle focalise. Y aurait-il un resserrement des mœurs vers plus de morale et plus de justice ? Les récentes affaires Dutroux et Fourniret ont, par exemple, éveillé lattention sur un mal bien plus grave que cette supposée vague dantisémitisme : la pédophilie. Crime trop longtemps minimisé et si répandu quil existe plus dun enfant sur trois qui devenus adultes ont vécu ou approché, lune ou lautre chose à ce sujet. Mais, là aussi, laffaire dOutreau, dans le Pas-de-Calais montre ce que peut faire une Justice poussée au derrière par lopinion.
Il est dommage quune bonne analyse sociale et une justice plus équitable soient si peu exigées par le pouvoir et les gens. Pourtant, on ne parle que de cela. Par exemple nos champions du MR nont que le "bon sens" à la bouche. Mais ce quils baptisent « bon sens » nest quun agglomérat de préjugés bourgeois. La « raison garder » des autres ne vaut guère mieux.
Lopinion est versatile. Un jour, peut-être on lui demandera de tourner la page des fantasmes auxquels elle réagit. Mais, ce sera pour dautres illusions. Et ce ne sera guère mieux.
Marie-Léonie a lhabitude de raconter des histoires. On y a cru. Mais, on y a cru parce que cette jeune femme recoupait notre propre mythomanie et ne faisait que linterpréter. Le monde dans lequel nous exprimons notre désarroi, nest peut-être acceptable que parce que nous y mentons et jouons des personnages comme Marie-Léonie ?