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31 août 2004

On est tous des phénomènes

Dans un mois : la foire.

- Mesdames, Messieurs, venez applaudir l’attraction la plus sensationnelle de votre champ de foire… la foire d’octobre qu’on disait américanisée et qui a soif de renouer avec les baraques de phénomènes aujourd’hui disparues… Depuis que Frank Lantini, l’homme aux trois jambes, a été engagé au Standard de Liège et que le Prince Randian grassement payé pour s’exhiber au « Plat du Jour », ne se déplace plus qu’en Rolls-Royce, qu’y a-t-il encore entre deux baraques de croustillons ? ...
Vous avez devant vous Richard III en chair et en os, qui va léviter sur ses tréteaux.
Sans trucage ni illusion, dûment constaté par Maître Barbenbois, huissier de Justice, vous verrez de vos yeux le roi Richard s’élever progressivement du sol, grâce à la puissance de sa volonté et retomber aussitôt que son assistante lira à haute voix des extraits de la presse en ligne liégeoise.
Les incrédules pourront observer le phénomène de près et glisser, s’ils le souhaitent, un bottin des téléphones entre le plancher et les semelles du roi.
Vous verrez ensuite le sujet (pour un roi c’est marrant) s’élever jusqu’à atteindre le sommet du chapiteau.

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Cette lévitation en public exige une force de concentration peu commune et nous vous demandons expressément pendant cet exercice le plus grand silence.
Pour vous donner un aperçu de cette attraction unique au monde, j’appelle à mes côtés miss Lilliput, bien connue des promeneurs matinaux de la Batte pour ses passes à 50 euros.
Je vous demande d’applaudir mon assistante comme elle le mérite.

- Cher public aimé, vous constatez comme moi que l’homme que vous avez devant vous est tout à fait ordinaire. Vous le croiseriez dans la rue sans vous retourner. Et pourtant…
Voici, mieux que Spiderman, plus fort que Superman, voici Léviteman, celui qui marche dans les airs, par la seule force de sa volonté.
Mon roi Richard III bien aimé, êtes-vous prêt ?
- Je suis prêt !
-J’ai relu pour la vingtième fois dans mon salon vos œuvres complètes. C’est positivement génial. Vous êtes le plus grand, le plus beau, le meilleur… Observez attentivement, mesdames, messieurs, cher public aimé, les semelles du roi se séparent du sol. On pourrait déjà y glisser le stencil de ses poèmes de la décennie que vous pourrez acheter à l’intérieur. Je poursuis l’expérience à vos yeux ébahis… Vous êtes le meilleur, disais-je… de tous les nabots de Liège, vous êtes un génie, positivement… Le roi quitte nettement le sol… Il monte… Il monte, mais où s’arrêtera-t-il ? Je vous le dis à voix basse, cher public adoré, la dernière fois, je l’ai appelé maître. Je lui ai dit sans réfléchir, maître, votre QI m’émerveille… Il a fallu appeler les pompiers, le roi était coincé au sommet du platane que vous avez derrière vous. C’est vous dire si l’exercice est périlleux…. Mon roi comment vous sentez-vous là-haut
- J’ai un peu mal à la tête !...
- C’est normal, mesdames et messieurs, l’orgueil dans les veines lévite plus vite que le corps et se porte au cerveau qui par cet afflux devient d’une intelligence d’extraterrestre.
Afin de varier les éléments de descente compatibles avec le sujet, au lieu de le chagriner à la présentation de quelques scandales publics sur l’impéritie de nos hommes politiques, je vais essayer, pour la première fois devant vous, d’inciter le roi à une descente en dénigrant ses travaux, pourtant difficilement dénigrables… Ciel !... sur ces dernières paroles, il vient de dépasser la toile du chapiteau… Tu sais, vieux con, je me suis trompée, j’avais confondu ton blase avec celui d’Izoard… Voilà l’homme admirable… Toi t’es qu’un raté complet… Une sorte d’antihéros… t’es qu’un sale jaloux, pauvre cloche… Ta poésie, ouais… elle est dans mes chiottes, mais pendue à un clou… Elle sert à me torcher, vu que je ne prends plus La Meuse depuis que je reçois les Toutes Boîtes… Observez, mesdames et messieurs, cher public attendri, comme le roi redescend rapidement !... Qu’il freine nom de dieu, sinon, il va nous casser des planches… Je suis une femme aimante et jalouse… cher Richard… Je t’aime et c’est par dépit que… Voilà qu’il nous revient plus doucement… comme un alunissage… L’autre jour un spectateur a crié « Chiqué, ils se foutent de notre gueule » et le roi s’est luxé la cheville en retombant… Voici Richard à nouveau parmi nous, je lui laisse le soin de conclure, tandis que je passe à la caisse, où dores et déjà vous pouvez vous ruer. C’est 5 euros pour tout le monde. Les premiers entrés seront les mieux placés. Après la lévitation et à la demande générale, je vous montrerai mon minou… Richard, je vous prie…

- Après une tournée triomphale dans les deux Amériques, après avoir présenté mon numéro à la Maison Blanche au temps où Clinton appréciait les jolies femmes, intéressé le Pentagone où pour la première fois j’ai lévité à l’horizontale quand on m’a laissé supposer que je pourrais être candidat à la présidence des Etats-Unis, je ne lévite que quelques jours seulement boulevard d’Avroy…

- Ailleurs, il vaut mieux l’éviter…

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- La séance commence dans quelques instants… Prenez vos places… Prenez vos billets…Maestro un coup de grosse caisse… please…

30 août 2004

Il va y avoir des morts à Liège…

La place Lambert se transforme morceau par morceau. L’îlot Saint-Michel a été le premier de la série. Le Grand Bazar, façade ravalée, cède la place aux Galeries Saint-Lambert. Restent le trou Tivoli et les perspectives discutées de la construction d’un bâtiment annexe de la Justice, toujours cramponnée à notre Palais des Princes-Evêques et pas prête d’en sortir, hélas !...
Question Galeries Saint-Lambert, l’effet produit face au Palais reste celui de l’ancien Grand Bazar, magnifique construction 1900 dont on a sauvé la façade. Seul regret, celui qu’on ait laissé cet horrible coin arrondi attenant à la façade côté Gérardrie. Enfin…
Les constructions arrière vers le milieu de la rue Gérardrie sont, certes, imposantes, mais dans le goût américain et sans aucun caractère, le tape à l’œil habituel.
L’ouverture de ce complexe va faire des morts en ville. Je veux parler des survivantes boutiques du Carré et des galeries genre Charles Magnette. Les pauvres qui traînaient déjà la savate avec des loyers insupportables et une clientèle assez fluide vont sentir passer le boulet dès septembre !

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C’est fou d’accumuler les ouvertures et les faillites de commerces dans une ville qui se vide de ses habitants ! Et encore, si ces commerces nouveaux offraient un éventail de produits ! Mais à part les fringues et les chaussures, qu’y aura-t-il de neuf ?
Allez donc chercher une boîte de clous, ou un merlan frais dans certains quartiers de Liège ?
Ce ne sont pas les quelques appartements au sommet des Galeries Saint-Lambert qui feront revenir les ex-Liégeois domiciliés à la périphérie, faute de locations à des prix raisonnables, dans des logements au centre ville.
Beaucoup d’appartements ont été perdus en moins de dix ans. On ne loue plus au-dessus des commerces. Certaines surfaces ont été morcelées, cloisonnées, afin de louer des kots qu’occupent des étudiants et des pauvres de plus en plus nombreux qui glandent dans nos rues, un pot de yaourt à la main.
Dans une cité qui rejette l’automobiliste loin des piétonniers, sans possibilité de garage et avec la perspective d’une nuée de procès pour stationnement interdit, qu’on ne s’étonne pas que les familles motorisées hésitent à revenir.
Liège est bien à l’image de la gare qu’on reconstruit pour la xième fois aux Guillemins, une ville tragiquement portées aux nues et glorifiées par ceux qui la détruisent par leur prétention au grandiose. Alors, qu’elle aurait pu rester ce qu’elle était jadis, comme elle l’est encore dans certains quartiers d’Outremeuse et de Saint-Léonard, une ville conviviale et bon enfant.
Trop d’erreurs tragiques sur les plans d’ensemble et la sauvegarde du patrimoine ont été commises par le passé pour que la génération actuelle s’en sorte sans laisser des plumes. Nous payons toujours les frasques des consternants imbéciles, ces bétonneurs fous, qui ont fait tant de mal à la Ville dirigée à l’époque par Destenay.

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A présent que la place Saint-Lambert est à moitié reconstruite, bornons-nous à souhaiter que ce qui reste se fasse dans l’harmonie de ce qui précède. C’est une évidence de le dire. Cela ne sera pas si aisé dans la réalité. On en a déjà vu tellement par le passé, qu’il faudra s’attendre à tout. Il faut craindre le pire du côté de la gare du Palais. Et si côté Tivoli on n’a plus de sous ou pas d’idées, quelques arbres de plus de la Place du Marché vers Saint-Lambert ne feront de tort à personne. On sait comme on a du mal à résister à Liège aux promoteurs et cet espace libre de constructions fait l’objet de convoitises depuis longtemps. La seule chance qu’on ait de rester modeste à l’espace Tivoli, c’est l’adéquation entre le privé qui veut rentabiliser en hauteur et celle des toits du Palais qui exclut une trop grande élévation. Il n’est pas impossible qu’un architecte de renom ne fasse tourner la tête à nos responsables et qu’une hérésie de plus voie le jour.
Liège !... une nouvelle fois victime des hystériques ? Il faudra se méfier pour la suite.

29 août 2004

Les beaux emplois du FOREM.

Aujourd’hui, chercheurs en Univers : les Frères Sergueï et Yvan Cosmotoff
(Interview réalisé par Pierre Lachose, lauréat du concours pour l’éradication des moustiques dans le Grand Nord et ancien élève du FOREM de Liège.)

Lachose - Avant de nous révéler le secret Premier de l’Univers, pouvez-vous nous donner quelques informations sur les trous noirs. En effet, ici au FOREM de Liège, il semble qu’il en existe un, tant nos élèves qui sortent de la première interview semblent l’avoir frôlé et même quelques-uns seraient tombés dedans puisqu’on ne les a jamais revus.
Sergueï - Des particules de spin entier, 0,1 ou 2 avec un demi quark d’électron émettent un support de force modifiant, dont le recul accélère la boule de gluons.
Lachose – Ce qui veut dire ? Je me tourne vers Yvan…
Yvan – Mon frère veut dire par là qu’il sent, dans votre établissement, la présence d’un trou noir.
Lachose – Un trou est infiniment grand. Vous n’allez pas me dire qu’au Val Benoît… quai Banning… ?
Sergueï – En phase d’accélération, les systèmes Cygnus X-1 ont été dès 1941, étudiés par deux physiciens du New-Jersey Penzias et Wilson. Les rayonnements centimétriques de Friedmann prouvent que la masse d’un objet n’est que de 0,5 % du pulsar PSR 1913.
Lachose – Vous ne pouvez pas laisser parler votre frère ? Le grand public n’y comprend rien.
Yvan – En clair, il y a bien un trou noir quai Banning. Comme il y a des anti-mondes, il y a des anti-gens faits d’anti-particules. Quai Banning, il existe des ou un anti-vous. Dès qu’on lui serre la main, on n’existe plus !
Lachose – Une personne peut être un trou noir ! Comment est-elle toujours visible ?
Sergueï – C’est très simple, un corps qui se meut affecte la courbure de l’univers. La structure de l‘espace-temps antédémolise l’effondrement gravitationnel de l’anoragamme de Planck…
Lachose – Monsieur Yvan Cosmotoff, je vous en prie…
Yvan – Mon frère explique très bien le phénomène. Une personne trou-noir est perceptible comme une autre sauf que son image est déjà passée, aspirée dans son intérieur à une telle vitesse qu’il est impossible que vous vous en rendiez compte !
Lachose – Au fur et à mesure que vous comprenez l’univers, c’est votre langage qui devient de plus en plus incompréhensible !
Sergueï – Oui, par les lois de compensations de Schumacher et…
Lachose – Vous, ça suffit. Laissez parler votre frère.

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Yvan – L’individu trou-noir ne sait pas lui-même qu’il l’est. Seuls les résultats d’aspiration peuvent être décelés par l’étude du spectre rouge et ses dégradés.
Lachose – Nous avons constaté que lorsque madame la Ministre Marie Aréna nous rend visite, de nombreux cas de disparitions inexpliquées sont à déplorer.
Sergueï – Encore l’effet Doppler !
Yvan – Mon frère veut dire que l’effet Doppler appliqué à l’échelle d’un trou noir humain provoque une névrose d’échec.
Lachose – Signifieriez-vous par là que le trou-noir Aréna est à la base de la quasi faillite de notre formation ?
Sergueï – Laforgue en 1941 a présenté des travaux sur la conduite d’échec en relation immédiate avec la cosmogonie quantique.
Yvan – Selon cette théorie, il apparaît qu’un sujet activement atteint d’un trou-noir s’arrange pour ne pas atteindre son but qui est de réussir. La recherche inconsciente de l’échec est l’effet de l’action interdirectrice du surmoi, ici, complètement subjugué par le trou-noir Aréna.

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Lachose – Messieurs, je vous en prie, pas de conclusion hâtive. Nous attendrons des jours meilleurs, par exemple quand le trou-noir Aréna sera affecté aux pensions, où il devrait faire merveille en faisant disparaître nos gêneurs… pardon nos vieux. Revenons à la compréhension de l’Univers. Votre théorie, s’il vous plaît, rapidement car le temps presse ?
Sergueï – Nous divergeons sur cette théorie, mon frère et moi. Pour ma part, les théories partielles de la corémisérativité dites de Maxwell propageant des rides comme à la surface d’un étang par les ondes granémitérationnelle…
Lachose – Je vous en prie, Monsieur Sergueï…Traduction, Monsieur Yvan ?
Yvan – En gros, mon frère croit que l’univers est apparu depuis l’expansion d’un navet et moi d’un topinambour.
Lachose – Il a bien fallu que quelqu’un plante un des deux légumes.
Sergueï – Deux théorie encore…
Lachose – Non. Monsieur Sergueï. Laissez l’explication à votre frère, je vous prie.
Yvan – C’est simple. Il y a ceux qui croient que c’est Dieu qui a planté le topinambour…
Sergueï – Le navet !
Yvan – Le topinambour…
Lachose – Messieurs… et les autres ?
Yvan – Ils croient qu’il est venu spontanément.
Lachose – Et vous, que croyez-vous ?
Yvan – Nous croyons que Dieu est le topinambour.
Sergueï – Le navet.
Lachose – Messieurs !...

28 août 2004

Le con absolu.

On sait comme se comportent les « honnêtes gens » qui pensent « citoyen ».
Ce ne serait pas la première fois que l’opinion belge, libérale ou socialiste, s’attaquerait à qui ne pense pas comme elle...
Le conformisme est tellement enraciné dans les esprits qu’il fait tache d’huile. Ainsi, ce qui était considéré hier comme une marginalité tolérée, devient par le resserrement des convictions, un crime de société.
Naguère qui déversait sa connerie en propos racistes, était un pauvre taré. Aujourd’hui, c’est un criminel.
Tel autre fumait deux paquets de Saint-Michel par jour. C’était son droit de se foutre en l’air selon sa recette. Personne n’y trouvait à redire. Aujourd’hui, c’est un malade qui s’ignore. Et l’Etat le saigne à blanc, histoire de joindre à sa manie une détresse d’argent.
Celui qui s’abonnait à « La pensée anarchiste » ou lisait « Mein Kampf » était une curiosité. Maintenant, c’est un suspect dangereux. Enfin, qui préférait dormir jusqu’à midi plutôt qu’aller bosser, ça ne regardait que lui. Maintenant, ça regarde Marie Aréna.
On a connu le temps où dans certaines entreprises, on évitait d’engager des syndicalistes, sinon des travailleurs qui ne baissaient pas la tête devant le patron. A l’époque d’André Renard, on ironisait dans La Meuse sur les voyous à casquette, maintenant quand on en repère un, il se fait cracher dessus par la valetaille qui bouge son froc devant l’Autorité, le Parti ou le Patron. Forcément, cela fait une population d’aigris qui reportent sur ceux qui n’en peuvent, la haine qu’ils ont en eux.
La pire condition n’est-elle pas d’être pauvre, en ce siècle où vous n’existez plus que par votre compte en banque ?
Ces « braves gens » renoueraient, s’ils le pouvaient, avec la délation à l’ennemi si elle était possible en temps de paix. Ils se rattrapent en adorant l’Autorité en place.
Les marginaux sont conspués. Les opinions contraires anéanties par des Lois.
C’est simple. Un type qui n’enlève pas sa casquette à tout bout de champ, un type qui ne s’excuse pas toutes les minutes d’exister, c’est forcément un ennemi de la Nation.
L’opinion centriste assimile toutes les oppositions à l’extrémisme de droite ! L’accusation de gauchisme ne fait plus recette. Traiter l’adversaire de poujadiste, voire pire, c’est mieux. C’est une accusation qui a beaucoup de succès chez les socialistes.
Ceux, qui posent des affiches « L’extrême droite ne passera pas. » sont évidemment au-dessus de tout soupçon ; alors que si, on y réfléchit bien, ils font le lit du Vlaams Blok et du Front National, par l’impuissance du système, dont ils procèdent, à endiguer le chômage. Ils font aussi le lit de l’extrême droite en pensant que l’acquis social doit céder devant la nécessité économique.

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Ce qui marche fort, c’est accuser l’autre de raciste.
Les pires, ce ne sont pas les salauds, les nuisibles, qui se postent à leur fenêtre calepin à la main, afin de noter les anomalies d’en face. La pire engeance, c’est le con, bon citoyen, bonne conscience, bonne gueule qui croit tout ce qu’il dit, parce que tout ce qu’il dit est le couplet officiel. Il pense faire une œuvre utile en défendant ses idéaux : une fausse démocratie, un capitalisme ravageur, une écologie qui passe derrière les intérêts industriels. Sa tactique favorite, c’est le dénigrement systématique de tout ce qui le contrarie. Les arguments contraires sont toujours dépassés. Ils ne concernent que le siècle dernier. Lui, c’est l’homme de progrès qui pense à demain. Il est lié à la science en marche et aux découvertes. Il n’a jamais tort.
C’est le genre de type qui estime que cette société réussit à merveille et que le million de chômeurs est un accident inévitable de l’histoire. Il ne croit pas que nous empoisonnons la nature et que celle-ci tôt ou tard vomira sa colère sur nos enfants. Il croit aux bienfaits de l’industrie, une industrie qui se nourrit de ressources naturelles inépuisables. Il est persuadé de l’infinie progression de l’humanité.
Il ne voit pas que les Etats-Unis ne peuvent être rejoint dans leur civilisation de consommation par l’ensemble de l’humanité, sous peine d’asphyxie générale. Par conséquent, il ne voit pas l’abîme qu’il aide à ouvrir sous les pieds de tous.
C’est ce con, le vrai problème. Il est responsable du marasme dans lequel nous pataugeons. Il réduit de véritable idéaux à la taille des productions matérielles.
Evidemment, c’est l’homme qu’il faut dans un Etat comme le nôtre.
Traité par les riches comme par les marginaux de con, que voulez-vous que je dise de plus du citoyen moyen?
Oui : c’est un con absolu.

27 août 2004

Le FOREM crée une nouvelle profession.

Dans le cadre des grandes conférences pour l’Emploi, la direction du FOREM sous la haute responsabilité de Mademoiselle Laprude, déléguée du Gouvernement, est heureuse de vous présenter le Professeur Eugène Poignet, du service de gériatrie de la Citadelle, qui va vous parler d’une profession nouvelle : branleuse en maison de retraite.

Mesdames, Mesdemoiselles,
Sous l’impulsion de notre Ministre, Madame Marie Arena, nous créons dès septembre une section d’aides-soulageantes ou aides-poignantes, qui complètera avec un cursus d’une année supplémentaire le diplôme d’aide-soignante.
Avant de vous en dire plus, quelques mots d’explication.
Certains de nos contemporains ne se disent progressistes que pour masquer leur ignorance.
Ils ne reprennent volontiers de Potier que cette seule phrase « Du passé faisons table rase ». Ainsi, c’est clair, inutile de leur servir que l’histoire se répète et que la connaissance des événements d’hier pourrait conduire à expliquer ceux d’aujourd’hui.
Oui, mais voilà, ces progressistes qui constituent à gauche comme à droite le fond du militantisme actif de l’honnêteté citoyenne, sont à certains points de vue terriblement passéistes.
La plupart d’entre eux défendent une société de mœurs exemplaire. C’est ainsi que plus d’un en sont encore aux théories du docteur Demeaux qui en 1857 résumait leur point de vue au sujet de la masturbation dans une note parue au Moniteur des Hôpitaux : « …sur les moyens d’en prévenir ou réprimer les abus dans les établissements consacrés à l’instruction publique ».
Joignant ses vociférations prémonitoires à celles du bon docteur Lallemand, Demeaux multipliait les représentations apocalyptiques, stigmatisant une colossale épidémie prochaine, allant jusqu’à prévoir la dégénérescence de l’espèce humaine.
Nos progressistes question mœurs en sont à peu près restés là.
Les tableaux qu’ils font de la sexualité en 2004 est grosso modo ceux que l’on faisait sous Napoléon III.
Voilà que l’expérimentation moderne vient de leur donner tort, à en croire la revue Sciences.
La masturbation prévient le cancer de la prostate
Dangereuse ! Scandaleuse ! La masturbation a longtemps été considérée comme la mère de tous les vices. Mais voilà une étude qui pourrait définitivement tordre le cou à ce mythe. Des pratiques solitaires fréquentes préviendraient le cancer de la prostate, responsable de 10 000 décès chaque année. "Tu vas devenir sourd !", "Ça va te rendre idiot !"… De telles menaces ont longtemps contribué à la mauvaise réputation de la masturbation. Mais alors que le caractère inoffensif de l’onanisme est aujourd’hui démontré, voilà qu’une nouvelle étude scientifique lui attribue même des effets bénéfiques. Pratiqué fréquemment, il pourrait prévenir le cancer le plus répandu chez l’homme.

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Conclusion de l’équipe médicale : Plus les hommes éjaculent entre 20 et 40 ans, moins ils risquent de développer un cancer de la prostate. Et la prévention n’attend pas le nombre des années, puisque l’effet protecteur le plus visible concerne les jeunes hommes. Les hommes qui éjaculent plus de cinq fois par semaine durant la vingtaine d’années réduiraient d’un tiers leur risque de développer un cancer de la prostate au cours de leur vie !
Nous pensons qu’un brusque arrêt des pratiques de la masturbation avec l’âge et dans la gêne d’une promiscuité d’une maison de retraite, conduit le pensionnaire de cet établissement à des problèmes prostatiques. Les séquelles de l’âge, quoique le tremblement des mains ne soit pas incompatible avec ces pratiques, conduisent le troisième âge à perdre la pulsion nécessaire à l’éjaculation libératrice. Une aide féminine et accorte paraît nécessaire. Il s’avère donc indispensable de former des jeunes aides-soignantes à la pratique de la masturbation chez les personnes âgées, seules capables de leur redonner le goût au plaisir curatif. Dans le passé, les Sœurs des Hospices l’avaient déjà compris. Mais leur aspect revêche empêchait souvent de bons résultats.
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L’année supplémentaire de stage ne peut qu’être bénéfique à la recherche d’un emploi dans ce type d’établissement. En pratique, la stagiaire aura à exercer sa technique sur des sujets jeunes en classe préparatoire, pour finir par des octogénaires abstinents depuis au moins dix ans. Que les enseignants se rassurent nous avons déjà, après un appel dans les établissements concernés, une liste impressionnante de seniors volontaires.
Les règles de l’examen oral n’étant pas encore établies, la première session d’examen pratique se déroulera en public, sous la présidence de la Ministre, au théâtre Royal de Liège. Je veillerai moi-même à faire passer les tests aux plus douées de nos futures diplômées.
- Monsieur le Professeur Eugène Poignet, la ligue contre la prévention de la Prostate, les personnels des cars de visites préventives de cette terrible maladie et tout le personnel enseignant du FOREM vous remercient de nous avoir consacré une après-midi. Si vous voulez passer dans mon bureau pour m’expliquer la technique que vous préconisez ?
- Chère demoiselle Laprude, ce serait avec plaisir, mais cette technique n’est enseignée qu’aux personnes de moins de trente ans. En effet, nos pensionnés, plus ils sont vieux, plus ils sont sensibles à l’aide-poignante jeune. Néanmoins votre intérêt mérite notre considération. Je vous enverrai dès demain un assistant.
- Vous avez des photos ?

26 août 2004

Biais motivationnel chez les Michel.

Drôle de démocratie au MR !
Le sprint pour la présidence découvre des mœurs bizarres chez les gros bras du parti.
Les Dudus (Ducarme et Duquesne) ont disparu sans laisser un grand souvenir. Restait à Louis Michel de propulser Charles, le fils aimé, sur la plus haute branche.
On connaît sa manière de procéder : réunion préliminaire, entrevue informelle, en-dehors des instances superbement ignorées. Las ! le fils, malgré les intrigues, ne plaît pas. Sa jeunesse, son inexpérience, le favoritisme éhonté dont il a déjà été l’objet, ne plaident pas en sa faveur. Même ceux qui n’avaient rien à refuser à la famille se sont défilés.
Ce qui fait que, Didier Reynders, le candidat naturel, est apparu comme une évidence.
On connaissait les ambitions du louveteau, il ne restait à la famille Michel qu’à mettre à jour la liste des prétendants, en espérant que le fiston ne soit pas le seul à défier Reynders.
Serge Kubla qui se croit un destin national était tout indiqué.
Ces trois là ainsi regroupés dans une même ambition, se surveillent désormais de près.
Le match aurait pu s’avérer serré. On aurait assisté à ce qui devrait arriver plus souvent, un débat au sein d’un parti suivi d’un vote.
Faut-il le dire ?... de mémoire, on n’a presque jamais débattu en public de la présidence au parti socialiste. Le président y sort d’un chapeau, un feutre mou, dont on ne sait ce qu’il contient. Alors, vous pensez, c’était l’aubaine pour un parti de droite de faire la nique à la gauche.

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Eh bien ! non. La Tradition sera sauve.
Il paraît qu’un débat donnerait une mauvaise image des bleus.
Les compères vont s’arranger. Charles Michel aura une responsabilité en rapport avec sa « forte » personnalité et Kubla se verra vice-roi des bleus, ce qui lui ira comme un gant.
Tout le monde sera content. Le nom du beau Didier sortira d’un chapeau claque sous les acclamations.
C’est-y pas beau, la démocratie, vue sous l’angle de la magie ?
Je crois que les raisons secrètes de cette nomination stalinienne dans cet antre du libéralisme démocratique tiennent dans peu de mots.
Imaginons que le trio se présente et que l’Assemblée les départage.
Il faudra faire le décompte des voix. Et si Charles n’obtenait qu’un tout petit nombre de bulletins ?
Il s’avérerait que Charles est bien le fils de l’autre. Même le père y perdrait. Le clan serait déforcé pour longtemps.
Comme contre-réclame, on ferait difficilement mieux.
La chose est réglée.
Soyons attentifs aux premières actions de Reynders, dès que sa nomination sera officielle.
En effet, il ne passe pas pour un libéral « social », tendance Michel. Que faire pour redonner du punch à un parti dans l’opposition et qui va se durcir sur sa droite ?
Joëlle Milquet en a fait l’expérience, quand on est out, on a difficile d’en sortir. Loin des feux de la rampe, les gens perdent l’habitude de vous. Le pouvoir attire, ne serait-ce que pour les places que l’on obtient par favoritisme. L’opposition est austère et difficile.
Il faudra attendre la fin de l’année pour sentir chez les bleus l’orientation du nouveau président.

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A sa place, je me méfierais des Michel, quand bien même le vieux est à l’Europe pour un bon bout de temps. On a déjà vu son retour en fanfare par le passé sous les acclamations d’un MR en pleine déroute. Le fils est nul, certes, mais, s’il ne nous fait pas une névrose d’abandon, il peut triompher des maladresses du nouveau président. Si Didier le laisse cavaler dans la prairie libérale avec ses génitoires, il peut semer de la graine de révolte du genre mondialisme économique « social », pour faire comme papa. Le futur président MR a donc intérêt à le voir devenir le bœuf de l’histoire, le plus vite possible.
La rentrée promet d’être chaude.

25 août 2004

Quand on n’a pas la flamme…

On a surpris le baron de Clou-Certain à la tribune du stade olympique d’Athènes à côté de Sophie d’Espagne, ex de Grèce. Un journaliste de la Cité Ardente déguisé en Démis Roussos était présent. L’interview a été refusée par tous les journaux belges, à cause du boycott de l’association des rédacteurs en chef. Voici la version intégrale.

-Monsieur le baron Pierre de Clou-Certain que pensez-vous des JO de 2004 ?
- Je suis déçu. Je le disais à Sophie il y a cinq minutes, je pensais que les Américains descendraient en-dessous des 7 secondes au cent mètres et que le marathon serait allongé de quelques kilomètres pour faire trois heures de rediff en intégrale. Franchement, je m’attendais à mieux.
- Pourtant, on y a vu de grosses pointures !
- Vous voulez parler du nageur australien Ian Thorpe qui chausse du 54 ?
- Non. Je parle des Chinoises, championnes olympiques du Badminton.
- Le volant n’est pas ce qu’il faudrait. On devrait le remplacer par une balle et baisser le filet à hauteur des hanches.
- Mais, alors, ce serait du tennis !
- Non, parce que le tennis, on rehausserait le filet et on lesterait la balle de plumes.
- Les traditions antiques ont été respectées. Prenez le tir à l’arc !
- …et à l’autogène, car il faut souder les ferrailles d’un arc moderne pour le rendre présentable. Quant à la longue vue à la disposition du tireur, Copernic n’avait pas la même.
- Vous critiquez tout ! L’aviron, tout de même, les Grecs avaient des galères !
- Nous aussi. Mais elles seraient plutôt dans la mévente des billets.
- Vous trouvez qu’il n’y a pas assez de spectateurs ?
- C’est entendu, il y a des milliards de sportifs qui suivent les JO à la télé ; dès qu’il faut payer, on ne voit plus personne. Nous sommes bien tous les mêmes ! Mon cousin, le roi Hassan, qui a un paquet d’actions, a bu la tasse … C’est un comble, lui qui n’est pas nageur !
- Vous avez bien un sport préféré ?
- La machine à sous et le billard à trois billes.
- Mais ce sont des jeux de café !
- Et alors ! Je vais reprendre l’affaire en main et créer les JO de café, avec championnat de fléchettes en salle et course de garçons. Le roi Fahd d’Arabie est sur le coup.

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- Monsieur le baron de Clou-Certain, vous n’êtes pas sportif !
- Qu’est-ce que vous en savez ? M’avez-vous déjà vu sur un stade ?
- Jamais.
- A la piscine ?
- Pas que je sache.
- Disputé un match de basket-ball ?
- Non.
- Sauter les obstacles sur le dos d’un cheval ?
- Pas davantage.
- Faire un tour de vélodrome ?
- Il ne me semble pas.
- Coach de la blonde norvégienne du triple saut ?
- Non, mais je vous ai déjà vu avec une sosie de la brune espagnole du 110 mètres haie.
- On peut très bien ne pas aimer le sport et n’en être pas moins sensible aux sportives.
- Vous n’avez pas suivi les JO ?
- Si, si… parfois en zappant, on tombe sur quelque chose.
- Qu’avez-vous vu ?
- J’ai vu Amélie Moresmo chasser des mouches contre Justine Hennin.
- Fier d’être Belge, hein ! avouez ?
- Fier de quoi ?
- De la médaille d’or de Justine, pardi !
- S’il y a bien une chose dont je me fous !...
- Même pas de ça ! On peut dire que vous ne respectez rien.
- Vous exagérez.
- …que vous dénigrez les choses les plus belles… que vous salissez tout.
- Dites donc, camarade, j’ai déjà quelqu’un qui me dit la même chose toutes les semaines !
- Vous voyez que d’autres pensent comme moi !
- Vous êtes socialiste bon teint ?
-Pourquoi me demandez-vous cela ?
- Parce que vous tenez le même raisonnement.
- De qui ?
- De mon abonné du téléphone.
- A quoi voyez-vous que je suis socialiste ?
- Laïque, libre penseur ?
- Mais enfin !
- Une dernière question.
- Allez-y.
- Détestez-vous Evelyne Huytebroeck ?
- Qui est-ce ?
- D’accord ! Vous n’êtes pas pareil…

24 août 2004

L’Europe de droite que la gauche aime.

Ça ne tourne pas rond pour les Eliotins en ce moment.
Le PS a tout faux à l’Europe par rapport aux engagements pris devant ses électeurs.
Pourtant, tradition d’amitié avec le capital oblige, la smala entière s’apprête à voter pour la Constitution européenne. Et ce ne sont pas les verdeurs de langage et les vibrantes internationales du haut des tribunes qui changeront grand-chose.
Voyons où sa coince :

a) Le marché unique ou la concurrence est libre et non faussée est bel et bien maintenu dans toute sa foi dans la mondialisation de l’économie. Les rosés avaient demandé que les termes « une économie de marché ouverte ou la concurrence est libre » soient remplacés par « une économie sociale de marché ». Le mot « sociale » était de trop.

b) L’exigence d’un salaire minimum européen dont le Français Strauss-Kahn avait établi le principe « …un revenu minimum européen dont le niveau serait calculé dans chaque Etat membre en fonction du revenu moyen de cet Etat », la majorité libérale a dit Niet.

c) Le droit de grève et de lock-out ne fera pas partie du texte fondateur de la Convention.
Le droit de prescrire des prestations minimales dans la lutte contre l’exclusion sociale et la modernisation des systèmes de protection sociale ont été également rejetés.

d) Les barons du boulevard de l’Empereur avaient demandé une majorité simple sur des points sensibles comme la fiscalité liée au fonctionnement de l’économie sociale de marché. La règle de l’unanimité a été maintenue. Ainsi l’Europe est bel et bien verrouillée au cas où un loustic entraînerait d’autres loustics dans un domaine où seule la politique du coffre-fort est indéfectible.

Comme on le voit, les libéraux peuvent dormir tranquilles, les amis socialistes malgré les fracas d’un divorce médiatique en Belgique, les aiment toujours profondément.
Reste que le grand public ne sera pas ou sera mal informé des infortunes d’Elio. Le trop grand clientélisme des médias, l’intérêt de la droite à ne pas trop ironiser sur les malheurs de Gribouille, feront que nous aurons de belles justifications de la déroute de la gauche quand le moment sera venu de la signature solennelle de la mirobolante Constitution.
Cette défaite avalée, camouflée en geste généreux pour l’Europe, les Socialistes au pouvoir se défouleront sur nous. On peut compter sur la redoutable Marie Arena pour nous faire sentir que l’égalité des chances, ça se mérite.

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Qui a dit que le suffrage universel servait le plus grand nombre ?
Reste que malgré la bonne volonté de la gauche socialiste à « écraser », la Constitution est un machin tellement incompréhensible que les rédacteurs ne sont même pas d’accord entre eux. A quatre-vingts ans, Giscard d’Estaing a signé là son plus beau roman. On y reconnaît sa philosophie qui se résume à celle de Louis-Philippe « Enrichissez-vous ». Sa tournure d’esprit qui consiste à parler cinq minutes pour dire « entrez » et un quart d’heure pour vous demander si vous prenez un ou deux sucres dans votre café, le met en pole position pour revenir à sa vocation première : chantre des volcans d’Auvergne où il a fait merveille.
Quant à Jean-Luc Dehaene, le d’Alembert de l’Encyclopédie du rond-point Schuman, il a beau raisonner en flamand et volapuker en français ou raisonner en volapuk et parler en flamand, il restera toujours le bon gros qui nous a bien eu, jadis, quand il nous a saigné à blanc pour entrer dans l’euro. Que ses fans se rassurent, il n’a pas changé.

23 août 2004

La génération Elvis.

Entre 1963 et 1977, trois événements restent en mémoire : l’assassinat de Kennedy en 1963, Neil Armstrong foule le sol lunaire le 20 juillet 1969 et le 16 août 1977 Elvis Presley meurt; trois événements américains qui ont fait le tour du monde. Ceux qui avaient vingt ans en 1960 se souviennent encore de la mort du chanteur, quant aux deux autres, ils font partie de l’Histoire.
Cette semaine du Quinze Août, on commémorait la mort du King. Ses anciens fans, très nombreux, ont afflué à la propriété de Graceland sur l’Elvis Presley boulevard (plus de 700.000 en 2003).
La génération 60 garde surtout le souvenir du dernier Elvis, bouffi, grotesque dans des habits de colonel de l’armée mexicaine du temps de Zapata, mort d’une overdose. Les punks s’en sont assez moqués, eux qui ne valaient guère mieux avec les cheveux taillés en crête de coq et les vêtements découpés aux genoux et aux fesses.
Et aussi de ses films de série B, simplistes pour ne pas dire simplets, tournés plusieurs années avant la déchéance et qui sont restés malgré les scénarios ringards et le pitoyable jeu d’acteur, des films cultes par la magie d’une voix et d’un rythme.
Aujourd’hui, les inconditionnels de TF1 ne sont pas surpris des scènes kitch des films du King, habitués des outrances d’artistes qui s’essaient à l’extravagance pour allumer le public.
Oui. Mais, derrière cette pacotille à l’américaine, imitée par Claude François à la fin de sa vie, il y avait une voix et un talent. Les artistes génération Lelay ne sauraient en dire autant.
Ce chanteur mort il y a vingt-sept ans fait toujours des émules, sans parler des imitateurs qui comme ceux de Cloclo, se disputent la gueule la plus ressemblante et la voix la plus proche.
Britney Spears copie les costumes. Un crooner hollandais complètement nase et inconnu, Junkie XL, en duplicata sauvage des chansons du maître, fut un temps au hit des tubes à Londres. Eminem quand on lui parle du King a la larme à l’œil. Comme prédateur des musiques noires, lui aussi, comme Led Zeppelin et tant d’autres, se pose un peu là. Les enfants de moins de six ans assaillent leurs nounous pour qu’elles achètent la bande de Lilo et Stich de Disney qui est une compile des succès du chanteur.
Elvis n’échappe pas aux toqués qui le croient vivant. Ils ont de la matière « mystique » pour alimenter leur paranoïa, à commencer par une sérigraphie d’Andy Warhol, l’icône que les amateurs trouvent encore dans les boîtes à souvenirs.
On en a presque oublié Chuck Berry, un autre initiateur de cette musique qui a valu les déhanchements suggestifs de la génération Presley et ouvert la marche vers les discothèques actuelles.
On pourrait refaire la complainte des chanteurs disparus de Gainsbourg que chante de sa petite voix chétive son ex compagne Birkin, avec ceux dont on parlent moins et qui ont, pendant le triomphe du phénomène de Memphis, poursuivi des carrières novatrices : Jerry Lee Lewis, Buddy Holly, Eddie Cochran, Roy Orbison et même Gene Vincent.

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Certes, ces chanteurs-compositeurs ne sont pas inconnus, mais à côté d’Elvis !...
Elvis est pour tous et pour plusieurs générations encore, le King du rock’n’roll.
Il a su prendre les plus belles mélodies du blues pour les transformer et les faire connaître au monde entier. Elvis, à ce titre, est plus un recréateur, qu’un créateur. Les Beatles et les Rolling Stones lui doivent beaucoup.
Le plus insolite dans tout cela, c’est qu’Elvis n’avait d’autre ambition que celle de devenir acteur et qu’on ne vienne pas dire que c’est le fameux colonel Parker qui l’a poussé à tourner la série de navets que la télévision nous repasse de temps à autre.
Il se rêvait en James Dean descendant la route 67 en Harley-Davidson.
Ses navets lui ont rapporté autant de fric que ses concerts. Tout ce que le chanteur touchait se transformait en dollars.
Son image de camionneur rebelle a fasciné l’Amérique pendant toute sa carrière, alors qu’il n’était qu’un bon p’tit gars de Tupelo (Mississipi), vouant un culte à sa mère et à sa famille, avec un penchant pour le conservatisme, au point de finir dans la grande variété à égalité avec Sinatra.
Lorsque sa fille a épousé Michael Jackson, on a plus parlé de lui que de l’époux.
Malgré cela, malgré ses amitiés douteuses et notamment avec Richard Nixon qui le nomma agent de la Drug Enforcement Agency, ses hypocrisies vis-à-vis des Beatles qu’il invita dans sa propriété de Bel Air pour les dénoncer plus tard au FBI comme dangereux pour la jeunesse, il est resté et restera le King à jamais...
On a beau être prévenu contre lui pour toutes sortes de raisons, la magie agit toujours. Love mi tender Elvis… Remember

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22 août 2004

Sabra et Chatila : 16 et 17 septembre 1982.

S’il est des anniversaires pénibles de massacres, de génocides, de périodes noires durant lesquelles des gens meurent dans des bagnes, dont on rappelle régulièrement aux nouvelles générations, le sacrifice ; il en est d’autres tout aussi horribles, mais qui pourtant sortent des mémoires, parce que leur souvenir est moins entretenu… parce que des éléments qui ont poussé à ces crimes persistent encore et que les antagonismes ne se sont pas éteints avec le temps.
Parmi ceux-là Sabra et Chatila.
Les 16 et 17 septembre 1982, des tueurs d’une milice extrémiste chrétienne libanaise appuyés par des éléments de l’armée israélienne sous la responsabilité d’Ariel Sharon, alors général, commet un massacre dans ces deux camps de réfugiés.
Les réfugiés sont de pauvres gens chassés de leurs villages, de leurs maisons, de leurs lieux de vie ancestraux par l’effet de la guerre de six jours et la volonté d’Israël d’agrandir ses territoires en toute illégalité. Ils ont erré, puis se sont installés provisoirement au Liban. Où voulez-vous qu’ils aillent ?
De ces deux journées sanglantes, on sait aujourd’hui que les forces israéliennes stationnées à proximité ont tout vu et peut-être tout dirigé depuis les tourelles de leurs chars. Ils laisseront faire cette tuerie pendant trente-six heures durant lesquelles les assassins se promenèrent dans les « rues » de ces bidonvilles, saccageant, tuant, sans distinction d’âge ni de sexe, des innocents, victimes désignées de tous les conflits.
Selon la protection civile libanaise, mais les chiffres qui auraient pu être revus à la hausse n’ont jamais été confirmés, 1500 Palestiniens sont massacrés.
Le but recherché est de faire plier bagage à Yasser Arafat au Liban. Celui-ci le quittera définitivement le 20 décembre avec 4000 combattants palestiniens.
Restent quelques témoignages de rescapés, pauvre mémoire effacée par d’autres drames, d’autres conflits et singulièrement mise sous le boisseau par une grande partie des médias plutôt intéressée à vanter la démocratie israélienne et à masquer les horreurs dont cet Etat artificiel s’est rendu coupable.

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Loin de moi la pensée d’opposer deux drames si dissemblables tant par la portée internationale que par le nombre des victimes ; mais, c’est en songeant à ceux qui tous les jours sont victimes des exactions de l’armée israélienne, à ce peuple palestinien martyr, que je pense aujourd’hui, à quinze jours de la commémoration des massacres de Sabra et Chatila.
A chacun sa commémo.
De Sabra et Chatila resteront les images d’un charnier à ciel ouvert, dans lequel les assassins passent et repassent poursuivant de nouvelles proies, en trouvant d’autres cachées et apeurées.
Pas de comparaison possible, pas d’emphases et de trémolos inutiles, comme d’autres savent si bien le faire pour d’indécentes rivalités de la souffrance. C’est un massacre, un nouvel Oradour, une boucherie d’où tout sentiment humain des bourreaux s’exclut.
Aujourd’hui, ces pauvres gens, entassés au buldozer dans des fosses communes, reposent anonymement quelque part dans les collines. Sait-on encore l’emplacement des trous rapidement comblés par le temps, qui leur ont servi de tombes ?
Un témoignage d’un officier israélien nous glace encore le sang vingt ans après.
Avec ses hommes, il tente de faire rentrer les survivants dans ce qui reste debout de leurs baraquements, après 36 heures d’attente que les phalangistes aient fini leur besogne.
Il tente de rassurer les gens : « Il n’y a plus de phalangistes. Ils sont partis… »
- Comment sont-ils venus, demande quelqu’un ?
- Il y a deux jours, ils sont parvenus à infiltrer nos lignes. Nous avons été surpris.
Pauvre mensonge : ouverture du front, comme pour le passage de la mer Rouge, à ces centaines de tueurs !...
- Et vous n’avez rien fait pour les arrêter, demande-t-on encore, incrédule ?
- Nous ne contrôlons pas les phalangistes. Ils sont venus prendre leur revanche.
Pauvres raisons. Pauvres dialogues.
Cela fait penser au sans-gêne de l’ONU lors du massacre des dix paras belges au Ruanda, à cette impuissance collective auparavant lors des massacres de Tutsis par les Hutus, à cette indécente passivité des soldats hollandais chargés de protéger Vukovar, face aux agresseurs serbes, parce qu’ils n’avaient pas mission d’arrêter les tueurs.
Protéger la vie d’un civil menacé, interdire de toucher à un seul cheveu d’un enfant, défendre jusqu’au bout un vieillard qu’on insulte et qu’on frappe, valent mille fois l’ordre d’un général d’abandonner le terrain aux tueurs. Il y a certains ordres qui sont des crimes.
Toutes les Armées du monde feraient bien de s’en souvenir.
Aujourd’hui, on sait qui sont les tueurs. Une vétitable enquête internationale n’a jamais été menée. Les assassins de Sabra et Chatila courent toujours.

21 août 2004

Tant que ça roule !...

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La pompe à phynance s’amorce principalement en Belgique grâce à la nappe phréatique sous la bagnole. L’automobiliste belge est dans le groupe de tête des contribuables du monde entier à cracher au bassinet pour conserver le droit de conduire.
Comme le nombre de candidats au teuf-teuf va toujours croissant, les stratèges des hauts lieux auraient tort de se gêner.
Les Lois de contraintes ont beau pleuvoir, les permis coûter de plus en plus chers, les contrôles de plus en plus aberrants (le dernier qui traite du dessin des pneus va loin dans la connerie), les amendes, les brimades, les radars, rien n’y fait. Le public ne montre pas de lassitude. La bagnole, on en veut !
En contrepartie, l’Etat a aménagé l’environnement pour satisfaire les motorisés, rien que les motorisés. Le béton a coulé à flots. Le réseau d’autoroutes est un des plus denses d’Europe. L’éclairage façon sapin de Noël du moindre tronçon étonne jusqu’aux cosmonautes. Le rail et les transports maritimes ont été, par force, relégués à la portion congrue, loin derrière.
Tout irait pour le mieux dans le sens de la rafle des sous des accrocs du volant, s’il n’y avait une menace redoutable pour la poursuite du piège à cons.
C’est le prix inquiétant des carburants.
C’est si tangent qu’on a abandonné l’idée de faire payer le droit de rouler sur autoroute, qu’on a stoppé le législateur qui voulait faire allumer les phares en plein soleil, comme les Hollandais, que certaines amendes exagérées ont été revues à la baisse et qu’enfin la dernière idée de ristourner une partie des fonds récoltés à la police locale est retournée au Conseil d’Etat pour cause de vice de forme.
C’est que le plus clair des rentrées ne se fait pas sur le dos de l’automobiliste riche, mais sur celui des automobilistes pauvres puisqu’ils sont les plus nombreux. Dans cette chasse au Colvert, c’est le petit dernier qui écope. Qui est le plus sensible aux fortes hausses du carburant ? Mais, c’est le clochard de l’embrayage, bien entendu. La perspective d’un désengagement des petits dans l’aventure automobile fait cauchemarder Didier Reynders, sans compter l’effet désastreux question popularité, pour tout le monde.

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Le complexe de l’auto-tamponneuse fait place au complexe du fuel.
Champion hors concours des prélèvements liés à l’automobile, chez nous, le prix à la pompe du carburant est aussi, forcément, un des plus élevés d’Europe avec la France. A 44 $ le baril, et demain peut-être 45, 50 $ voire davantage, si momentanément c’est tout profit pour l’Etat qui voit son pourcentage s’élever avec la facture de l’OPEP, ce sera demain le signe d’une débandade et la replonge dans l’inflation.
Les brillantissimes découvreurs de l’économie, stagiaires de cabinet et vedettes des partis délégués à l’ardoise, auront beau argumenter que cette augmentation sera pour tout le monde, il s’avérera que, par exemple, l’Amerloque qui a l’essence au prix de l’eau gazeuse, sera beaucoup moins touché que nous et pourra, de toute manière, durer dans son mode de vie beaucoup plus longtemps que l’Européen.
Ce qui aura, dans les années décisives que nous allons vivre, une importance considérable.
Parce que dans les alentours de 2010, la pénurie de carburant n’aura nul besoin d’être artificielle pour spéculer sur les cours du brut, elle sera réelle.
Quid des autoroutes, des milliards engloutis dans ce moyen individuel de transport ?

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Il est effrayant de constater que nos hommes politiques savent cela et qu’aucun n’a le courage de dire les choses telles qu’elles sont.
Il sera encore temps quand nous serons dans le malheur, de nous dire qu’ils l’avaient prévu.
Il est à remarquer que ce pays continue de surtaxer le prolétaire, de gonfler la note de la TVA, bref, de privilégier le capital et les capitalistes, alors que nous sommes, paraît-il, dans une phase qui s’ouvre carrément à gauche.
Que peut-on faire ?
Payer jusqu’au jour où l’on ne pourra plus ?
Alors, nos grands génies diront exactement ce que dit l’auteur misérable de ce blog. Et c’est encore nous qui passerons pour des imbéciles.

20 août 2004

A Liège, La Bohême au Palais des Princes Evêques …

- Monsieur Gazoline, vous allez mettre en scène la Bohème au Palais des Princes Evêques à Liège. On sait votre conception révolutionnaire du théâtre lyrique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
- Plousse… kèkè tou vau dire ? Le signor Gazoline ne proute pas della langua…
- On a lu sur la Meuse que le rôle de Mimi serait tenu par un homme ?
- Ma si c’est la Mouze qui dit ! Cé vrai. Jé oune haute-contre kè très biène. Dans mon spectak, il féra el rolo dè Nini.
- De Mimi, vous voulez dire ?
- No, tou a bienne entendou. Nini. Nini c’est oune homme petitè, flouettè, malade d’avoir foumé trop dè cigares.
- Vous voulez dire qu’il a le SIDA ?
- Ma tout dè suitè… Kèkè tout raconte ? Il foumè lo cigare…
- Et il garde la fumée ?
- Si tou veuye. Zé voa kè tou è oune connaisseuze ?

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- Nini habite un grenier à côté de celui de Rodolphe, le poète ? C’est l’histoire classique, en quelque sorte.
- Tou veuye tou savouar et tou conné tout ! Rodolfo è oune échangisse qui vî avé trèsse feumes.
- Treize femmes ?
- Non, imbècile, troisse femmes. Sans avoir connou l’amour…
- Il est vierge ?…
- Si. Voulgairément, il a ounè trô grausse kèkête !...
- Mon Dieu !...
- Comme tou dî.
- Et alors ?

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- Rodolfo voudrè bien fourré… Ma, il a pas ounè partner a sa dimensionne… Ounè soar, dans unè cloub eschangiss î rencontrè Nini, déjà trè malade… C’est ounè coup dé tonnèr… Nini è habillè en ounè cara fème do bèlé alloure… Nini ne veuye pad dè Rodolfo… Ma komè cé ounè professionnèle, elle montè per cinkwante euross…
- C’est bouleversant…
- Cé la gruandè cène dan la mansardo dè Rodolfo…
- Celle où la diva chante : On m’appelle Nini, mais mon nom, c’est Emiliene…
- Loussie, pauvrè crétino !...
- Si vous voulez…
- Cé alorsse ké Rodolfo voua ké Nini c’est ounè hombré… Cé ouné dramm. Ma la passionné è la plou forté. Ma il repensse à sa kékête trô formidablé boudino Schumacher… Là jé introdoui ouna cansonnetta napolitano avé mandolino et réfrin… jé tè lé chantt : La kékête à Rodolfo è grosso grosso… è grosso… è Nini réprend : è grosso… è grosso… modo…
- C’est bouleversifiant…
- Miracolo !... per la proumière foa dè sa vida, Rodolfo fé l’amoro… Nini a oune de cé vaze dé nouit comé ouné tounnel sous Cointo… Rodolfo abandonné immediatemento cé très feumes et ossî sa gaiyetè per compagne, car commenss les emmerdements…
- C’est très sombre ce drame. Croyez vous qu’il sera apprécié par le public très connaisseurs en la matière ? Vous savez comme les Liégeois sont difficiles !
- Kèkè tout dî comé bêtiss ! si lou poublik è trè konnaisseuze, il va avoar plèzir… bôcou plèzir…

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- Le spectacle peut-il être regardé par les enfants ?
- Absolutely… perfek… Rien do vizouel. La grossé kékète do Rodolfo è simmbolik... réprézentè par oune baguetto di pano francese...
- Un pain français ?
- Si... simboliko no ? El pîn bianco… Ma la difficoultè è là, yustéman…
- En quoi est-ce difficile d’avoir une baguette de pain français sur scène ?
- Tou lé fè exprèsse o no ? La difficoultè cé d’avouar ouné pantaloné dé Rodolfo qui soa pas ridicoulé avé oune baguetto de pano francese dans la braguetto…

19 août 2004

Des jeunes musiciens déçus…

De jeunes musiciens talentueux et novateurs invitent des amis et connaissances à un petit concert gratuit, histoire de montrer leur savoir faire..
Combien croyez-vous qu’il y eut de présences suite à l’invitation ?
Aucune !...
Pas un seul hotu n’a eu assez de curiosité pour partir à la découverte de ce qu’il ne connaissait pas !
Certes, ces jeunes musiciens ont été maladroits. Ils n’ont pas remué ciel et terre, sollicité les milieux pseudo culturels de Liège à Flémalle.
Ils ne se sont pas traînés aux pieds des critiques. Ils n’ont pas ramassé des savonnettes devant les poètes du troisième sexe. Ils ne se sont pas extasiés aux imitations des artistes à paillettes, les « clodettes » du retour d’âge, les faux Rimbaud et les vrais cinglés.
Ils ont simplement cru à l’amitié et à la franche camaraderie.
Les caves !... les naïfs !...
Ils savent aujourd’hui que les lopettes ne se déplacent que pour se travailler le chinois aux accents aigus de Jeanne Mas, aux coups de gueules bien imités du désormais has been Lavilliers, aux hoquets d’angoisse d’Aznavour ou aux beuglements de l’étoile qui monte, Garou, le Quasimodo-chantant.
Ils se sont trouvé malheureux. Réconfortons-les : dans les conditions actuelles de la création, comment juger de la valeur des musiques ?
Que peuvent faire des jeunes qui veulent montrer leur savoir faire ?
La bande de blaireaux qui fait la pluie et le beau temps à Liège, ne connaît que la chose entendue, ne se déplace jamais en banlieue et ne travaille qu’en fonction de la notoriété de qui sollicite des subsides, possède une salle reconnue, un public fidélisé par vingt ans de bassesse. Défaillir d’admiration à Butterfly, Werther ou Carmen, suivre la messe du curé de Cucugnan, couiner « Et allez donc, c’est pas ton père… » mouiller ses fonds de culotte aux œuvres du répertoire, bramer « c’est un peu court jeune homme… », rire aux plaisanteries d’un café théâtre parisien que Bouteille écrivait lorsqu’il avait dix-huit ans, voilà les audaces de l’intelligentsia liégeoise.
Les subventionnés d’office, les orchestres dispendieux et les théâtres maquereautés par les débris de l’ancienne classe des loisirs de l’ancien Gymnase, suivent une tradition bien liégeoise d’incuriosité. Le discours casse-couilles s’enrichit des poses officielles des émasculés de la pensée.
A la prétention culturelle à Liège, on a de sacrés faisans !...

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Quant au livre, c’est pareil. Qu’on s’y balade un peu, qu’on y rigole modestement. Armés d’une forte brosse à reliure, les poètes nickel liégeois, pour peu qu’ils s’intègrent dans la pensée commune, se font voir aux réunions d’esthète, couchaillent un brin avec le PS, tiennent l’encensoir quand c’est Zébulon qui cause, ou Proutskaya qui vaticine, auront de ces carrières !... Si elles ne dépassent pas la place Saint-Lambert, au moins seront-elles commentées dans le Journal La Meuse .
Ainsi drillés par les flèches locales, ils ont une chance de faire sixième dans un concours et d’avoir une estrade à la future biennale au Palais des Congrès. Avec du bol, ils seront dans les pages « accessit » de la revue littéraire gratuite du ministère de la culture.
Enfin, s’il est vrai que ceux qui ne renoncent pas à créer dans ce roncier de la campagne ont un avenir difficile assuré, ils pourront se consoler en reprenant dans les textes pompiers celui qui correspond à leur parcours, à seule fin que les grandes pointures d’en face le perçoivent : « Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul. » !

18 août 2004

On se donne, mesdemoiselles, on se donne…

- Qu’est-ce que tu faisais avant ?
- Avant, je faisais coiffeuse.
- Non. Je veux dire, avant de me rencontrer ?
- J’avais rencontré quelqu’un d’autre.
- Dans l’après-midi ?
- Qu’est-ce que tu crois ?
- Il te faut du courage.
- Pour tenir le coup, oui.
- Tu ne peux pas traîner.
- Si tu y vas aux sentiments. C’est foutu.
- Qu’est-ce que tu leur racontes ?
- La même chose qu’à toi.
- Ton prénom…

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- Qui est fictif.
- Tu le changes tous les jours ?
- Non. Michelle me plaît bien.
- Rapport à quoi ?
- Aux Beatles.
- Ah oui !… Michelle, ma belle…
- On se trompe, quand on change.
- Tu leur dis quoi, à part ton prénom ?
- Je leur promets du plaisir.
- Tout ce qu’ils veulent ?
- Oui. L’imagination fait le reste.
- Tu as des refus ?
- On voit tout de suite si ça prend.
- A quoi ?
- Si le type est un faible, ou pas.
- S’il résiste ?
- On doit ne pas traîner et chercher un suivant.
- Sans perdre de temps ?
- C’est ça.
- Tu ne les déçois pas, rapide comme t’es, à les finir si vite ?
- Ils seront déçus de toute manière.
- Tu bâcles le travail ?
- Si tu ne l’expédies pas, le type partira jamais…
- Tu leur racontes quoi, pour prendre la porte ?
- …que j’ai mon bus qui part dans 20 minutes.
- …alors que tu leur as promis une heure au moins.
- Il ne faut pas les laisser réfléchir.
- S’ils réfléchissent, ils pensent plus qu’au fric.
- Tu dois les étourdir.
- Surtout si je veux vingt de mieux.
- Pour une prestation en supplément ?
- On trouve toujours dans l’inspiration du moment.
- Quoi, par exemple ?
- Ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça.
- Tu as déjà tout promis, avant !...
- Je me répète, mais avec d’autres arguments. Tu comprends. Les reliures, les fascicules indexés dans un volume supplémentaire. L’abonnement à vie pour actualiser la matière traitée. En ce moment avec les JO, l’encyclopédie du sport marche bien.
- Tu n’as jamais eu une réclamation violente ?
- Je me méfie. J’ai une bombe lacrymogène dans mon sac.
- Tu laisses parfois des regrets ?
- Oui. Le lecteur de Richard III, par exemple.
-Pourquoi ?
- Tu imagines les gros vicieux qui gambergeaient déjà sur une histoire de cul !

17 août 2004

Miracle chez les Chariotins liégeois

- Roquentin IV, on vous a vu parmi vos fidèles au 15zou. Pouvez-vous nous dire d’abord qui était Roquentin 1er ?
- C’est le personnage central de « La Nausée » de Sartre.
- Vous l’avez rencontré ?
- Bien sûr. C’est lui qui a écrit au « Flore » le bouquin qui a rendu le philosophe célèbre.
- C’est Roquentin 1er le fondateur des Chariotins de Liège ?
- En quelque sorte.
- Comment est-il mort ?
- Il n’est pas mort, monsieur Habib Dupont, il a été ressuscité entre les objets consacrés à son culte. Puis, il est monté au ciel.
- Qui sont les Chariotins de Liège ?
- Ils étaient encore 150.000 au 15zou. Ce sont des gens qui croient à la vie spirituelle des objets.
- Des consommateurs, vous voulez dire ?
- Non, monsieur Habib Dupont. Ils achètent, au contraire, des objets pour les sauver de la destruction. Comme Roquentin 1er, ils sentent les ondes positives et négatives leur parvenir depuis des objets aussi différents qu’une brosse à dents ou un godemiché.
- Un godemiché, je comprendrais encore, mais une bosse à dents ? Pourquoi pas un peigne ?
- Si vous venez au temple après le 15zou, je vous ferai rencontrer Céline qui collectionne les assiettes à fondue.
- Bizarre, en effet. Une nouvelle secte de fétichistes, alors ?
- Vous êtes comme tous ces incroyants qui se moquent de tout, monsieur Habib Dupont. Avez-vous déjà palpé des tissus, caressez une cafetière en émail, regardez assez longtemps une boîte à souliers ? Etes-vous certain qu’un pot de moutarde, enfin débarrassé de sa sauce, devient une chose inerte et inutile ? Non, monsieur, l’objet créé ne mourrait jamais si l’homme dans sa folie destructrice ne le détruisait pas. Les Chariotins sont là, pour les sauver des mains impies.
- Pourquoi Roquentin 1er a-t-il appelé ses fidèles les Chariotins ?
- Roquentin est le prophète. Notre Dieu, c’est le Chariot du supermarché. Sans lui que serait notre civilisation ? Je vous le demande ? Rien, monsieur Habib Dupont. Aussi, nous lui vouons un culte. Sur l’autel de notre temple, son effigie repose. Car le Chariot est au ciel.
- Oui, avec la Grande Ours, il y a même le petit chariot.
- Moquez-vous, soyez profanateur, nous avons l’habitude.
- Vous avez un cérémonial ?
- Bien sûr. J’officie tous les dimanches. Nous échangeons des objets. Nous faisons part de nos émotions.
- Une bourse d’échange ?
- Si vous n’avez pas d’autres mots pour qualifier notre assemblée…
- Vous échangez-vous aussi entre humains, comme les bouilloires ou les couteaux à éplucher les légumes ?
- L’être humain est aussi l’objet d’échange ; mais seul le grand prêtre procède à l’échange du vivant…
- C’est-à-dire vous Roquentin IV…
- Oui, j’y procède inspiré par Chariot, notre père qui est au ciel.
- Comment cela se passe-t-il ?
- Le grand prêtre est généreux, il prend les objets et les humains selon sa volonté mais les rend à leur propriétaire après un certain temps.
- Il ne garde rien pour lui ?
- Il ne peut devenir le propriétaire que si la chose ou la personne convient à Notre Seigneur C.
- Il fait parler des ventilateurs ? Il donne la parole aux soupières ?

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- Il est la caisse de résonance des désirs. C’est lui qui interprète la pensée de l’objet ou de l’être humain.
- Ah ! l’être humain aussi ?
- Evidemment. Etes-vous sûr, monsieur Habib Dupont, que la foule déambulante que vous avez vue en Outremeuse le 15zou est consciente de ce qu’elle touche, de ce qu’elle consomme, de ce qu’elle dit, de ses plaisirs, de ses joies, de ses malheurs, de ses espoirs ? Il n’y a que les journalistes qui croient cela.
- Roquentin IV décide seul ! Il doit se taper toutes les gonzesses, enfiler tous les castards si affinité. Tout ça pour l’amour du chariot monté au ciel !

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- Vous n’aimez pas Dieu, monsieur Habib Dupont. Vous n’irez pas au ciel. Mais, peut-être avez-vous une épouse qui souhaiterait y aller ? Ne soyez pas un tyran domestique. Envoyez-là moi, ainsi que vos sœurs, si vous en avez, votre mère, vos tantes, vos oncles aussi. Je leur apprendrai le culte marial de la casserole.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Je reçois mes fidèles nus dans une casserole au bain-marie. C’est notre baptême. Nous appelons ce rite, passer à la casserole. Aucune impétrante ne s’est jamais plainte de son baptême.
- J’ai connu Béatrice chez Vishnou. Je me demande si vos Chariotins ne sont pas pires ?

16 août 2004

Mignonne allons voir si la rose...

Tout baigne pour le PS… seulement aux élections.
Aux urnes, le citoyen wallon adore « li pårti », comme disent les anciens.
Quant à savoir si cette majorité est aussi catégorique quant à son amour pour la politique pratiquée par l’équipe de Di Rupo, ce n’est pas sûr.
C’est un des paradoxes des rapports entre le public et « son parti ».
On attend toujours des socialistes qu’ils fassent une politique de progrès social.
Oui, mais laquelle ? Depuis qu’ils partagent le pouvoir voilà tant d’années avec les autres, on se prend à douter de l’efficacité d’une collaboration avec le reste de l’éventail politique.
« Le progrès » est un mot qui recouvre une vaste combine et peut être annulé d’une session parlementaire à l’autre. Il n’est donc pas constant. Il ne s’appuie sur aucun acquis définitif. Depuis qu’un coup prémédité d’un bureau socialiste sous Spitaels a supprimé sur le papier les classes sociales, on n’a jamais tant lutté à couteau tiré entre les possédants et les possédés. A la lutte des classes artistiquement gommée par le PS, les perdants sont de plus en plus nombreux chaque année. L’insolente fortune capitaliste masque d’insondables détresses.
Plus cette détresse s’accroît, plus le discours officiel est triomphant. A croire que la gauche officielle n’a plus rien à voir avec la gauche des urnes. Nous vivons dans l’imposture totale d’un pouvoir wallon socialiste, pratiquement majoritaire et honteusement inoffensif pour les suborneurs de la population.
C’est le scandale permanent !
En relisant les discours d’il y a cinquante ans, on s’aperçoit que le PS en 2004 est loin d’avoir gardé la tradition socialiste d’émancipation des masses. Sa collaboration avec la droite a déteint sur lui et l’a corrompu.
Se trouve-t-il un brave pour dénoncer la dérive ? Qu’aussitôt des voix de roués s’élèvent pour rappeler que l’européanisation du pays empêche de mettre sur pied une autre politique.
Une question vient alors à l’esprit : à quoi sert encore le socialisme dans ces conditions ?
Le parti est déjà responsable du bouclage de ce qu’il reste des syndicats. Les guichets de la FGTB, dirigeants et permanents sont pleins de ses créatures.
Nous vivons un terrible malentendu.
Tout se passe comme si le socialisme de collaboration était issu directement du POB de nos grands-parents. On l’entend bien dans la façon de dire aux gens ce qu’est le socialisme aujourd’hui. Or, s’il y a bien deux partis différents, c’est bien celui que nous avons plébiscité et l’autre, de la tradition, mort de sa belle mort en 1950-51.

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S’il en avait été autrement, nous n’aurions pas à déplorer une masse inimaginable de chômeurs en augmentation constante, sans qu’il n’y ait eu des heurts graves et des manifestations hostiles au capitalisme ambiant…
Nous ne nous interrogerions pas sur la fracture sociale qui casse la Wallonie en trois morceaux : la plus extrême pauvreté, la pauvreté engendrée part le travail à temps partiel ou intérimaire (une manière comme une autre de descendre en dessous du minimum salarial) et les travailleurs, fonctionnaires et professions libérales, dont certaines couches comme l’artisanat et les commerces de détail glissent vers la pauvreté, voire l’extrême pauvreté.
Si c’est à cela que la collaboration socialiste à l’édification d’un Etat moderne a tendu ces cinquante dernières années, on peut parler d’un échec cuisant.
Aujourd’hui, des jean-foutre qui vont aux affaires sous l’étiquette du PS, vous pouvez essayer d’en trouver un qui n’y va pas pour ramasser du blé et faire carrière. Rien que de connaître les milieux d’où ils sortent, les familles où ils naissent et les écoles qu’ils fréquentent, il est certain que cette engeance ne fichera rien d’utile.
Mais la légende à la dent dure.
L’accession de Marie Arena au ministère de l’égalité des chances, la création même de ce ministère est un signe de l’appauvrissement du tissu social en Wallonie et la preuve que l’égalité des chances tant de fois proclamée comme une réussite sociale, est plus mal en point qu’elle ne l’était il y a vingt ans...
Vingt ans de cogestion socialiste !
On peut craindre le pire.
L’ascension rapide de cette bureaucrate à des fonctions de responsabilité nous la livre avec toutes ses certitudes qui tiennent en peu de mots : le bâton et la carotte pour les chômeurs. C’est bien l’idée d’une spécialiste de l’ONEm que celle qui consiste à sanctionner ceux qui n’auront pas l’échine souple et qui refuseront toutes les inqualifiables merdes qu’on va leur présenter avec la complicité des négriers de l’hôtellerie, des grands magasins, des sociétés de gardiennage et nettoyage, des agences intérimaires, spécialistes des horaires flexibles, avec menaces de mise à la porte sans sommation au cas où les gens refuseraient les contrats bidons.
Si c’est cela le socialisme de demain, c’est pire que celui d’aujourd’hui.
Les socialistes s’arrangent très bien d’un capitalisme qui dérégule tout ce qu’il touche.
En réalité, que se serait-il passé si diamétralement opposé à l’inimaginable emprise de l’industrie et des trusts mondiaux sur les Régions et notamment sur la Wallonie, le parti socialiste avait tenu un langage clair sur l’impossibilité où il était de donner son aval à une société en pleine dérive et à l’opposé de celle qu’il aurait voulu créer ?
Je vois d’ici les notables du parti lever les bras au ciel !
Selon eux l’opposition ne serait profitable à personne.
Cela resterait à prouver.
Au moins, cette opposition-là aurait eu le mérite de dire aux gens « Voyez, nous ne pouvons pas créer la société de bien être que vous seriez en droit d’attendre de votre travail. Nous préférons ne pas participer aux sales besognes qui vont aggraver encore votre misère et augmenter la richesse de quelques-uns. Nous allons réfléchir ensemble aux moyens de vous rendre justice. »
Une opposition forte de la gauche rendrait le pays ingouvernable. On a vu par le passé comme la révolte qui gronde est parfois plus profitable aux masses exploitées que les guignolesques collaborations.
Ce n’est pas évidemment, en boutons de manchettes et en chaussettes de soie qu’on peut mener une telle opposition. Les meneurs naturels de la gauche ont baissé leur froc et font des ronds de jambe dans les cabinets.
Du reste, que je sache, cette génération-ci ne sait même plus ce que c’est de monter sur une table pour parler aux gens. Les militants ont fait place aux minets. La veillée d’arme s’est transformée en banquet dans les Loges dont le PS est friand.
En attendant, belle marquise…

15 août 2004

Le journal d’un con.

Je me réveille avec le sentiment que dans le courant de la nuit un voile s’est déchiré dans ma tête.
Devant la glace de la salle de bain, un autre visage m’apparaît. Je n’avais jamais remarqué le regard absent, la lèvre pendante... J’ai la certitude de vivre une métamorphose. J’ai devant moi quelqu’un d’autre !
Je suis devenu un con !
Que fait un con dès son réveil ?
Se couper en se rasant ? Enfoncer le tube dentifrice par le haut et ne pas le reboucher ? Non.
Je me précipite sur le Journal La Meuse.
Je vais directement à la page des sports et j’ai une joie mauvaise en découvrant la défaite d’Anderlecht.
Durant la nuit, j’étais devenu supporter du Standard ! (Le lendemain, à la défaite du Standard, je deviendrai supporter de Charleroi.)
A la page des commémorations, les vingt ans du championnat de scrabble de la Maison des pensionnés du boulevard Sainte-Beuve, me tirent des larmes d’émotion. Je me promets d’assister à la cérémonie.
Page politique, le premier ministre du gouvernement remanié me plaît davantage que le précédent. Pourtant, c’est le même. Je ne saurais en dire les raisons. Peut-être sa méconnaissance accrue des temps du conditionnel ? Je trouve son ignorance sympathique.

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Aux nouvelles internationales, je remercie secrètement l’équipe formidable de journalistes de ce journal préféré des Liégeois de m’en dispenser. L’articulet sur la guerre d’Irak, les trois mots sur l’amour que les américains vouent au président Bush, cette saine brièveté rencontre mes secrets désirs et ceux des fidèles lecteurs.
Je me promets de m’abonner le plus tôt possible.
Je me sens des responsabilités nouvelles. Mon deuxième mouvement est de courir au grenier où ma grand’mère avait rangé le drapeau de la libération. Sans plus attendre, je le déroule et le met à la fenêtre. La ferraille, où voilà un demi siècle plus tôt la hampe était coincée, se rompt. Un carreau se casse. L’effet de mon nouveau patriotisme est tel, que je n’en éprouve aucun désagrément.
A la commémo du Boulevard Sainte-Beuve, un représentant de la Ville décrit la noblesse du jeu de scrabble et la grande intellectualité de ses adhérents. J’applaudis à me faire mal aux mains. Monsieur Brun-Mou, président du Comité, parle de son riche passé à la RTBF. Je suis le premier à tirer mon mouchoir et à y écraser quelques larmes. La voix du charmeur n’a rien perdu de son velours.
Cette propension à répandre mes pleurs m’est venue depuis mon accès de connerie, sans que j’y prenne garde.
Je suis sorti de la baraque communale le stencil dédicacé du président Brun-Mou sous le bras.
Une demi-heure plus tard, à l’église Saint-Gilles, je suis le seul à déposer un billet de 5 euros dans le plateau pour le soutien aux victimes des catastrophes qui secoueront encore la Belgique dans le futur. Je suis stupéfait de ma conversion au catholicisme.
Cette journée mémorable a son apogée au café avec quelques amis.
Nos conversations habituelles tournent autour des thèmes éternels : le patronat, l’amour, le sexe.
Tout le monde s’étonne de me voir dire le contraire de ce que j’avais dit la veille.
J’ai acquis une culture tout à fait libérale. Je désapprouve les exigences syndicales. Je soutiens les patrons qui menacent de s’installer en Pologne si les prétentions au salaire minimum garanti sont maintenues.
Je prends la défense de Zaventem sur le survol de Bruxelles. Je n’ai plus aucun sentiment amoureux pour Evelyne Huytebroeck.

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Je stigmatise la conduite d’un vieil handicapé qui a recours au service d’une prostituée. L’évocation des rapports vénaux entre cette femme et son client déclenche en moi une telle indignation que le cœur m’en tourne et que je manque m’évanouir de colère.
Je me cite en exemple. Le mois précédent, j’avais surpris ma femme dans les bras d’un pompier. Evidemment, ma nouvelle culture m’a fait pardonner à ce héros national. Le repentir de mon épouse n’a d’égal que son dévouement à nos soldats du feu.
A la fin de la soirée au café, je paie seul l’addition, suivant une habitude de vingt ans. Les autres trouvent cela naturel et ne me remercient même pas. Ce qui prouve bien que ma récente connerie n’est, en somme, que l’aggravation d’une connerie chronique très ancienne.
Avant de me coucher, je tiens à faire plaisir à mon épouse en accrochant au mur de la chambre le portrait de son pompier préféré agrémenté du ruban tricolore des héros de la Nation.
Je refuse de céder à la fatigue et par devoir je fais l’amour à mon épouse. Ce n’est pas trop attentatoire à la pudeur grâce à un petit mouchoir que je place délicatement entre nous, afin d’éviter un contact malsain.
Je prie sainte Rita pour que mon épouse soit enceinte selon le prescrit du pape Jean-Paul II qui n’admet le rapport sexuel que dans l’intention de procréer.
Elle ne me suit pas dans mes actes de grâce, pour la bonne raison que je suis le seul con du ménage, ce qui est amplement suffisant par couple.
Le lendemain matin, je pars une heure à l’avance. J’ai décidé de me rendre au bureau sans prendre le bus à cause des nombreux étrangers qui empruntent ce moyen de locomotion.
J’attends mon patron dans le hall pour le saluer le premier.
Comme il arrive une heure après tout le monde et que c’est une heure de travail perdue pour moi, il me licencie. Je trouve qu’il a raison.

14 août 2004

Peinture d’après... mature !

- Vous peignez, Mademoiselle ?
L’autre, son chevalet au milieu du chemin, à la main, une brosse sur laquelle est écrasé un bleu cobalt, ne va pas dire : « Non, je prends l’air en attendant le soir. »
- On peut voir ce que vous faites ?
Ce n’est pas difficile, derrière l’artiste qui essaie de peindre le sentier du Bouhay.
Parce qu’elle doute de son talent et qu’elle est sensible à l’opinion, l’endroit désert lui paraissait favorable.
L’importun n’a pas l’intention de critiquer sévèrement. Ses moyens intellectuels ne le lui permettraient pas. Il s’en fout de la peinture. C’est la femelle qui l’intéresse.
- C’est bien ce que vous faites.
Il aurait pu choisir « C’est formidable ! », « C’est magnifique ! »
Lorsqu’on drague, il vaut mieux user de superlatifs. Il se pourrait que l’artiste se dise : « Si ce type est au maximum avec « c’est bien. »… C’est que c’est moche » !
Mais, c’est l’éblouie d’elle-même, la nymphette à jamais… Tout compliment la met au bord de l’orgasme.
Elle sourit. Le type prend ça pour un encouragement. Il a raison.
Il quitte la toile des yeux et louche sur la blouse entrebâillée de l’artiste.
Comme il faut chaud, elle est dépoitraillée, mais pas plus qu’à Ostende au bord de mer.
L’artiste a cinquante ans sonné. Ce n’est pas une forte pointure comme Pamela Anderson, mais avec un soutif rembourré, elle fait illusion. D’un brun qui tire sur le roux, elle grisonne depuis dix ans. Ses rinçages auburn avec la chaleur décalquent sur la nuque. Les jambes sont bien galbées. Les cuisses auraient tendance à « frotter »... C’est une femme en deux parties, fluette aux étages et massive sous la ceinture, jusqu’au derrière sur lequel elle a de quoi s’asseoir. .
Le type n’est pas du genre imagination créatrice. Il sait ce qu’il veut, mais il ne sait comment dire.
Il n’ira pas jusqu’à balancer : « J’habite à côté. Ma femme est chez sa mère qui a eu un malaise. Je suis seul et j’ai envie de baiser. » Ce n’est pas un homme de vérité.
Attaquées de pareille manière, certaines demandent du secours sur leur portable.

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Elle ne dira pas non plus : « T’as l’air fluet, mais bon… Si ça te dit… Seulement, je te préviens, je ne fais pas de pipes. La dernière, c’était à mon mari il y a bien longtemps. Ça ne m’a pas laissé un grand souvenir ».
A une telle franchise, il pourrait penser : « J’ignorais que les putes font de la peinture. »
Fluet, mais enveloppé du bide, le riverain amateur d’art touche à la soixantaine. Il serait plutôt maigre s’il n’avait ses durillons de comptoir. Un nez aquilin, un front haut et des petits yeux bruns protégés par des Varilux donnent l’air intellectuel à qui sait à peine lire.
Ravagés par la misère sexuelle du demi siècle, ces deux-là ne se posent pas la question du choix. Ils s’essaieraient bien à tout qui passe à portée.
Le silence pesant ne laisse que deux solutions au promeneur. Poursuivre le chemin qui le mènerait au diable Vauvert, à cause des jardiniers du dimanche qui ont fermé les chemins parallèles aux voleurs de brocolis ou réamorcer la conversation sur le sexe.
- Vous aimez le ris de veau ?
C’est une question idiote. C’est la seule qu’il ait trouvée dans son désert cérébral.
L’autre qui a en tête de décrocher ses toiles d’une salle de restaurant, réplique : « Oui, j’y expose justement. »
Ce n’était pas la bonne question… logique que la réponse ne la soit pas non plus. Le bandeur solitaire sent l’impasse. Sa tumescence l’inspire :
- Votre peinture est profondément sensuelle. Hein ?
L’artiste s’acharne à rendre les tons d’un buisson qui s’apparentent à la couleur de la pistache du glacier de la rue Saint-Gilles. Elle est interloquée. Si le type attaque la question du cul, il n’est jamais bon d’embrayer, la fameuse retenue des dames !
Cependant, elle ne voudrait pas décourager l’initiative.
« Dans toutes les formes de l’art, il y a le piment du désir rentré… » Elle reprend son souffle, la bouche en cul de poule. S’embarquer dans une phrase sans avoir aucune idée de la suite, c’est fréquent dans les vernissages, quand il y a du monde, mais là, au Bouhay…
Heureusement que le candidat, dépassé, se perd en conjectures sur « le piment du désir rentré ». Les piments, c’est ce que sa femme met dans l’osso-buco. « Avec une pointe d’ail, alors » dit lourdement le thuriféraire, en grattant son encensoir par la poche du futal.
L’artiste y voit une comparaison hardie. Elle le croyait stupide. Il l’est. Mais un doute plane.
« La femme s’exprime, dit-elle en étudiant ses mots, même en représentant un buisson aux sarments tourmentés, c’est ma sensualité que je canalise ».
Voilà, elle est lancée… deux doigts du cul.
Les prolégomènes du sexe n’ont jamais valu un clou. Les romanciers qui établissent des stratégies sur des finesses de langage ne connaissent rien à la baise.
Ils sont si près de conclure, qu’il effleure la blouse du dos de la main par une inadvertance calculée. La baleine souple du renforcé lui donne l’illusion de toucher l’aréole et le bouton durci.
Les lèvres vermillonnées entr’ouvertes de l’artiste laissent apercevoir à l’impétrant des dents qui ne sont pas trop abîmées. La langue s’humecte d’une salive aux bulles pétillantes. Les beaux yeux noirs louchent un brin sous la tension. Le souffle est perceptible.
Reste pour l’admirateur à embarquer la chose sur le sommier conjugal. Le bel après-midi n’est plus une fiction.
Au moment du petit baiser sans la langue parce qu’on est au milieu du chemin… le bruit bien connu d’une fiat 500 le cloue sur place.
C’est l’épouse qui rentre fatiguée de bassiner le front de sa mère.
Il se recule, examine l’œuvre une dernière fois puis s’en va disant : « La peinture… la peinture… » comme si la réflexion profonde que ce mot lui inspire a une telle signification qu’il est incapable de rien ajouter.
Le soir l’artiste mettra sa toile à sécher dans l’atelier du rez-de-chaussée, elle fait la gueule. Et c’est quand l’autre imbécile chantera « Quand on n’a que l’amour » de Brel la scrutant de ses yeux de vieux con derrière des grosses lunettes, qu’elle pensera au type de l’après-midi, et qu’elle aura vis-à-vis du chanteur, un tel mépris que celui-ci se taira instantanément.

13 août 2004

Espionnage en Belgique.

X9 – Voici la liste des espionnes de la CIA en activité en Belgique.
Tétraplégique – Où tu t’es procuré le microfilm ?
X9 – C’est Matthew Cooper qui l’a publié dans Time.
Capitaine Frétillant – C’est peut-être un piège ?
X9 – Avec Valérie Plane dedans ?
Tétraplégique – Valérie ? Celle qu’on appelait dans les Services Mine à perdre !
Coq hardi – Hier encore, Plan Delta jurait qu’elle n’en était pas !
Tétraplégique – Elle parrainait le Comité Manneke pis depuis Washington !
Les Reins sur la Mousse – Il faut dire que seul Flahaut trouvait ça louche…
X9 – Justement. Tu te rappelles qu’on a pincé Boris Kalachnikovski déguisé en fontainier rue de l’Etuve ?
Capitaine Frétillant – N’exagérons pas. Il était en débardeur. Fin saoul, il pissait contre un mur.
Les Reins sur la Mousse – Si on divulgue les noms, contre espion, devient un métier à risques. Je vais rendre mes seringues et mon pistolet.
X9 – Il a raison. À part Valérie, on croyait que la CIA n’avait personne à Bruxelles.
Tétraplégique – Le ministre avait mis dix-sept hommes sur l’affaire.
Capitaine Frétillant – Tout le staff…
Coq hardi – On était peinard. On se relayait à trois par voiture pour la surveillance.
Les Reins sur la Mousse - D’autant que Valérie Plane n’avait jamais mis les pieds en Belgique.
X9 – Tu te rappelles ? On surveillait Zaventem avec mission de la suivre si un jour elle descendait d’un avion.
Coq Hardi – Et elle n’est jamais descendue.
Capitaine Frétillant – Non. Elle était au Niger avec Wilson.
Tétraplégique – On se faisait les hôtesses de l’air !...

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X9 – Selon le Time, il y aurait cent soixante deux espionnes américaines rien qu’à Bruxelles !
Tétraplégique – La photo 17, Doudoune en Fer, c’est peut-être ma femme. Elle a la même tête !
X9 – Si c’est ta femme, Doudoune en Fer, elle espionnait plusieurs d’entre nous à la fois…
Tétraplégique – Qu’est-ce que tu veux dire ?
X9 – Rien, c’est une réflexion que je me fais. Je vais quand même vérifier si mes ciseaux au curare sont toujours dans ma table de nuit.
Les Reins sur la Mousse – André nous a bien eu. J’ai des enfants, moi ! Je retourne à la Buanderie militaire. Je démissionne.
Coq Hardi – Paniquez pas… quoi… On n’a rien fait, donc on ne peut rien nous reprocher.
X9 – Photo 42, Beetje Pipacenball, une femme de cour à l’hôtel Métropole, en est aussi !
Tétraplégique – Non !...
Capitaine Frétillant – Nous échangions nos renseignements dans les lavabos !
Coq hardi – Elle nous appelait ses espions préférés !...
X9 – Ce qu’on a ri !... Quand elle attrapait les pièces d’un euro avec son chose…
Les Reins sur la Mousse – Quand je pense qu’André nous voyait comme ses héros de bandes décimées !...
Tétraplégique – Il ne croyait pas si bien dire.
X9 – On ne va plus pouvoir dormir tranquille !
Capitaine Frétillant – Michelle, la pute de la gare du Nord qu’on allait tirer à 50 euros, quand on n’avait rien à faire, regardez les mecs, numéro 69. CIA !
Tétraplégique – Tu te rappelles l’oreiller qu’elle avait ?
Coq Hardi – Même qu’elle l’appelait en riant sa taie à confidences…
X9 – Il devait être bourré d’appareils électroniques. Jamais on se serait doutés !...
Capitaine Frétillant – Il n’y a plus qu’une solution.
Tétraplégique – Laquelle ?
Capitaine Frétillant – Que Flahaut publie la liste complète des agents de nos Services à Washington.

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X9 – On n’a jamais eu personne à Washington. Avec le budget qu’on a !
Coq Hardi – Oui. Nous ne sommes que des contre-espions. Ce n’est pas la même chose. On devrait publier l’avis au Soir et à la Libre, signalant qu’on n’a rien à voir…
Les Reins sur la Mousse – Pourquoi ?
Tétraplégique – Il a raison. On n’a jamais tué, ni arrêté, ni espionné, ni découvert des complots, rien !...
X9 – Voilà pourquoi André était content.
Coq Hardi – On n’entendait jamais parler de nous.
X9 – Je vous le dis, les gars, c’est une page qui se tourne. Faudra se recycler.
Tétraplégique – T’avais quel grade, toi, X9, quand t’étais gamelle ?
Capitaine Frétillant – Oui, on t’a jamais vu à la cantine !
X9 – Bien, j’ai été nommé en venant d’ailleurs.
Tous en chœur – D’où ?
X9 – Secret d’Etat !
Tous en chœur – On a été infiltré ! C’est un type de la CIA !... Merde alors…
X9 – Vous bilez pas. Ce n’est pas grave. C’est un échange culturel tout ce qu’il y a de régulier avec le SCHAPE.
Tétraplégique – Voilà le malheur des services secrets. Personne ne prévient jamais personne !...
Coq hardi – Pauvres cons ! C’est évident, puisqu’ils sont secrets.

12 août 2004

Handicap international au chevet de l’information belge !


On se demande qui décide des temps forts de l’actualité dans ce foutu pays ? On prend le pouls de la population pour savoir si quinze Marines qui se font dessouder à Bagdad est moins important que l’hommage de « tout un pays » à un de nos nombreux enterrements solennisés ! J’ai rien contre le respect des morts, je m’incline et m’associe. Ceux qui ont fait un boulot dangereux pour sauver des gens, ou ceux qui se sont fait estourbir par un malade mental, je leur tire mon chapeau. J’ai toujours été d’instinct du côté des victimes… Quant à bouffer la demie heure de l’actu et perdre de vue la situation internationale, il y a de la marge… franchie allègrement ces temps-ci par la génération montante de nos dramaturges télés…
Parole, quand ça leur prend « l’hommage », les nouveaux Zitrone se sentent plus. Les minutes de silence deviennent des heures. On serait envahi par le Luxembourg qu’on n’en saurait rien. Et on ferait une belle gueule si au balcon du palais, on voyait paraître le grand duc en uniforme de parade pour un discours sur la mère des batailles. Il est vrai qu’à part les trois briscards de 40-45 qui s’en souviennent, on se rappelle plus vraiment les couleurs du drapeau, depuis qu’on a le bleu avec des étoiles, le jaune avec le lion, et notre coquelet de Namur, on s’y retrouve plus… C’est pas une raison de nous la faire au fait-divers patriote, histoire de rattraper le coup.
Merde ! on va encore dire que j’insulte…
Pour ce qui est du commentaire local, pardon, c’est la profusion. On ne se contente plus d’informer. On interroge la foule. Manque de bol, on tombe neuf fois sur dix sur un con qui n’a rien à dire ou qui était si loin de l’explosion qu’à peine a-t-il vu sa fenêtre s’entrouvrir.
Depuis Arlon et notre show judiciaire, on était sous les feux des projos du monde entier. On passait pour causer français. Avec les mecs à l’interview août 2004, c’est gênant. Pour un Parisien, un Belge, c’est un martien qui parle comme un ministre flamand… Aujourd’hui, seul les Québécois arrivent à comprendre… un mot sur deux.

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Certains événements excitent le populo, ou plutôt, des médias à la foule, on s’excite mutuellement. Il ne faut pas s’étonner que les gaillards au sommet de la pyramide remontent dare-dare de Provence pour le salut aux victimes et que le chef du brain-trust gouvernemental décrète dans la foulée un jour de deuil national. Je fouille dans ma mémoire. Je me demande si les deux cent soixante deux mineurs qui ont trouvé la mort, lors de la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle ont eu droit à une journée de deuil national ? Si vous pouviez me renseigner ? Non pas que je veuille faire des comparaisons… simplement qu’à l’époque, l’hommage de la Nation n’allait pas à l’ouvrier. Et puis, il faut bien le dire, des ouvriers qui restent au fonds d’un puits, ou plus récemment, des pauvres types qui laissent leur peau dans un four d’Arcelor, ça pourrait générer de mauvaises pensées, si on les « hérotisait ». De nos jours, les patrons sont si précieux à nos zonings dévastés !
L’envahissement de l’image numérique est pour beaucoup dans la tournure que prend la relation de l’événement. Le direct l’amplifie. Même si le reporter envoyé sur place est à mille mètres de l’endroit du cataclysme ou de la fusillade muni d’un gilet pare-balle et qu’il vacille à chaque coup de canon, il est peut-être moins en danger que la caméra le suggère, mais c’est la magie du direct…On y croit !
Un événement majeur, on va nous le repasser cent fois. Pendant huit jours à raison de dix séances par 24 heures, on a vu les Twin Towers de New York s’effondrer comme de vulgaire HLM pourris de la Cour Neuve dynamités par les services d’hygiène.
Les stratégies médiatiques basées sur le nombre de téléspectateurs sont évidemment pour beaucoup dans l’appesantissement des faits porteurs. Elles influencent le public dans ses passions, mais aussi la justice, ce qui est infiniment regrettable.
La presse écrite sort parfois de son rôle et se permet des articles au nom de la nation, de ses lecteurs, de la justice, comme jadis la presse d’opinion, sauf que l’opinion est identique de la gauche à la droite et que le discours est le même.
Est-ce que partager l’émotion, la produire et la stimuler est encore informer ?
Conclusion : Il est temps de sortir des commémos, des journées de ci, des sonneries pour ça. Une seule excuse, à la période des vacances, on n’a souvent pas grand-chose à dire. On peut croire que le fait-divers, c’est du pain béni.
Les sportifs avec les JO et la reprise des matchs de foot vont pouvoir reprendre le dessus.
Pour ceux que le sport n’intéresse guère, ils devront attendre un mois pour retrouver un peu de tonus de nos grands professionnels.
C’est long. Je sais. Si vous voulez être quand même mieux informés, vous pouvez lire le journal « Le Monde ». Il y a justement dans la parution de ce mardi 10 août un article qui a l’honneur de la première page signé Robert Guédiguian, intitulé « Vive la télévision ! ». Je le recommande à nos journalistes en mal de copie. Il y a de quoi piocher…

11 août 2004

Drôles de drames

- Monsieur Pradel, on dit que vous allez produire à la rentrée une émission sur le malheur ?
- Ce n’est pas exact. Nous allons nous intéresser à la douleur dans les grands drames.
- Vous trouvez qu’on n’en fait pas assez ?
- Monsieur, on n’en fait jamais trop pour nos concitoyens. Et, puis tu vois, coco, le stress, c’est bon pour l’audimat…
- Vous êtes en train de me dire que vous allez mettre en scène la trouille du malheur ?
- Pas du tout. Nous apporterons un message de réconfort à la mère qui a perdu son enfant, au père d’un pompier mort au feu, aux survivants d’une catastrophe…
-La clope des malheurs fait voter réac. Vous n’avez pas peur d’être récupéré par la droite ?
- Monsieur, les malheurs ne se situent ni à gauche, ni à droite.
- Où se situent-ils ?
- Au cœur des familles, Monsieur, c’est la cible de mon émission.
- Quel sera le sujet de votre première ?

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- Nous avions voulu traiter les disparitions d’enfant. Sujet rabâché, mais porteur, d’autant que je pleure quand je veux. Je me suis entraîné dans ma salle de bain.
- A quoi pensez-vous quand vous pleurez ?
- J’ai un truc évidemment. Je pense au penalty raté de David Beckham.
- Les disparitions d’enfants ne seront pas le premier sujet ?
- Non. Mes sponsors, un diamantaire anversois et un fourreur new-yorkais, m’ont suggéré les menaces terroristes sur New York. L’alerte est à l’orange aux States.
- Le New York Times a dénoncé les informations alarmistes de Bush qui datent de quatre ans.
- Vous n’allez pas m’apprendre mon métier ? Ils avaient bien raison de s’alarmer, il y a quatre ans, quand vous pensez aux Twin Towers.
- Vous pleurez ?
- Je revois la scène : David qui s’avance et qui shoote à côté. Et puis, l’Amérique est une référence par rapport à Ben Ladden.
- Vous allez refaire l’événement ?
- Non. Juste montrer quelques scènes de paniques, les gens qui se jettent des étages et puis l’enterrement des pompiers, sonnerie au champ d’honneur, discours, veuves éplorées… toute l’info quoi.
- Vous allez refoutre une frousse bleue aux téléspectateurs ?
- Non. Nous allons pleurer ensemble. Ce n’est pas tous les jours qu’un homme de télévision s’abandonne à la douleur devant deux millions de gens. A nos frais, nous avons fait venir trois veuves et quatre orphelins et un chœur de gospels de Virginie. Les Noires pleurent mieux que les Blanches. Elles sont plus pathétiques !
- Mais, cette émission est monstrueuse !
- Vous n’allez pas me dire que la menace terroriste n’existe pas ? Cette émission va avoir comme premier mérite de faire vendre des portes blindées, des parachutes pour ceux qui habitent les étages et un système de détecteur de fumée dont nous parlerons pendant la pub.
- Enfin, vous vendez des produits en jouant sur la peur des gens !
- Notre émission n’a pas cette vocation. Mais, si cela peut aider notre public nous donnerons des adresses de professionnels sérieux. Quand Verhofstadt ou Rafarin se précipite au chevet des victimes d’une explosion ou d’un incendie, quand le premier décrète un jour de deuil national, vous ne croyez tout de même pas que nous allons nous croiser les bras pendant que des politiques nous prennent des parts de marché ? En même temps, nous les aidons dans leur noble mission. Quand un électeur convaincu par nos arguments met une serrure supplémentaire à sa porte, c’est une voix en plus pour l’Ordre Moral. C’est un défenseur de nos valeurs.

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- C’est en tout cas, un électeur rassuré. Vous avez d’autres émissions en vue ?
- Nous préparons une émission sur les algues tueuses de Méditerranée. Pour les besoins du tournage, nous avons capturé et tué quatorze dauphins. Nous enchaînerons sur un sujet écologique et architectural « L’ozone attaque nos monuments ».
- C’est difficile de pleurer là-dessus.
- Détrompez-vous. L’ozone ne se détecte pas facilement. Nous allons jouer sur cette difficulté pour en venir aux fuites de gaz. Nous remettrons en mémoire le deuil national et l’explosion du gazoduc d’Enghien. Nous souhaitons que chaque ménagère qui regarde l’émission se précipite au moins une fois dans sa cuisine pour vérifier si le robinet du gaz est bien fermé.
- Vous allez paniquer les gens !
- Non. Nous sauverons peut-être des vies humaines.

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- N’avez-vous pas une émission humanitaire ?
- Oui. Nous parlerons du génocide au Soudan.
- Enfin, voilà un drame de grande ampleur.
- C’est en-dehors de nos préoccupations d’Européens. Nous courons un risque de zappage. Avez-vous vu un journal du soir faire ses manchettes là-dessus ? Nous sacrifierons par altruisme la moitié de l’émission… Nous savons qu’avec le Soudan nous allons perdre des points à l’Audimat.
- Pourquoi n’y consacreriez-vous pas une soirée entière ?
- Vous rêvez ? Pour pleurer là-dessus, il va falloir que je trouve autre chose que le penalty raté de Beckham. Par contre le sujet suivant va déchaîner les passions. La douleur sera grande et perceptible sur le plateau.
- C’est quoi ce sujet hyper douloureux ?
- La profanation des cimetières juifs, mon garçon.

10 août 2004

Les beaux emplois du Forem : aujourd’hui « NEZ »

- C’est quoi votre boulot ?
- Je sens et grâce à mon odorat, je déduis.
- On voit vous avez un sacré tarin…
- C’est tout un entraînement de muscu nasale…
- Vous travaillez où ?
- La plupart des « nez » travaillent à Grasse dans les fabriques de parfum. Moi, je suis resté à Liège. Je fais mieux que sentir… je flaire.
- Quelle est la différence ?
- Je flaire des éléments psychologiques et je peux dire, à peu près, quel est le comportement du sujet flairé.
- Vous gagnez votre vie avec ça ?
- Très bien.
- Vous êtes consultant, en quelque sorte ?
- C’est ça.
- Et qui vous consulte et pourquoi ?
- C’est très varié. Si vous voulez un exemple concret, Monsieur Di Rupo est venu me consulter sur deux cas, celui de Louis Michel et celui de Anne-Marie Lizin. J’ai donc manœuvré pour être près de ces personnalités afin de pouvoir les sentir. Pour Monsieur Louis Michel, je me suis déguisé en employé des statistiques – oui, c’était juste avant le 13 juin. J’ai bidonné des intentions de votes pour le MR très favorables. Il était heureux.
- Vous l’avez flairé à fond, là ?
- Oui, à fond.
- Et votre conclusion ?
- Il transpire beaucoup. Pour le reste, seul mon client pourra vous le dire, s’il y consent.
- Vous ne pouvez pas m’en dire un peu plus ?
- Concluez par vous-même en voyant la rapidité avec laquelle, Monsieur Di Rupo a donné à Monsieur Michel l’occasion de sortir de la politique belge.
- Et pour Madame Lizin ?
- Nous avons 99 % de réussites. Reste 1% d’échec. Elle fait partie de ce %.
- Pour quelle raison ?
- J’avais abordé Madame Lizin déguisé en marocaine battue par le mari et la deuxième femme. Madame Lizin m’a longuement interrogé sur la condition féminine au Maghreb. J’ai même retiré le foulard islamique pour mieux flairer.
- Et alors ?
- Rien. Parce que l’odeur primitive était couverte par un suint d’ambition…
- Une odeur masquante ?
- Voyons, ne soyez pas vulgaire… Disons une odeur forte que je pris d’abord pour sui generis….
- Et alors ?
- La présidente du Sénat avait inauguré le matin même les nouveaux locaux de la Boulette de Huy…
- Elle n’a pas la clim dans son bureau ?
- Elle est très économe de l’argent des Hutois.
- Et pourquoi Di Rupo voulait-il avoir votre avis ?
- Le bruit court qu’elle se verrait bien présidente du parti aussi !...
- Vous n’allez pas me dire que vous ne traitez qu’avec des politiciens ?
- Non. C’est même une clientèle peu importante.
- Avec qui faites-vous votre chiffre d’affaire ?
- Avec les cocus.
- Vous flairez les cocus ?
- Non. Il n’y a pas besoin de les flairer. A la vue, c’est suffisant. Mais, ils s’inquiètent d’être trompés. Ils me demandent de flairer leurs femmes.
- Si c’est garanti 100 %, par exemple la mienne, la petite qui est dans le fond du café, vous pourriez la flairer ?
- Il faut que je l’aborde. Elle m’a vu avec vous… Présentez-nous ;
- Chérie je te présente le docteur Blair, oui comme le premier ministre anglais. Qu’est-ce qu’il fait ? Il est chercheur du nez, chargé de cours au FOREm. Il m’enseigne la profession.

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- Alors, qu’en pensez-vous ?
- Il m’aurait fallu plus de temps. Maintenant que vous nous avez présenté, il faudrait que je la rencontre, par hasard et que je prétexte un rendez-vous avec vous pour l’entraîner dans un café à vous attendre. Bien entendu, vous ne viendriez pas. Ainsi, je pourrais être fixé…
- Je vais arranger cela. Je lui dirai de vous voir et que vous bavardiez en attendant que j’arrive. Ensuite, je lui donnerai un coup de fil sur son portable, pour annuler…
Comme ça, c’est bon ?
- Parfait.
- A bientôt docteur Blair.

Blair seul.

- Qu’ils sont naïfs au FOREm, voilà la quatrième femme d’élève que je vais emballer sans un pli avec la complicité du cocu !

9 août 2004

L’émotion était palpable bis

York – Comment contrebattre la fâcheuse impression de cette jeunesse malheureuse que nous dépeignîmes si cruellement dans le blogue précédent ?
Bontemps – Il suffirait de montrer quelque belle vie édifiante de nature à opposer la vertu à la bestialité.
York – Ne risque-t-on pas à ce jeu de fatiguer le lecteur ?
Bontemps – De toute évidence ; mais vous en obtiendrez aussi une contrepartie qui vaut son prix.
York – Laquelle ?
Bontemps – Celle de dérouter par un inhabituel souffle.
York – Le pourrai-je, tant ma nature est contraire à la flatterie.
Bontemps – Vous ne flatteriez point, votre Excellence, puisqu’il vous serait crédité par vos accents sincères au moins la conviction d’être un homme de vérité.
York – Il me faudrait dresser le portrait d’une femme, belle, intelligente, sincère, honnête et fidèle.
Bontemps – Pourquoi pas la Vôtre, si votre Grâce me pardonne cette suggestion ; car, ne m’en veuillez point, mais les qualités que vous avez dites correspondent en tous points à celles dont la nature avait pourvu madame la Duchesse.
York – Sais-tu, coquin, que tu me persuades !
Bontemps – Mille grâces, Monseigneur.
York – De part la place que la Duchesse prit malgré elle auprès de madame la Duchesse de B., elle approcha bien des particuliers et fut connue de tout ce que le Royaume contient d’hommes de qualité.
Elle fut honorée et respectée du roi, mon frère, qui n’aimait rien d’autres que chasser à la forêt comme à la Cour et qui, à son contact, s’humanisa.
Les écarts de qui on l’avait attachée malgré elle ne firent que plus d’impressions en faveur de son grand sens, de la prudence avec laquelle elle prévenait les désastres de cette malheureuse princesse. La justesse de son esprit était, à l’égal, en France, de celui de Montaigne. On se partageait les relations qu’en firent les historiographes sur la décision de les publier, par le monarque. Les philosophes et les poètes n’étaient pas loin de leur trouver un sens comparable à celui du divin Arioste.

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Sa modestie la faisait rougir des éloges de toutes les qualités qui firent le tissu de sa vie entière.
Sa vertu, quoique austère pour elle-même, était aimable. Bien loin de rebuter, ses paroles n’étaient point autre chose que des moments de grâce pour ceux qui l’approchaient. Il en fut ainsi tout le temps qu’elle vécut. Des dames plus âgées qu’elle et de grand bon sens vinrent plus d’une fois la consulter. Sa réputation ne fit que croître jusqu’au moment où nous la perdîmes.
Bontemps – Hélas !...
York – Le Dauphin qui la voyait souvent avait pris pour elle beaucoup d’estime suivi en cela par son épouse et toutes les dames de l’apanage. Même les menins cessaient leurs espiègleries à son approche à seule fin qu’elle leur sourît. Leur récompense n’était-elle pas qu’elle passât une main familière sur ces têtes blondes comme le ferait une mère attentive à ses enfants ?
Bontemps – Qu’une personne de cette qualité vînt à nous manquer est une irréparable perte.
York – Il le fallait Bontemps. Il le fallait…
Bontemps – La nouvelle en est encore épouvantable à nos esprits après tant d’années.
York – Elle ne souffrit point. J’y veillai moi-même. Nous la saisîmes lors de son sommeil et le garrot, sitôt mis, fut serré par des mains adroites avec ardeur. Lorsqu’elle ouvrit les yeux et qu’elle me vit en larmes, ce fut, je crois son dernier réconfort.
Bontemps – Pouviez vous faire autrement ?
York – Les lois qui Nous régissent ne sont pas les mêmes que pour le reste des humains. Vous rendez compte au juge avant le bourreau. Nous ne rendons compte qu’à Dieu.
Bontemps – Vous avez souffert !
York – J’en atteste. Son image me poursuit encore des années plus tard dans mon sommeil. Je me réveille en sueur et je dis son nom, pensant qu’une main secourable posera sur mon front enfiévré la douceur de ses doigts. Je retombe sur ma couche, défait et malade, sans autre plaisir que celui que me fait alors une gouvernante dont la voix m’apaise dans les lectures des Saints Evangiles.
Bontemps – Vous ne regrettez point le geste fatal qui vous en fit séparer ?
York – Le métier de roi était à ce prix.

7 août 2004

L’émotion était palpable

- T’es gothique…
-Ça se voit pas, non ?
-Non, c’est pas ça. J‘aime tes cheveux roses, tu vois… puis quand tu te baisses qu’on voie le string qui va avec…
- Bin, t’es le premier d’la soirée, merci…
- Tu viens souvent à la Calypso ?
- C’est la première fois. D’habitude, je suis aux Champs-élysées.
- Comment ça se fait qu’on se connaît pas, parce que moi aussi…
- T’es anal, voilà pourquoi…
- Comment ça ?…
- T’es de la pelouse, d’accord. Donc, t’es côté italien. Moi, je suis derrière, tu vois, juste à côté des chiottes…
- Enfin, j’étais anal. Je suis plutôt entre couilles, aujourd’hui. La jaquette me dit plus rien.
- Je me disais aussi de la manière dont tu me tiens pour danser. Tu m’offres un verre ? Ici, c’est pas donné…
- Si on allait plutôt au Rustique ?
- T’as une bagnole ?
- Celle à mon copain.
- T’en es… ou t’en es plus ?
- J’ai raccroché, je te dis. C’était pas mon truc.
- Je sais. J’ai une copine qu’est anale. Je sors plus avec. Elle arrive plus à se contrôler.
-Ça oui, faut serrer les miches…
- Et ton copain, où il est ?
- Chez nous, enfin je veux dire, chez lui…
- Vous vivez ensemble ?
- Non, que je te dis… J’ai mes affaires dans le coffre, je cherche une cabane pour la nuit.
- T’es plus de la cabane au Canada, alors, c’est toujours ça.
- Voilà le carrosse à Charly.
- C’est pas le dernier cri.

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-Oui, mais les sièges avant se rabattent…
- Qu’est-ce que tu fais, là ?
- Je te sors un nichon…
- Merde, tu vas foutre en l’air mon Wonderbra.
- Eh ! c’est mieux présenté que ça n’est tout ça…
- Parole, tu me cherches ! Qu’est-ce que tu veux dire?
- Bouge pas, j’arrive avec popol…
- Ce que t’es maladroit !...
- Ah ! je te jure…
- T’angoisse pas biquet. On voit bien que tu mets que des Athena… Par contre, j’aime ton survet’ Marlboro !… Dis, grossier, t’as même pas demandé mon nom !
- Comment tu t’appelles…
- Louise la Sourde.
- T’es sourde ?
- Voilà t’y es, vas-y Alphonse… Pousse…
- T’es sourde ?
- Seulement de l’oreille gauche, à cause du baffle du fond côté dame pipi.
- Ah ! c’est bon dit…
- Et toi, comment c’est ton nom ?
- Luigi, mes amis m’appellent Gigi…
- Gigi l’amoroso quoi…
- Non, mon ami m’appelait Pédalo…
- Ta gueule, je vais sur l’orgasme…
- Moi aussi, je pars…
- Prends pas le train trop vite…
- Merde…
- Raté ! Ce que t’es maladroit !...
- J’ai foutu…
- Tu parles pour toi. T’as foutu en l’air ma mini, plutôt… T’as vu mon body dans quel état tu l’as mis ? Tu pouvais pas yaourter le tableau de bord ?
- T’as pas un mouchoir ?
- J’ai que des Tampax, t’en ouvre un… Va falloir que je porte au pressing. C’était ma plus belle tenue gothique…

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- Excuse-moi…
- J’aurais dû me douter. T’es pas un romantique. J’ai mes doches demain, ça saigne déjà. Chiez, c’est la totale. D’où tu sors Gigi Pédalo ?
- Tu me croiras si tu veux, t’es la première que je me fais.
-T’as jamais été qu’avec les garçons ?
- Ça se voit tant que ça ?
- Tu parles !
- Eh ! bien c’est vrai…
- Ecoute comme la grosse pouffe qui vend ses salades à la télé, …est pas marqué bécasse ici…
- Je suis content…
- Il te faut pas grand-chose. J’aime que les romantiques… qu’on me cause avec douceur… Des manières, voilà !... Toi, t’as pas de manières. Je partais, là… puis, finalement, t’es tellement con… que j’suis restée…
- C’est presque sec…
-Refile moi ton caleçon, que je repasse un coup de torchon sur la fermeture éclair de ma mini.
- Le jus de glande, ça sèche vite…
- Ecoute, t’es bien gentil. Me parle plus comme ça. T’es trop crû !... Je rentre à la Calypso. Toi, tu fais comme tu veux. Je te connais plus.
- On s’est même pas embrassés !
- Tu sais combien ça coûte un stick de rouge à lèvres ?
- Quand je vais raconter ça à Charly !
- Ah ! t’es pas un fendard, toi alors… J’ai baisé avec un phoque, dis donc ! Quelle déchéance… Pourvu que j’en trouve un meilleur…

Catch au MR

Le bonheur,
c’est de continuer à désirer
ce qu’on possède déjà.
(Saint Augustin)

Le départ d’Antoine Duquesne de la présidence du MR et du poids lourd Louis Michel pour l’Europe, a produit un trou noir qui aspire toutes les ambitions. La candidature à la présidence n’est pas encore ouverte que déjà des impatients s’hallucinent du sceptre… Quoique pour Duquesne, c’était quand même Pépin le Bref qui avait les clés du palais.
Ce bouleversement arrive au moment où le MR est dans le fossé. Les « pilotes » se sont jetés hors du cockpit avant le crash, ce qui dénote de bons réflexes, certes, mais aussi une absence complète du sens du devoir. En effet, tous les discours, et les grands gestes « pour le parti » n’étaient en réalité qu’une hypocrisie de plus des deux hommes qui quittent le navire sur la pointe des pieds.
A moins que Louis Michel ne dispose encore assez de ficelles pour hisser le fiston sur le pavois. La semaine dernière, le gagman de Jodoigne avait réuni les présidents des fédérations libérales pour évoquer la situation politique et le changement à la présidence. Il devait y être question de Charles. Il s’impose parmi les « jeunes présidentiables », dit-on chez les supporters de la famille. On aura beau dire qu’il a tenu tête au PS, que c’est une étoile montante du libéralisme « social » selon l’idée de papa, ce jeunet de 28 ans, sans expérience, sans autre ambition que de mettre ses pas dans ceux de son père, n’a que l’avantage d’être le fils de. Nous saurons bientôt si cela est suffisant. Dans cette hypothèse le MR serait vraiment beaucoup plus malade qu’il n’y paraît ; car, comment ne pas conclure que décidément à part Louis Michel qui fait la pluie et le beau temps chez les libéraux, il n’y a plus personne ? Il est vrai qu’à force de fréquenter le fils du dictateur Kabila l’idée ne lui en soit venue à Kinshasa où il a ses entrées..

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Dans les jeunes « pousses » il y a Olivier Chastel (40 ans) éphémère ministre communautaire des Arts, Lettres et Audiovisuel dont la stature discrète consiste à n’être connue de personne,
Christine Defraigne, 42 ans, parlementaire, très active à Bruxelles et à Liège au Conseil communal, elle aussi fille d’une ancienne gloire du ring chez les bleus… La dame n’exclut pas d’être candidate. C’est une avocate, profession qui fait florès dans le milieu où l’on adore emballer le quelconque dans du papier cadeau bleu métallisé. Prudente, elle est pour une solution de consensus. Autrement dit, si c’est Charles, elle entend faire reconnaître ses droits pour une baronnie dans le parti. Il y a encore Richard Miller, un des nègres de Louis Michel dans ses poussées d’urticaire quand « il peut mieux faire du social que n’importe quel socialiste ».
Sabine Laruelle et l’ex de RTL, madame Ries sont encore citées, mais plutôt pour faire nombre et parce que des femmes sont nécessaires à la politique de coupe-feu contre Joëlle Milquet qui a le chic de mettre le doigt sur des néophytes intelligentes.
Et enfin Didier Reynders, vice-Premier, ministre des Finances et chef de file gouvernemental, d’abord l’éternel second et en passe de devenir l’éternel troisième après le fils de l’autre. Comme il est à peu près le seul qui pourrait battre Charles sur le fil et peut-être créer des remous au sein du parti qui n’en a pas besoin, Louis pourrait faire un montage floral et présenter la rose et le muguet, son fils avec l’autre, dans une sorte de ticket gagnant pour les futures élections, quitte à débarquer Reynders en cours de route à la moindre gaffe ou si les élections se perdaient à nouveau. Le beau Didier a une tête à chapeau.
A sa place, on se méfierait.
Ce serait alors le dernier pied de nez à Didier Reynders qui piaffe depuis que Ducarne a dû quitter prestement les lieux et laisser la part belle à Duquesne. Et aussi l’ultime peau de banane. Les transfuges sont célèbres du CDh au MR. Pourquoi pas l’inverse ?

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En cas de malheur, Reynders chez Milquet ? Siéger aux côtés de la glamour Marie-Dominique Simonet … on pourrait tomber plus mal !
Pour Didier, ce serait une bonne blague à faire au grand stratège social que l’on sait.
Les apostats Fournaux et Deprez s’en trouveraient ringardisés un peu plus.
Affaire à suivre à la rentreée.

6 août 2004

C’est arrivé près de chez vous II

- Chérie où as-tu mis mes feuilles de khat ? (1)
- Arnold ! Tu n’es pas en train de me dire que tu pars en chasse ?
- Si, il faut que je traque…
-Tu as encore été condamné le mois dernier à huit ans… voilà à peine deux jours que tu es sorti !
- N’oublie pas qu’un psychopathe doit psychoépater le grand public.
- Tu ne peux pas attendre le week-end ? J’ai des courses à faire avec la camionnette blanche.
- Pourquoi dis-tu tout le temps la camionnette blanche, le tournevis à étoile jaune et le manche de pelle en frêne clair ?
- C’est la psychologue qui m’a dit que je te rappelle les couleurs des outils de ta paranoïa, pour les rendre moins immatériels…
- De quoi elle se mêle ? Est-ce que je parle du cyclamen de son fond de teint et de la couleur javellisée de son slip ?
- Enfin, ne rentre pas trop tard.
- Cela ne dépend pas de moi.
- Tu pourrais rester à la maison si je te le demandais ?
- Dis donc, la vieille, tu n’es pas en train de me donner des ordres ? T’es femme soumise et moi psychopathe. T’inverserais pas les rôles, par hasard ?
- Non. J’ai peur pour ta santé. Courir à ton âge les rues la nuit. Prends au moins une écharpe pour les courants d’air.
- C’est la pulsion, pas la fluxion dans mon cas. Un psychopathe n’a pas les bronches fragiles.
- Fais attention aux mauvaises rencontres la nuit. Ne commets pas d’imprudence.
- T’as pas bientôt fini de me les briser, hein, la gourdasse ?

(Deux heures plus tard)

- Nom de dieu, Victoria, j’ai buté sur le bidon d’acide chlorhydrique dans l’entrée. Tu peux le descendre dans la cave, s’il te plaît ?
- Tu n’en as pas besoin, chéri ?
- Ne m’appelle pas chéri, tu veux bien ? Je ne suis pas ton chéri. Je ne suis le chéri de personne.

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- Qu’est-ce que tu as ?
- Je suis à cran. Un solitaire à cran. Je me fais peur à moi-même ! Tu me portes la poisse.
- Qu’est-ce que tu vas penser là ?
- Fous-moi la paix, charogne.
- La soirée a été mauvaise ?
- Pire.
- Raconte ?
- J’étais sur un coup, Alice au pays des Merveilles, quoi…
- Et alors ?
- Je stoppe la camionnette blanche. Je jette le filet que tu m’as confectionné à Ostende avec les sachets en plastique torsadés du GB…
- Tu ne l’as pas abîmé, au moins ?
- Penses-tu. Je le jette… le geste auguste du semeur… Elle se débat… catastrophe ! La jeunesse par derrière, cachait la vielle par devant !
- C’est bon signe !
- Quoi, c’est bon signe ?
- La psychologue travaille sur ton instinct de chasseur. La confusion des proies.
- Je ne connais que la confusion des peines. Qu’est-ce qu’ils vont dire au bistrot « Le réseau » ?
- Ils s’en foutent. Tu penses. Ils te croient pas…
- Dans le fond, je ne suis pas mécontent de perdre l’instinct…
- Tu es en rémission, mon chéri ! Quel bonheur. J’ai envie de téléphoner la nouvelle à René-Philippe Dawant.
- Ta gueule. Si je perds l’instinct, je commence à avoir celui de couper le kiki aux vielles emmerdeuses.
- Une nouvelle paranoïa ?
- Rapport à la vieille dans le filet du GB, ça m’a rappelé ta mère.
- Tu ne vas pas me dire ?
- Si ! C’est elle qui m’a agressé ! Je me suis défendu et couic…
- Mais, c’est monstrueux ! Si tu reprenais ton ancienne idée ?
- Laquelle ?
- Te déguiser en Mickey pour entrer à Disney sans te faire remarquer.
- C’est toi qui dis ce qu’un psychopathe doit faire, à présent ?
- Pardon. Punis moi, je le mérite.
- C’est pas à toi de décider, Victoria…
- C’est la quantième ce mois-ci ?
- Un vrai pro, ça compte pas. Faut rester dans le vague… brouiller les pistes. Ainsi quand on tombe, c’est pour une bricole…
- Elle n’a pas souffert au moins ?
- Pour qui tu me prends ? Pour une brute ? C’est qui l’expert ?…
- Qu’est-ce qu’on va devenir ?
- Je m’en fous. Prends la pelle avec le manche en freine clair et va-t-en creuser…
- Je peux sous le saule ?
- Je sais que t’en as envie depuis longtemps. Allais… je suis bon prince. Creuse sous le saule.
- Merci. Je ferai attention aux racines.
- C’est pas parce qu’on est serial killer, qu’on respecte pas la nature !

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Khat : arbrisseau d’Arabie (Catha Eludis) Famille des célastracées. Il donne naissance à des molécules d’amphétamines et d’adrénaline. Augmente le pouvoir fécondant des spermatozoïdes.

5 août 2004

La tolérance ? Claudel a eu des maisons pour ça !...

- Cré foutre de dieu de merde… quelle sale journée !
- Mais, on crève de chaud !
- Je ne parle pas du temps, foutre de bordel de con… je parle des Lois nouvelles…
- Des lois nouvelles ?
- Oui, enfoiré de mes deux… des lois nouvelles sur le racisme et l’antisémitisme… foutre de foutre quelle sale journée !
- Vous trouvez ?
- Tripes et boudins, que je veux ! C’est qu’un début, stiff à merde…
- Pourquoi ?
- T’as pas compris, qu’en Haut, ils ont pas encore fini de planquouzer ?… que c’est historique ?... que si c’est la première fois qu’ils fouillent dans ta conscience et qu’ils t’interdisent de prononcer certains mots, d’avoir certains types de raisonnement… ce ne sera pas la dernière… ils s’arrêteront pas là… Après, ils feront tes trous de nez, de cul, tout… Les Lois, c’est de l’algèbre. Tu peux pas arrêter l’inconnue, jamais…
- C’est quand même des sales cons les racistes !
- Oui. C’est des sales cons les racistes. Pourquoi veux-tu empêcher un sale con d’exprimer sa connerie ? Quand t’en as un qui débride, et que c’est pas interdit… au moins tu vois le pus… t’es prévenu du phlegmon… Tu sais que ce mec-là, comme chez Bouglione, t’as pas intérêt à lui tourner le dos… jamais !... Demain, tu sauras plus rien. Ils feront leur coup dans la clandestinité… Tu sentiras rien, sauf quand tu l’auras bien profond !

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- C’est quand même heureux qu’on leur ferme la gueule, à certains…
- Forcément 40-45, on n’était pas nés. Mais j’y aurais revendiqué l’honneur de porter l’étoile jaune, moi, tout en n’étant pas de la confrérie. Tu comprends ça ? C’était immonde ce que les schleus et les adolphins on fait aux civils, aux enfants juifs… C’est crapule et compagnie ceux qui étaient pour l’Ordre nouveau. Et les adolphins nouvelle farine, c’est pareil…
- Alors, je comprends plus rien…
- C’est pas la question. T’as rien dans le moulin… T’as un blast du matin et t’es toujours sonné ? Tu t’arsonnes trop pépère !
- Moi, je m’arsonne trop ?
- Parfaitement, et pas que de la main gauche. Si ces gougnafes qui font les Lois t’introspectent le moulin, pour des fois que t’aurais à prononcer des mots imprononçables parce que t’as des idées contraires au règlement, pourquoi pas demain traquer les gros, les petits, les maigres, les gourmands, les avares, les gauches, les droites ? On emmerde déjà ceux qui fument et même pas du shit ! Tout le monde au crible pour la norme…
- Je voyais pas ça comme ça…
- Marche à l’ombre et ferme ta gueule qu’ils diront...
- J’ai rien à cacher… Je suis pas raciste…
- T’es sûr que t’as rien à cacher ? Les curés nous ont emmerdé depuis deux mille ans pour qu’on aille à messe. On n’y va plus. Il leur a fallu du temps pour comprendre. Maintenant t’as les barbus qui reprennent le mastic. Puis, t’as les nouveaux curés du verbe, une autre religion… T’as pas le foulard, mais t’as Arena, la Jeanne d’Arc à Di Rupo… son nouveau gadget… Ah ! tu vas en chier, mec… Avant ça, t’avais eu Happart qui voulait t’interdire les sous-bois… faut croire qu’il est de la pelouse…
- Vous croyez ?
- C’est pas le chabanais côté vertu !
- Eux aussi seraient racistes ?

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- Et pas qu’un peu, mec, c’est ça qu’est pénible à entendre. Eux, plus que les autres, puisqu’ils s’affichent contre la liberté d’expression ! Donc, ils font montre d’un certain racisme aussi… Puis, t’en connais des Saints qu’ont jamais péché ? Leurs histoires sont pleines de cochonneries racistes, de dévergondages antisociaux, de charge contre les you… pardon, Juifs… puis, puiff… dernière minute… le redressement… l’apothéose… la sainteté…
- Ils sont saints par avance !... prédestinés…
- Voilà… Il faut se méfier de la vertu des gens qui s’en réclament… C’est plus souvent qu’ils font payer aux autres ce qu’ils endurent pour le rester…
- Merde comme c’est beau.
- C’est beau, comme la jambe d’une tenniswoman. Je reconnais…

4 août 2004

En pleine possession de leurs moyens : le langage tartignolle.

Nous nous frottons bien souvent au langage tartignolle. Nous en sommes friands. Exemple : « Comment tu vas ? Je vais et toi ? Ça va ? A propos, ma mère est morte ! Non ! Si ! Et à part ça ? Ça va…. ». Deuxième exemple : Quand ils sont nombreux, les drapeaux sont toujours en berne, comme on dit à la télévision.
Moi-même, je n’y peux résister quand il m’arrive d’écrire des choses à propos d’Evelyne Huytebroeck. C’est plus fort que moi. Je n’y peux rien. Elle m’attire. Je suis perdu. Je deviens de mauvaise foi. J’hésite entre « formidable », « sublime » et « magnifique ». Je suis incapable d’expliquer le phénomène. Je me fous de la politique des verts ; mais sa politique à elle, est la meilleure au monde.
Ceux qui font la plus grande consommation du parler « cliquer » sont les personnages importants du royaume, les hommes politiques et les journalistes.
Arrivent-ils une catastrophe qu’aussitôt les visages sont « fermés » et les mines « graves ».
Vous avez pigé le système ?
C’est simple et d’un multi usage.
Proust avait défini l’utilisateur du langage tartignolle : « J’appelle snob une personne qui ne peut voir une duchesse sans la trouver charmante ».
Evidemment ce discours n’est pas que réservé aux snobs. Il y a des assidus de la chose partout où la vaseline est d’un usage courant.
Di Rupo au lendemain des élections du 13 juin :
« Ces succès sont le résultat d’un immense … de fond, d’une fidélité …. à nos valeurs, de la volonté de retrouver une identité … à gauche. »
Les petits points pour vous faire languir : le travail est toujours immense, la fidélité est sans faille et à gauche l’identité y a toujours été forte.
Ce n’est pas une langue de bois. C’est mieux. C’est le choix de mots que vous attendez et qui vous permet de penser à autre chose pendant ce temps là.
Au 14 juillet, le Congrès de participation du PS est le théâtre d’une encyclopédie tartignolle, toujours par le même Di Rupo.
On y relève que les militants oeuvrent sans relâche, que les ministres sont en première ligne et qu’ils feront face aux difficultés. Enfin que la dynamique est toujours celle du succès, que le travail est énorme et que tout le monde a été formidable.
Commente-t-il les résultats de l’extrême droite, c’est pour dénoncer qu’ils se nourrissent de la misère et de l’exclusion. Evidemment quand le racisme bat son plein, les heures sont les plus sombres. Quant aux solutions, elles garantiront l’avenir de chacun.
A part cela, aucune solution. On en parle, mais on ne les voit jamais.

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Et on voudrait que les militants se déterminent ! Mais sur quoi ?
Alors, quand on a si peu à dire, comme dirait Coluche, on n’a qu’à fermer sa gueule.
Ce que personne ne fera, attendu que le langage tartignolle est une pente sur laquelle on glisse « facilement », si je puis m’exprimer dans leur code.
Dans son discours du 10 juin, toujours le même Di Rupo, après avoir dit pis que pendre de Louis Michel, à qui il offrira après la défaite du MR un emploi bien rémunéré à l’Europe, termine par nous prévenir que la balance penchera à gauche ou à droite, que ses adversaires tiennent des propos indignes et que les menaces se précisent de partout.
Bien entendu, comme les discours précédents jusqu’à celui de la participation, la gauche y est moderne et les militants formidables.
On peut suivre à la trace les autres ténors du Larousse à la belge. C’est pareil.
Quand on pense à ce que les militants avalent avec enthousiasme !... de ces morceaux. Ah ! ils ont de l’estomac. Ce n’est pas tout le monde qui pourrait sortir des pièces pareilles, pour le « par cœur » des Maisons du peuple…
Notez qu’en face, le montage n’est pas mal non plus… de ces garnitures façon Saint-Honoré à réveiller l’ardeur des Chambres de commerce, ça oui !... Louis Michel peut partir le front haut à l’Europe. Il laisse derrière lui dix bibliothèques de référence.
Le célébrissime discours de Jodoigne du 1er mai 2004 est une anthologie à lui seul. On y apprend que les plus grandes pressions sont fiscales et que les grands déserts sont avant tout économiques. Enfin, question vie commune, la famille est libérale ou ne sera pas. A force de « reconstruire un pays défait » on se demande par qui, puisque voilà cinq ans qu’ils le refont ?
Dans une envolée dont il a le secret, notre nouveau commissaire, bon enfant, s’exclame devant une foule prise par l’émotion : « …nous sommes plus que jamais seuls contre tous, contre les adversaires d’abord, et contre tous les autres ensuite. » C’est-à-dire eux, puisque les autres c’est Louis Michel et compagnie. Va comprendre ?
Le mot de la fin, nous le trouvons au début des belles envolées. Dans la série des « Je veux » comme d’autres ont des séries de « J’accuse ». Louis le Magnifique s’écrie : « Je veux encore remercier notre Président Antoine Duquesne. Qu’il sache à quel point j’apprécie l’action… que nous menons ensemble ! » Ce serait le comble que Louis n’apprécierait pas sa propre action ! Il n’aurait pas oser s’écrier : « J’apprécie dans l’action que nous menons ensemble, la part éminente que j’y mène »… Il s’est retenu... une dernière pudeur avant l’Europe.
Après les ténors, voici les folliculaires et les speakers téloches.
A propos de l’explosion de gaz naturel récente : « Quand la cellule de veille est signalée en crise, elle se transforme en cellule de crise »… et, a contrario, lorsque la cellule de crise est signalée en veille, elle se transforme en cellule de veille. Logique et confondant.
« La dignité prend le dessus. » On ne vous dit pas quand elle prend le dessous, question de vous garder le moral. Une intimité dans des circonstances tragiques est toujours la plus stricte, même si les journalistes escaladent les marbres des mausolées pour faire la photo du cercueil en pâture aux lecteurs « submergés » par l’émotion. Enfin, les bilans – quand il y a catastrophe – ne font que s’alourdir. Je passe sur le décompte des morts qui déçoit toujours quand le ministère rectifie à la baisse.
Restons-en là. On va encore prétendre que je me voue au cynisme et à l’inconscience, alors que ce sont les stéréotypes du conventionnel que je veux dénoncer.
Et, en ce jour de deuil national, ce n’est pas le moment.
La démonstration est évidente, nos grands classiques du poncif et de la redondance n’auront jamais le prix Goncourt. Peut-être « le prix de l’humour involontaire », c’est à débattre ?

3 août 2004

RUPTURE

C’est assez surprenant ce désir soudain du monde du dessus de s’occuper de celui du dessous en cherchant à mettre le nez dans les blogues des simples citoyens?
Jusqu’alors, chacun des deux camps s’occupait de sa petite cuisine sans s’occuper de l’autre.
Il y avait ainsi un cercle d’amis, de journalistes, de relations d’affaires, de personnages de renoms, d’universitaires toujours les mêmes, présents partout avec des avis sur tout qui s’auto encensaient, se félicitaient, se jalousaient mais ne s’encanaillaient jamais avec nous.
Cela marchait bien.
Les journaux faisaient leurs manchettes et tandis que nous avions inventé le fil à couper le beurre bien avant qu’ils ne le découvrent, leurs encyclopédies étaient autant de « prodigieux bonds » vers une efficacité et une modernité dont ils étaient les seuls à s’ébaubir.
Nous avions beaux parfois émettre des sons articulés qu’ils ne pouvaient confondre avec ceux des primates qui passeraient pour des raisonnements soutenus, peine perdue, nous souffrions trop de cet a priori d’a priori comme le dit si bien Bourdieu pour que leur vive intelligence s’abaissât jusqu’à nous.
Nous en avions tous pris notre parti.
Nous ferions de l’écriture quand même à notre niveau, avec nos moyens, avec le secret espoir que l’un d’entre nous devînt en partant de son obscurité native, un astre bien plus éclairant qu’eux et qui succéderait à des poètes bien plus évidents que les lauréats de la langue de bois.
Pendant nos élucubrations, les autres capitonnaient leurs certitudes dans le confort de la pensée officielle. Ils se congratulaient, s’envoyaient des médailles et s’illustraient par des titres ronflants de chevalier des choses ou de docteur émérite des trucs.

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Eh bien ! c’est fini. La paix est rompue.
Même notre insignifiance est de trop. La nullité de nos propos finit par inquiéter. Nos pitreries les scandalisent au plus haut point. Il va falloir que nous leur rendions des comptes, alors qu’au grand jamais nous ne leur en avons demandé. Les sources de leur gloire, leurs nominations merveilleuses, leurs carrières exemplaires, leurs filiations, cousins, belles sœurs, amants, maîtresses, si on couche plus au PS qu’au MR… Rien, jamais. Nous étions là-dessus d’une grande discrétion, imité en cela par le clergé des Lettres et l’élite de nos folliculaires.
Les accords tacites entre ceux qui dirigent et ceux qui sont dirigés sont devenus caducs !
On ne peut croire que l’évanescente Marie bat le rappel de la bien pensante société contre la plèbe sous prétexte que s’y cachent quelques SS revenus d’un nouveau Munich de la bêtise, ou l’un ou l’autre malodorant négationniste, deux paires de Palestiniens survivants de Sabra et Chatila, quelques libertaires attardés et un vieux trotskiste, ancien collectionneur de pics à glace, qu’enfin tout ce monde là serait capable de déstabiliser un Etat fort de sa vérité sur ses bases centristes et bourgeoises ?

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Car, s’il est vrai qu’il y a tout cela sur Internet, qui nous dit qu’il n’y a pas bien pire dans le monde du dessus ? Dans, par exemple, un racisme au quotidien de cette société discriminante qui est avant tout la leur, avant d’être modestement, un peu la nôtre ?
Qui nous dit que dans les quelques idiots du ras des pâquerettes qui s’entêtent à découvrir des différences entre les hommes, il n’y a pas de leurs créatures, ceux que « ces beaux messieurs » n’ont malheureusement pas pu éduquer ?

2 août 2004

Un film à revoir : Monsieur Schmidt.

Paru en DVD, après être passé presque inaperçu au Churchill, le film "Monsieur Schmidt", du réalisateur Alexander Payne, montre la vie affective et sociale dans le monde occidental… monde que nous contribuons pour l’essentiel à être ce qu’il est.

Le pitch.
Warren Schmidt, cadre dans une grande compagnie d’assurances, prend sa retraite à 66 ans.
C’est une rupture avec une existence vouée à l’entreprise. Quelques mois plus tard, il perd son épouse après plus de quarante années de mariage, alors que sa fille va se marier.
C’est à partir de ces faits courants dans une vie, que cet homme s’interroge sur le ratage de son existence.
Le film se termine sur la lecture d’une lettre d’une bonne soeur d’un pensionnat à laquelle il versait 22 dollars par mois pour l’entretien d’un petit africain..
Jusque là, il s‘est confié à cet enfant. Or, celui-ci n’a que 6 ans et ne sait ni lire ni écrire.
Même cette relation s’avère aussi dénuée de sens.

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Les événements de ce film sont d’une très grande banalité. Mais le ton est juste. C’est la vie de Monsieur et de Madame Tout le monde.
Ce qui dérange dans ce monde aux apparences paisibles, ce sont les mots conventionnels échangés par des personnes dont les visages ne sont pas toujours en concordance avec ce qu’ils disent. Le rôle de la camera est essentiel. De cette comédie humaine, seuls des gens comme Warren en perçoivent la fausseté.
La langue de bois dans le discours quotidien est le résultat d’une longue pratique des mensonges sociaux et affectifs, sans lesquels, la vie en société serait autre.
Il y a d’abord la fête que donne l’entreprise à la retraite de Monsieur Schmidt. Les discours officiels et l’invitation du successeur à suivre les dossiers, se traduisent, quelques temps plus tard, par une fin de non recevoir du nouveau cadre qui met l’ancien à la porte.
Dans un excès de désespoir, alors qu’il s’entourait des vêtements et des objets ayant appartenu à la défunte, Warren découvre d’anciennes lettres dans une boîte à chaussure. Sa femme a été, il y a vingt-cinq ans, la maîtresse de son seul ami.
Sa fille dit l’aimer sincèrement, mais refuse l’aide qu’il lui propose durant les quinze journées qui précèdent le mariage. Elle craint qu’il ne s’incruste. Lui-même désapprouve ce mariage ; mais il y sera « à sa place ». Il prononcera les quelques mots que la noce attend du père de la mariée.
Les seconds rôles jouent parfaitement sur le décalage des mots et des faits. Tout le monde triche et ment, parfois de bonne foi. Seul Warren s’interroge et se trouble.

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Ce film observe les gens sans indulgence, mais sans méchanceté. On en vient à penser que cette société si ordonnée, si adaptée dans ses possibles sociaux, si raisonnable, est peut-être la pire de toutes celles qui se sont succédées depuis que l’idée moderne d’une démocratie a pris corps à l’aube du XIXme siècle.
Nous sommes à la fois les acteurs et les victimes d’un fiasco de l’organisation du monde à l’occidentale. La majorité réagit comme un lutteur de deux cents kilos opposé à un autre de soixante. Il use de sa masse pour dominer, puis écraser toute résistance.
C’est le statut de la classe moyenne, qui est en jeu.
Dans la fascinante horreur de la « douceur de vivre » pour laquelle on sacrifie les sentiments vrais aux mensonges, les élans du cœur à une chaleur factice, les générosités à des chèques déductibles, la classe unique s’obsède de l’efficacité du travail qu’elle lie au progrès de son affect. A l’heure où les gouvernements s’occupent de tout, il n’est pas permis, voire dangereux, de s’élever contre ce concept. C’est une complicité de fait entre l’Etat et les citoyens majoritaires où la place de gens comme Warren, lorsqu’ils recouvrent leur lucidité, n’existe plus.

1 août 2004

Vire au guindeau

Les grands voiliers, dévoreurs d’espace, sont les formules 1 du rêve. On a envie de tout plaquer pour y jeter son sac, alors que le premier maître sonne la cloche du départ.

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Partir, le mot est lâché, se fondre dans l’anonymat d’un port, du vent sous les semelles, en partance pour un autre port, avec en bouche des noms qui font rêver : Valparaiso, Malacca, Vancouver… On a l’impression d’entrer dans une peau neuve, si neuve qu’elle n’a pas encore connu le sordide, l’infâme, la sueur, l’angoisse, le mal vivre… A l’autre bout du monde, on est quelqu’un d’autre, venu d’ailleurs. Le mystère est sans cesse recommencé d’estuaire en calanque. Fernão de Magalhães a dû ressentir cela en 1505…
Blaise Cendrars a très bien rendu le fourmillement qui vous parcourt au mot « départ »…
« Le trident de Neptune est le sceptre du monde », comme l’écrivit Antoine Marin Lemierre.

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Nous dormirions dans des hamacs tissés d’abaca, ce bananier des Philippines dont les fibres font de bons cordages. Sous le beaupré nous prendrions des allures de coureur des mers, comme si nous étions corsaires de Saint-Malo, alors qu’à peine amarinés nous n’aurions que des nostalgies d’une trop longue adolescence aux lectures de Jules Verne et que nos vagabondages ne seraient que les chimères « d’un voyage autour de ma chambre ».
Rêve d’enfants que cela.
On est cabané (chaviré) par les vacances, la tête pleine des cadènes … vacuité des jours sans travail… L’oisiveté est cruelle aux faubouriens que nous sommes tous plus ou moins devenus depuis qu’il n’y a pas que les bateaux qui tirent sur leurs chaînes…

Dis qu’as-tu fait des jours enfuis
De ta jeunesse et de toi-même
De tes mains pleines de poèmes
Qui tremblaient au bout de ta nuit

On le sait, une nuit n’est pas pareille à l’autre. L’été nous pousse au dinghy. Tirer sur la ficelle de l’Evinrude, et filer au large, cela conduit à un port, de l’autre côté de la vague… Nous sortirons notre étamine à pavillon noir, bien entendu, jusqu’à ce que nous tossions (cogner) contre un wharf inconnu.
Dans la réalité, la mer se lit d’un bord à l’autre de la ligne et la vague se fait vaguelette au récit.
Quitte à trahir Surcouf, l’étendue d’eau se rétrécira au point de prendre l’aspect d’un lac artificiel (l’embalse espagnol). Il faut au voyageur quelques points fixes à sa nature fidèle.
L’après-midi, nous partirons aux crécelles des cigales, nous baigner dans le Salagou. Eh oui ! les mers rétrécissent au lavage des budgets.
Tandis que je te verrai nue à sécher sur le drap de plage,
Je te lirai quelques poèmes :

Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Fleurissaient les seins de Lola…

Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n’en est jamais revenu…

Puis à la sieste, tu seras du voyage et nous voguerons dans le dépaysant Marizibill du cher Guillaume… Nous choquerons (lâcher du cordage) à nos imaginations tendues.

Dans la Haute-Rue à Cologne
Elle allait et venait le soir
Offerte à tous en tout mignonne
Puis buvait lasse des trottoirs
Très tard dans les brasseries borgnes
Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C’était un juif il sentait l’ail
Et l’avait venant de Formose
Tirée d’un bordel de Shanghai
Je connais des gens de toutes sortes
Ils n’égalent pas leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs coeurs bougent comme leurs portes…
C’est cela. Nous sommes gens de toutes sortes et nos cœurs bougent comme des portes…

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