Un film à revoir : Monsieur Schmidt.
Paru en DVD, après être passé presque inaperçu au Churchill, le film "Monsieur Schmidt", du réalisateur Alexander Payne, montre la vie affective et sociale dans le monde occidental… monde que nous contribuons pour lessentiel à être ce quil est.
Le pitch.
Warren Schmidt, cadre dans une grande compagnie dassurances, prend sa retraite à 66 ans.
Cest une rupture avec une existence vouée à lentreprise. Quelques mois plus tard, il perd son épouse après plus de quarante années de mariage, alors que sa fille va se marier.
Cest à partir de ces faits courants dans une vie, que cet homme sinterroge sur le ratage de son existence.
Le film se termine sur la lecture dune lettre dune bonne soeur dun pensionnat à laquelle il versait 22 dollars par mois pour lentretien dun petit africain..
Jusque là, il s‘est confié à cet enfant. Or, celui-ci na que 6 ans et ne sait ni lire ni écrire.
Même cette relation savère aussi dénuée de sens.
Les événements de ce film sont dune très grande banalité. Mais le ton est juste. Cest la vie de Monsieur et de Madame Tout le monde.
Ce qui dérange dans ce monde aux apparences paisibles, ce sont les mots conventionnels échangés par des personnes dont les visages ne sont pas toujours en concordance avec ce quils disent. Le rôle de la camera est essentiel. De cette comédie humaine, seuls des gens comme Warren en perçoivent la fausseté.
La langue de bois dans le discours quotidien est le résultat dune longue pratique des mensonges sociaux et affectifs, sans lesquels, la vie en société serait autre.
Il y a dabord la fête que donne lentreprise à la retraite de Monsieur Schmidt. Les discours officiels et linvitation du successeur à suivre les dossiers, se traduisent, quelques temps plus tard, par une fin de non recevoir du nouveau cadre qui met lancien à la porte.
Dans un excès de désespoir, alors quil sentourait des vêtements et des objets ayant appartenu à la défunte, Warren découvre danciennes lettres dans une boîte à chaussure. Sa femme a été, il y a vingt-cinq ans, la maîtresse de son seul ami.
Sa fille dit laimer sincèrement, mais refuse laide quil lui propose durant les quinze journées qui précèdent le mariage. Elle craint quil ne sincruste. Lui-même désapprouve ce mariage ; mais il y sera « à sa place ». Il prononcera les quelques mots que la noce attend du père de la mariée.
Les seconds rôles jouent parfaitement sur le décalage des mots et des faits. Tout le monde triche et ment, parfois de bonne foi. Seul Warren sinterroge et se trouble.
Ce film observe les gens sans indulgence, mais sans méchanceté. On en vient à penser que cette société si ordonnée, si adaptée dans ses possibles sociaux, si raisonnable, est peut-être la pire de toutes celles qui se sont succédées depuis que lidée moderne dune démocratie a pris corps à laube du XIXme siècle.
Nous sommes à la fois les acteurs et les victimes dun fiasco de lorganisation du monde à loccidentale. La majorité réagit comme un lutteur de deux cents kilos opposé à un autre de soixante. Il use de sa masse pour dominer, puis écraser toute résistance.
Cest le statut de la classe moyenne, qui est en jeu.
Dans la fascinante horreur de la « douceur de vivre » pour laquelle on sacrifie les sentiments vrais aux mensonges, les élans du cœur à une chaleur factice, les générosités à des chèques déductibles, la classe unique sobsède de lefficacité du travail quelle lie au progrès de son affect. A lheure où les gouvernements soccupent de tout, il nest pas permis, voire dangereux, de sélever contre ce concept. Cest une complicité de fait entre lEtat et les citoyens majoritaires où la place de gens comme Warren, lorsquils recouvrent leur lucidité, nexiste plus.