Vivent les avocats, ma mère… vivent les avocats
Quest-ce que les avocats sont omniprésents : dans les entreprises, dans les Conseils dadministration, en politique !
Par contre au Palais de justice, faut se dépêcher pour en avoir un qui veuille… pro deo.
Outre les avocats et quelques autres licenciés ou gradués, au Parlement, au Sénat, dans les ministères, aux postes de responsabilité et aux leviers de commandes, vous avez déjà rencontré, un soudeur à larc et à lautogène, un lampiste de la SNCB, un vendeur de la FNAC, un bureautier venu dune modeste entreprise ?
Nest-ce pas trahir lesprit des Lois que de réduire ainsi la représentation de la population ?
Déléguer son pouvoir de citoyen, cest normal. Donner la parole à tous est impossible.
Mais, pourquoi toujours ou presque un avocat parle en votre nom – quel que soit le parti ?
Y aurait-il une concentration de petits génies parmi eux et, chez nous, un concentré dimbéciles ?
Je nai rien contre la profession là où elle doit sexercer… ailleurs, il y a excès.
On peut se demander comment la mode de lavocat pour tout nous est venue ?
Cent contre un, Isabelle Simonis, qui vient de se faire vider par le PS à cause dun balourd de son service, nest pas avocate !
Si elle lavait été, elle aurait entortillé la phrase, emberlificoté la journaliste, noyé si bien le poisson, quelle serait encore aujourdhui au perchoir de la Communauté à se curer les ongles.
Cest peut-être pour cela quon les aime, les avocats dans les partis : ils sont insubmersibles.
Lart de concilier la chèvre et le chou, de se placer sans faire de vague, de se valoriser subtilement et, par conséquent, valoriser le parti, manier la litote et toucher à tout : nous voilà prévenus, ils sont surtout experts en langue de bois.
En somme, lavocat est à lopposé de ce que recommande La Bruyère dans ses « Caractères » : ” se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres… ou renoncer à se faire valoir ”.
Ces sous-mariniers en eau trouble de charme et de choc ont tout ce quil faut pour réussir à tous les échelons de représentation. Un bon avocat est celui qui fait acquitter un innocent, certes, mais cest aussi celui qui ne fait prendre que six mois à un gangster qui, sans le cher Maître, aurait pris dix ans.
Puisque la Justice nest pas lart dhonorer le bien et de sanctionner le mal, quelle na quun rapport lointain et souvent conflictuel avec la morale, ceux dentre eux saisis du prurit du pouvoir, ont compris quils pouvaient appliquer leur astucieuse éloquence à des causes nationales. On nest pas contre. Cest leur droit. Mais aujourdhui, il y a pléthore. On a bien établi des quotas pour les étudiants en médecine, pourquoi pas au Parlement ?
Ce qui plaît chez lavocat, dans les partis, cest le présupposé quil est plus cultivé que les autres catégories professionnelles.
Voyez Maître Magnée lautre soir à une émission qui lui a été consacrée. (LAvocat du diable) : quelle prestance, quelle assurance de leffet produit par son verbe !
Quoique nétant pas sur une liste électorale (il faut lui reconnaître ce mérite), il lui a suffit de citer approximativement deux vers du Cyrano de Rostand (dune rare redondance) et une réflexion de Zola pour que les populations sébaubissent. Vous arriveriez avec un paragraphe entier dune Saison en enfer ou une fulgurance dAntonin Artaud que vous passeriez quand même pour un abruti !
En politique, cest comme au tribunal. Il faut savoir ne pas agacer le juge et attendrir le jury populaire. Ces professions-là sentent dinstinct la salle derrière eux. Ils naiment rien tant que les murmures flatteurs qui accompagnent leurs messianiques envolées. Ils ont le sens du bien dire à laune de la multitude. Le naïf de la rue croit toujours en 2004 que lhabit fait le moine.
La centrifugeuse sociale de lEtat fait beaucoup pour leur succès. Le centre naime rien tant que niveler les aspérités, adoucir les pensées dérangeantes.
Les avocats rejointoient à merveille lédifice de leurs propos lisses. Ils se gardent des idées trop complexes. Ils en imposent et, en même temps, ils rassurent et plaisent au plus grand nombre.
Les temps sont aux plaideurs. On a vu un plaignant de cinq ans, griffé par un enfant de son âge et un Chicaneau réclamer justice. Tout se traite par contrats épluchés par des avocats. La mode vient dAmérique, bien sûr, mais elle était attendue chez nous par des gens qui ne règlent plus leurs petites affaires eux-mêmes. On va chez un avocat, comme on va chez le dentiste.
La démocratie fout le camp ?
Les parlementaires sortis du Barreau se feront un plaisir de revendiquer pour vous son retour. Ils savent ce que vous voulez, puisque ce sont eux qui vous le soufflent.