Un mec à plat !
- Tu fous, mec, técris plus ?
- Jai plus de colère… jen ai plus rien à foutre des Michel, Di Rupo, Onkelinx… je me demande si ça leur fait pas de la pub que je les arrange au vitriol…
- Cest vrai que jusquà ces derniers jours tétais assez violent…
- Jai plus que du dégoût…
- On peut pas écrire avec le dégoût…
- Non. On se détruit soi-même…
- Jai jamais su ce que tu voulais vraiment…
- Moi non plus… Javais des indignations… Ça montait par bouffée…
- Soupape ,
- Non, soulagement. Je me disais, si moi je pense ainsi, les autres, cest pareil, sauf quils la ferment. Question pudeur ? Difficulté dans le choix des mots ? Confusion des esprits ? Eh bien non ! Javais tout faux sur toute la ligne.
- Autrement, voilà longtemps quon serait au grand soir…
- Cest sûr… Non. Les gens sindignent pas que les mandats politiques enrichissent leurs bonshommes tout à fait légalement, ils pensent pas comme moi. Mieux, ils sont dun avis contraire.
- Ce sont des croyants ?
- Exactement Ils croient en Dieu, même les athées !... à la vertu des gens en place. Ils ont foi dans ce quils appellent la démocratie. Ils se sentent dirigés par des responsables compétents. Ils trouvent que le pognon fait toute la valeur dun homme. Les plus sceptiques, à la limite, jouent au Loto. Ceux-là croient plus à la promotion par le mérite. Ils pensent que faire du fric, cest aussi con que ça. Cest les plus vrais.
- Quest-ce que cest le plus important pour eux ?
- Cest de se faire reluire tout de suite. Dabord le fric – cest-à-dire comment en gagner - avec tout ce que ça suppose daffirmation de soi et de bonheur immédiat et de stress pour rester au top, puis le cul, avec toutes les variantes, la bouffe, les vacances, la télé. Même le fonctionnaire chrétien à famille nombreuse pense ainsi, sans loser pouvoir dire…
- Evidemment, tu déranges !
- Non. Même pas. Ils sen foutent. Ils ont compris quavec les casseroles quils traînent cétait pas le moment de se poser des questions, de la jouer sentimentale…Puis, avec mes trois lecteurs et demi, jsuis pas dangereux… juste un loustic, guignolo dInternet…
- Cest le contraire, ils pensent que tes pas assez sentimental… que tu tattendris pas sur leurs misères à eux… que tu respectes pas ceux qui se crèvent au boulot… que tes un facho égaré, même.
- Evidemment, je vois pas la rémission des péchés comme eux. Je pense pas que Bush fait la guerre pour le bien général. Je ne saisis pas en quoi le PS est meilleur pour le plouc que le MR. Je ne suis pas à mesbaudir sur le travail des Missions dans le tiers monde et je ne pense pas quun sac de riz estampillé don de la Belgique est meilleur que dix sacs de riz arrachés à la maffia de la famine. Je ne jubile pas à une Résolution des Nations Unies qui répare une injustice sur le papier mais qui la laisse perdurer dans la réalité sans rien faire.
- Là, tu repars dans tes colères…
- Tas raison. Jessaie seulement de texpliquer.
- Dexpliquer quoi ?
- Les gens, même qui ne sont pas loin de partager tes idées, te traitent de pignouf pour des raisons de commodité personnelle. Que tu sois vendeuse au GB ou au guichet de la FMSS, tas quun objectif : durer. Quest-ce que tu fais ? Cest simple, tu fermes ta gueule. Toi le sensible, lémotif, le consciencieux, tu te dis que cest plus la peine de vouloir changer les prudents en responsables.
- Que vas-tu faire alors ?
- J ai cru pouvoir jouer au golf, me faire sucer par une pauvre fille désargentée, voter pour le premier gangster sur nimporte quelle liste de ma couleur, sans trop savoir laquelle, rêver de ce quon va bouffer le soir dès le petit déjeuner, trouver que Britney Spears a un beau cul et disputer à un ami la qualité dune bouteille de Juliénas par rapport à un Gevrey-Chambertin, me scandaliser avec ma concierge de la montée des violences en ville et réclamer avec les pensionnés quon remette les bancs quon avait enlevés pour le village gaulois place Saint-Paul, mabonner à des magazines de lauto parce que ma tire va avoir quatre ans, trouver que la vendeuse de Tintoretto est drôlement mieux foutue que ma femme et dire en même temps à celle-ci : « Tes magnifique, chérie, avec cet ensemble », mettre mon cul enveloppé dans un tweed très british dans le fauteuil à 65 euros de la salle du concert du conservatoire, alors que des rappeurs rue Sainte-Marguerite savent pas ce que cest quun basson, mentendre dire « certainement, monsieur le ministre » en serrant des mains de gens qui pillent le trésor public ne serait-ce quen salaires et revenus adjacents énormes et dautant immérités, envoyer mes bons vœux de retraite au gouverneur, alors que je men fous et que sil avait joué de la clarinette au lieu de faire du vélo, on sen serait jamais aperçu, initier ma famille aux mille et une bluettes de la superficialité et passer à côté des vérités les plus élémentaires… En foi de quoi, je serais en train de gueuler partout quil ny a que le travail et lamour de la famille qui compte avec celui de la Belgique…
- Ten as encore pour longtemps ?…
- Jusquà demain matin, si tu veux.
- Pour me dire quoi ?
- Que, même ces choses banales, en somme, si communes aux citoyens « honorables » enfin, eh bien ! je nai pas pu…
- Arrête, tu deviens pathétique…