Un président fort demandé.
- Monsieur Jean-Bertrand Aristide, vous êtes aujourdhui en exil à Pretoria, votre destin dhomme politique de premier plan sest-il arrêté définitivement en Afrique du Sud ?
- Pas du tout. Je suis en pourparler avec un grand parti pour revenir bientôt au pouvoir.
- Pouvez-vous nous dire lequel ?
- Je ne vais pas compromettre ceux qui me font confiance. Cest un peu prématuré.
- Quand retournez-vous à Haïti ?
- Qui vous parle de Haïti ?
- Comment ? Le grand parti qui vous fait confiance nest pas haïtien ?
- Pas du tout. Jai définitivement tourné la page.
- Ce serait alors vers le Vatican que vont vos ambitions. On se souvient que vous avez été prêtre avant de vous marier avec Mildred.
- Le Saint Père nous a donné un missel et jattends quil bénisse notre union Mildred et moi, dautant que le Seigneur nous a donné deux filles, il est vrai que je ly ai quelque peu aidé. (rire) Il sagit dun pays dEurope et ce nest pas celui du pape.
- Vous nous faites languir, Jean-Bertrand…
- Eh bien ! cest de la Belgique quil sagit.
- Vous avez été pressenti par un parti belge pour faire quoi ?
- Pour occuper un poste très important, bien entendu.
- Avec quelle aide ?
- Mes « chimères (1)» viendraient directement dHaïti en Belgique pour appuyer ma politique.
- Quelle politique ?
- Sociale, cela va de soi. La révolution haïtienne est la seule révolution desclaves qui a débouché sur un succès. Voilà une source de grande valeur qui nest pas contestable. La situation en Belgique est grave. La pauvreté augmente dans les grandes villes, lillettrisme gagne les Hautes Ecoles… Fondamentalement votre pays a besoin de se ressourcer.
- Ah ! Cest une offre du PS ?
- Quallez-vous chercher là ? Le parti que je ne nommerai pas a été le seul à nous envoyer une délégation pour le bicentenaire de lindépendance à Port-au-Prince. Jai depuis cet événement gardé des contacts avec les forces-vives de ce parti.
- Louis Michel ? Ce serait pour remplacer Louis Michel au MR ? Mais, il y a un certain Didier Reynders qui a été nommé…
- Vous allez vite en besogne, Monsieur Olivier. Je dois encore recevoir le prêtre Gérard Jean Juste de la « Famille Lavalas » qui enquête sur lassurance que loffre en dollars qui ma été faite est sérieuse.
- Cest quoi, ce type ?
- Cest mon chef de cabinet, en même temps colonel des Chimères.
-Admettons que loffre vous intéresse, quand prendrez vous vos fonctions ?
- Nallons pas trop vite. Quand les autres partis ont su que jétais engagé pour faire tourner une équipe, ils mon pressenti également pour que je devienne leur entraîneur.
- Vous êtes sûr quil ne sagit pas de football ?
- Non. Le football, cest Mildred qui sen occupe. Si un club change dentraîneur, faites signe.
- Les concurrents du MR ne sont pas nombreux. Il y a le CDh et le PS.
- Madame Milquet est une femme charmante qui vient régulièrement se refaire une santé en Haïti.
- Ah bon !
- Je lui fournis les oranges qui, je ne sais pas pourquoi, sentassent devant elle dans ses tribunes. A la longue, le fruit saltère. On croit que cest la dame, mais non, cest lagrume.
- Vous êtes aussi importateur de fruits exotiques ?
- Parce que des oranges qui poussent en Espagne, cest un fruit exotique !
- Mais alors, je ne comprends plus. Vous vendez des oranges dEspagne au CDh ?
- Jai un modeste commerce dimport-export. Cest plus un hobby quune affaire.
- Il ne reste plus que le PS. Vous avez des contacts avec Di Rupo ?
- Cest là que ça coince. Elio est très chatouilleux, voyez les vice-présidents quil a. Un homme de mon poids serait de nature à lui faire de lombre. Je ne désespère pas. Ma politique sociale devrait plaider en ma faveur.
- Mais, vous avez plongé Haïti dans la régression sociale et la misère…
- Oui, mais tout cela dans la fermeté. Cest cela que le président du PS apprécie. Il a des problèmes avec ses syndicalistes de lenseignement, nest-ce pas ?
- Et alors ?
- La méthode Aristide avec ses Chimères est radicale.
- Vous nallez pas me dire que vous iriez jusquà…
- Si… Cest le destin de tout homme dEtat. Mais, je vous laisse, jai une messe à Saint-Gilles.
- Quoi ! Vous exercez toujours votre sacerdoce, malgré votre mariage et vos deux filles ?
- Jai une dispense du pape. La pénurie des vocations lui a fait lâcher du lest.
- Vous recevez un salaire ?
- Pas encore ? Je me contente des aumônes des plateaux. A ce propos, si vous avez des clients pour des pièces de lArt religieux, jai quelques objets intéressants.
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1. Chimères : partisans armés du président Jean-bertrand Aristide qui réclament son retour et commettent des exactions, vols, meurtres, viols. Ils sont actuellement combattus par les forces de la Mission des Nations Unies en Haïti (Minustah)