Grooming social
Chère Harmonie,
Jaime recevoir vos lettres. Elles sentent la cire dabeille et ont des tiroirs reliés à un rêve denfance : Alice et ses compagnons anthropomorphes.
Cela me hante encore aujourdhui : le lapin raisonneur, lœuf sur le mur, la cour du roi de coeur et Alice qui passe la tête la première dans le terrier… voilà lunivers qui me plaît.
Vos calligrammes sont mystérieux à souhait et procèdent de cette magie.
Ne me demandez pas dexpliquer. Cest comme si intéressé par les battements de votre cœur, je percevrais en même temps le tic tac de votre montre !
Vous mécrivez que vous avez un autre correspondant à lérotisme antépiphore.
Sans rivalité, il ny a point de surpassement.
Mon actualité est un travail que jai entrepris témérairement sur Richard III. de Shakespeare,
Dabord un très rapide résumé : Nous sommes en Angleterre à la fin de la Guerre des deux Roses. Les deux branches Plantagenêt sentretuent pour le pouvoir. Henri VI est assassiné par son parent qui devient roi sous le nom dEdouard IV. Le frère cadet de ce dernier, le duc de Gloucester, est difforme et ravagé dambition. Il veut la couronne. A la mort dEdouard, au lieu de porter le fer dans le clan adverse, il assassine les enfants de celui-ci, ainsi que Clarence, un frère puîné. Il devient Richard III et règnera deux ans. Voilà lhistoire comme nous la sert William. Il a suivi le récit de Thomas More qui fut un histrion au service dHenri VI, puis dEdouard IV qui le chassa. More mourut occis par les sbires de Henri VIII le 6 juin 1535.
La scène où Gloucester séduit la duchesse Anne dont il a assassiné le mari est peu crédible. Un assassin aussi hideux doit parler dambition plutôt que damour. Alors, la duchesse Anne eût succombé sans que cela parût invraisemblable pour le trône dAngleterre. Aimer Richard III comme le dépeint Shakespeare est impossible.
Will a écrit la pièce plus dun demi siècle après les faits.
Flaubert a connu lamour-haine pour Achille-Cléophas, son père. Nous sommes en 1830, Gustave à neuf ans et à laube de lapogée de la bourgeoisie louis-philipparde, loin du moyen-âge. A défaut dun parricide, il sest payé une névrose.
« On ma fait cadet donc laid, méchant, sot et lâche » est une tirade qui me vient à lesprit pour résumer lipséité de Richard et sa gémellité avec Flaubert.
« Richard : Les mythes, que le besoin religieux engendre, nous arrachent de cette terre flétrie ; mais, cest pour nous emprisonner dans le cachot duquel nous croyions nous évader. En essayant dinstinct de nous représenter le Sauveur, linfini sengloutit dans une pierre Noire ou dans la représentation dun vieillard à barbe blanche. Entre ces symboles, il ny a pas de différence réelle. Dieu a créé lhomme de telle manière que celui-ci ne peut vivre sans Lui, mais ne croit quaux idoles et meurt privé de Sa lumière. »
La suite est évidente. Il reste à dire quelques mots sur la pompe de la majesté et Anne tombe dans les bras de Richard.
Quen pensez-vous ?
Voilà à quoi je passe le temps, chère Harmonie, en attendant vos lettres.
La photo du premier étage de votre maison est prise du dehors, par la fenêtre. Comment avez-vous fait ? Merci pour me laisser pénétrer dans lintimité de votre chambre à coucher. Jaime assez le rôle de qui se hisse du lierre au balcon.
Puisque vous ne men avez donné ni lautorisation ni linterdiction, je conclurai hardiment par un tendre baiser.