La mort de Yasser Arafat.
Les hommes nont dimportance aux yeux des foules que dans la mesure où ils passent pour les incarner parfaitement dans ladversité. Comme on sidentifie aux héros de cinéma, on sidentifie à ceux qui nous gouvernent surtout sils ont traversé des épreuves qui les ont fait ce quils sont.
Ils semblent vivre pour nous et lorsquils meurent les gens se sentent orphelins.
Cet attachement au chef vient du fond des âges, lorsque les éléments extérieurs au clan étaient autant dobjets dangereux utilisés par dautres clans hostiles.
Arrivé à ce stade dorganisation sociale, on ne sait plus si le chef transfiguré en « père de la nation » est encore un homme ou un demi-dieu. Son passé, sa légitimité, les entreprises parfois hasardeuses et pas toujours réussies dans lesquelles il a entraîné son peuple sortent du jugement commun, toute critique lucide étant impossible.
Tel a été Yasser Arafat.
Il est donc très difficile de porter un jugement sur lui dans la mesure où il ne sera jamais quinterprété dans la passion du moment.
Son successeur, sil suit le même chemin – il nest pas question ici de décider de lavenir des autres, mais du sien propre – devra naviguer quelques temps dans la défiance générale, tant le culte des héros, sil nest pas utilisé adroitement par le nouveau raïs, ressemble presque toujours à une marque de défiance envers le pouvoir suivant.
Cest à lépreuve du temps, à lhabitude de voir le chef aux grands moments de lhistoire de la Nation, quune familiarité amoureuse naîtra alors entre lui et le peuple qui, par le même effet, perdra peu à peu jusquau souvenir de lancien pouvoir.
Alors, le nouveau pourra se déterminer à créer véritablement lévénement au point de dire et de faire le contraire de son prédécesseur, sans que cela choque le moins du monde.
Quant à nous, Belges et démocrates, la mort de Yasser Arafat projette nos complexes et nos désirs à la une de nos journaux qui, à leur tour, nous renvoient nos propres rêves et illusions. Le président des Etats-Unis sest mis en tête de faire une démocratie de lIrak. Nen doutons pas, nous voulons quil en soit ainsi du futur Etat palestinien que Bush promet au peuple asservi par Israël dici la fin de son deuxième mandat.
Or, il ny a pas un seul chef dEtat arabe qui soit issu délections libres au suffrage universel.
La Syrie, la Libye, lEgypte, la Tunisie, le Maroc, lAlgérie, le Liban, lIran, les Emirats du Golf, enfin tous les pays du Proche et du Moyen-Orient ont tous à leur tête des chefs dEtat venus aux affaires par la force des armées, lhérédité ou le trucage électoral.
Cest un constat facile à faire.
Le pouvoir quils exercent ménage les « roitelets » intérieurs par les cadeaux » aux tribus, aux familles, aux généraux. Il en a toujours été ainsi. Et si Yasser Arafat est resté si longtemps au pouvoir, cest parce quil a fait comme tout le monde. Sil ne lavait pas fait, il y a déjà très longtemps que personne nen parlerait plus.
Aussi, quand ses détracteurs affirment quil sest enrichi personnellement, on cite une fortune d1 milliard de dollars, il faut en rabattre de beaucoup, tant il devait redistribuer largent quil percevait de la Communauté internationale en fonction des nécessités du moment.
Cest ainsi que les habitants de ces pays vivent, quon le déplore ou non.
Il faut être un inconscient fou de dieu comme Bush pour imaginer que des élections libres et non truquées vont faire un pays démocratiques de lIrak. Ou alors, ces élections se dérouleront comme à Kaboul. Nous aurons la certitude davoir contribué à la création dune démocratie nouvelle, alors que nous serons la risée de tout le monde arabe.
Nen doutez pas, il en sera de même pour le futur dirigeant palestinien.