Les bobines à Julos
Tout un quartier était off limits pour Ducon. Il avait été interdit de séjour par quelques pointures quaimaient pas son côté frimeur. Personne le savait, même pas moi. On nignorait pas quil avait eu des misères. Quant à ne plus mettre la pointe du soulier passer une limite, cétait autre chose.
Il y a ainsi des interdits quon soupçonne pas. A force détrenner des vestons dalpaca ou des santiags Marlboro, vous tombez un jour sur un balaise qui vous dit « Tas plus intérêt à passer rue de la Pompe. » Tricard à lintérieur dun périmètre, tu te demandes si ta vie nest pas ailleurs. Jai connu un Lefloche, qui avant dêtre réduit en farine à Robermont, avait été banni de la place Maghin à lEglise Sainte-Foi… son bien sous séquestre … une sorte de passion dun plus branque que lui, venu de nulle part avec la conviction de pas y retourner, pour une Josette de Marseille et quavait plus jamais eu les moyens de mettre un cierge à Notre Dame de la Garde. Ça avait été au plus féroce. A ce jeu-là, celui qua rien à perdre gagne toujours. Josette cotisait pour Lefloche chez Dexia, une sorte de prime tous les quinze jours, rien que pour promener un labrador aux Coteaux de la Citadelle.
Ducon, lui, avait créé son affaire à coups de batte de baseball. Sans jamais lire une ligne, il était toujours fourré dans un troquet pas loin du Journal La Wallonie du temps où Gillon apprenait lalphabet à la plume Ballon.
Ducon mexpliquait ce jour-là, à la terrasse du Bronson, quil avait des problèmes orthopédiques, quà partir dune certaine rue, ses pompes secrétaient une patex spéciale de la semelle. Il me demandait le service daller chercher une enveloppe chez une certaine Yvonne.
Je sortais dune école pour faire ingénieur. Jen voulais comme Boris Vian à jouer de la trompette dans les caves. Jai jamais connu personne depuis avec un diplôme aussi mal approprié à la personne que le mien. Y avait un hic : je jouais pas de la trompette. Je jouais de rien, sauf du porte-plume, instrument quétait très mal vu à lépoque. Ô pas comme aujourdhui, mais cétait déjà fort mal payé. Faire tout pour pas entrer dans le système était ma devise. Chercher une enveloppe chez Yvonne avec mille balles pour la course mallait comme un gant.
Je la connaissais un peu Yvonne. Une carcasse en deux morceaux, un rien vulgaire par-dessus, par-dessous, drôlement large des hanches, avec des cuisses de sumo légèrement bleutées par des problèmes veineux, mais qui se terminaient heureusement par de belles gambettes et un pied bien cambré. Une gueule passe-partout, un nez un peu fort et de grands yeux vairons qui avaient létrange propriété de sassombrir quand elle semballait pour un méditerranéen, ou séclaircir quand elle en pinçait pour un scandinave… mimétisme de lamour !... Elle était surtout connue pour tomber dans des mélancolies à lévocation de ses dix-huit ans, quitte à repartir dans une jactance borderline avec des copines dès quensemble elles recarburaient sur du moins rance. Dans ses moments de déprime, tout y passait : les hommes qui, en ménage, bandaient plus après quinze jours, linégalité entre les sexes que même troubade ou gouine, elle aurait quand même pas eu le droit à pisser debout, le gouvernement quétait une fine pourriture (déjà !), la société qui sentait des pieds et, apothéose, lincroyable connerie de son père quavait été une charogne en foutant sa jeunesse en lair.
La terrasse du Bronson nest pas précisément à deux pas de chez Yvonne. Je saute sur un bus. Je descends la ruelle, le 21. Hop, je sonne.
Dabord létonnement, lYvonne, à se fringuer spécial « Terre », avait un de ces pyjamas de plage comme la voilure dun skipper du « Vendée globe ».
- « Tu fais là ? », quelle me reçoit en me remettant tout de suite.
Ça la déçoit que cest à moi quelle ouvre. Je la dérange. Elle se remet un nichon quavait tendance à prendre lair. Elle le transfile dans son corsage en forme de beaupré.
Javais jamais été partant avec lYvonne, pourtant chaudement recommandée par Ducon.
Javais à peine parlé denveloppe que la voilà qui explose. Tout de suite, elle me prend pour le messager aux présages. Elle avait pas tort. Le monde renversé… les pigeons qui demandent à croquer ! Cest comme si un bougnat vous filait mille balles avec son cantal !
Le nom de Ducon la met en transe. Sa voilure qui se gonfle lui jette carrément les nibars à lair. Ça na plus lair de lintéresser, tant sa rage monte.
- Ah ! la commission… il manque pas dair la fiotte. Il me protège comment des tigres du Caucase, des ours du Korabi, des entubés de Shköder ? Tas pas honte de dépouiller une veuve, hein, crapule, quelle me fait en pensant que cest inutile quelle agonisse Ducon, quest tranquille à la terrasse du Bronson à attendre lenveloppe devant son troisième Pernod..
Elle a pas lair, Yvonne, mais à lobstination, y a pas meilleure. Je lai vue envoyer des gnons à une femme enceinte en cabine chez le gyné. Jétais déjà en mission de surveillance.
Elle me prend par le col, me souffle une haleine que je suis bon pour le plan de trois mois.
-Plus lâche que tout, les complices, quelle gueule dans la ruelle, que déjà les pensionnées du turf sont aux fenêtres… A deux contre une faible femme !... Escroc, maniaque, balance…
Plus il vient du monde, plus ça lexcite. Les vieilles approuvent, elles connaissent… complicité de bidets…
Dans sa colère, je voyais les postillons qui filaient dans un rayon de soleil comme des balles traçantes un soir à Bagdad de la démocratie américaine.
Tout à coup, une vieille gueule « Vlà Radhir ! ». Le nom arrête tout. Les fenêtres se referment, sauf la matrone du guet, quavait un nichon coincé dans lembrasure. LYvonne la seconde avant si téméraire, fait un bond en arrière. Elle réduit la voilure, se drape et saute dans son vestibule. « Fous le camp, quelle a le temps de crier avant de fermer la porte, sinon tes mort ! ». Jai compris plus tard que cétait pas des paroles en lair, non pas quelle se voulait compatissante lYvonne pour ma viande, mais du sang sur le trottoir en face, elle aurait eu des misères.
Je me retourne. Je vois, un gringalet dun mètre cinquante quavance lentement, sûr de lui, plein centre de la ruelle, comme dans un western macaroni. Radhir, on peut pas dire quen impose. Cest sûrement à lencyclopédie de ses exploits quil effraie. Il profite de la notoriété.
Je sprinte. Pas pressé, il sarrête en face du 21, mission accomplie. Dans le fond, son numéro suffisait pour entretenir sa réputation. Il navait pas besoin de me buter. Il marchait à léconomie.
Retour chez Ducon quentamait son quatrième Pernod, je lui sers ma façon de penser, que cest pas rien denvoyer au casse-pipe un innocent.
Vous le croirez si vous voulez, cest moi qui ai payé les consommations, sans lenveloppe Ducon était raide comme un passe-lacet.
Commentaires
elle est simplement bien pour etre baiser comme une chienne.je sui prete pour la baiser la trouer
Postée le: adabla | novembre 17, 2007 04:59 PM