La Saint-Nicolas des étudiants à Liège.
- On est tous pareils, groupés au bas de limmeuble. Si encore on avait un local ! Si cest pour compter celui du quartier ou lautre, mis à disposition par la Ville, merci. On peut même pas fumer du shit tranquille ! Léducatrice dans ses activités à la con, poterie et décoration, on nen a rien à battre. A vingt ans, on se pose plus la question de savoir si on fait aquarelle ou gravure, mais comment on va pouvoir bouffer dici la fin de la semaine.
- Cest vrai quoi. On reste dans les cages à sasseoir sur les escaliers. On cause. On trouve des histoires marrantes, des coups qui ont foiré. On rigole avec ce quon peut, des histoires de gonzesses bonnes à tirer ou des thons. On se casse pas le fion à trouver du boulot, puisquil ny en a pas, surtout quand lembaucheur voit nos gueules.
- Quand on a de la thune on sachète des bombes de peinture. Moi, cest le jaune. Cest chic, cest fluo avec le rose…Histoire de faire chier, on tag… Cest pas quon aime, sûr que cest dégueulasse, mais au moins on laisse une trace qui nous ressemble. On leffacera pas facile. Ce qui compte, cest quon existe, quon nest pas crevé. Faudra prendre patience.
- Rapport aux études, on est tous de technique, des apprentissages longue durée pour des métiers à la con. Personne sait résister. Lautre abruti quexplique comment il est heureux à poser des briques pour faire un mur, un jour, ça passe, cest nouveau, on se prendrait bien une heure à faire du Lego grandeur nature, mais un an !... Douleur, en quinze jours, on devient enragé… personne sait résister. Parfois tas un jeune prof de français-morale quon est près à chahuter, mais quest proche de nous par le cœur, qui sait comme ça fait chier la technique, alors, il nous sort des histoires, avec des mecs comme nous qui sen sortent quand même. Prends Truffaut et ses quatre cents coups. Voilà un super.... Ce prof, nous explique quon passe à côté de quelque chose, mais bon… son cours, ça dure pas longtemps, une heure de temps en temps… Alors, du fond de la classe, on se dit quil nous bourre le chou aussi.
- Jai connu un fils à sa môman qua plus souffert que tout après professionnelle. On peut dire que lui écoutait, notait, et se débrouillait pas mal à latelier. Vous pensez, enfin un élève doué pour les merdes… Autant, lorientation nous déconseillait tapissier-garnisseur ou plombier-zingueur, autant lui pouvait prétendre à tout… le bel avenir. Mon cul, oui. Quand il sest retrouvé chez Bingkom, le roi du sanitaire étanche, il a souffert plus que les autres qui sen foutaient et envisageaient pas la carrière complète. Il allait jamais vite assez. Lécole, cétait que des étrons poilus que lui gueulait Bingkom, des enculés, la procédure pour le dépôt de bilan. Francis avait pas le tour de main quétait bon pour tenir jusque la fin de la garantie. Bingkom sen foutait après, vu quon allait peut-être le faire revenir pour une retouche.
- Tu veux parler de Francis quétait en réalité Abdul ?... qui sest fait jeter de chez Bingkom pour incompétence ? Le pauvre, ils sen est jamais remis. Il avait pas compris que le grand art, la technique, cest bon pour la frime, que voilà longtemps que les patrons se la mettent au cul la technologie ! Il est au CPAS avec le grand Léon. Ils font ménage. Il fait la manche au Pont dAvroy. Je lui ai donné une pièce. Il est tombé plus bas que nous !...
- Nous au moins, pour ce qui est de leur bazar social, on a compris. Tarrives tout mouton. On te rate pas. Diplômé ou pas, tu sors enragé comme si tu sortais de tôle ! Tu vaux rien, cest entendu. Bon, daccord. On vaut rien. Mais on temmerde. On ne marche plus. Tu ne nous feras pas reluire de bons sentiments, de tes espérances, de ton look et de ton programme. Tes quune affiche, une propagande, même pas pour du boulot convenable, tes là que pour nous avoir, tas quun but, nous fermer la gueule et nous faire marcher au pas. Une deux, une deux… apprendre le règlement, ce qui faut faire pour que ça dorme paisible, et ce que tu risques si tu emmerdes le beau monde.
Formaté au moins offrant, tes coincé dans les waters. Si personne tire la chasse pour tévacuer avec sa merde, tas une chance. Tes là, tu gênes pas. On tignore, mais on te tolère. Tas même le droit au bout dun moment de passer le rouleau à qui sessuie le cul. Si tes vraiment bon, on te confiera un trou de balle que taura à récurer pour passer technicien.
- Franchement quoi, on peut encore leur en faire baver à ces empaffés, juste pour que ça soie pas trop monotone dici à ce quon crève. Tas un exemple. A lautre bout de la chaîne, tas les brillants, les grosses têtes quont les moyens daller se branler dans les locaux de lUnif. Hier, cétait leur Saint-Nicolas. Fallait voir les flics à leur cul, les circulations détournées, le bordel que cétait centre de Liège. Ö, cétait pas bien méchant, les futurs bourges mêlés aux frimeurs sans le sou essayaient la police, pour quand ils en auront besoin … Je me disais, en voyant la tornade des cache-poussière aussi dégueulasses que mes caleçons, merde que ce serait beau si tous les jeunes pouvaient descendre en ville pour autre chose que des conneries ! Tiens, quon pourrait dire, mais cette jeunesse-là, elle veut plus se faire formater la capsule, elle veut de lespoir, elle a le pouvoir de secouer le cocotier, de dire à tous les pourris qui sempiffrent à la soupe du bon ton, quaujourdhui cest la vraie Saint-Nicolas, celle de la réalisation des projets pour lhomme quest dans la rigole, quil doit plus avoir peur des sales cons qui poussent à reproduire leurs conneries dune génération lautre… Quon veut faire autre chose, nom de dieu, pour plus que la misère gagne, pour fermer la gueule aux belles théories… Une vraie Saint-Nicolas, quoi !...