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Tintin ne portait pas à gauche

Le mystère demeure sur l’éternelle jeunesse des héros de bande dessinée. Ils traversent le temps sans dommage. Trente, voire quarante ans après et quelques dizaines d’albums plus tard, Lucky Luke a toujours ce visage lisse du cow-boy de trente ans qu’on lui a connu à sa première chevauchée. Mieux, son cheval Jolly Jumper, à tout jamais aura la croupe élastique et le sabot aventureux d’une jument de cinq ans. Car, à défaut de lui en voir pousser une derrière la ventrière, on peut croire Jolly Jumper femelle.
Mais comment font-ils pour ne pas vieillir ?
Sur dix ou quinze enquêtes du commissaire Maigret en feuilleton TV, Bruno Kremer a pris vingt ans. Le crayon du dessinateur a cette supériorité évidente sur l’homme, qu’il plonge le héros dans un bain de jouvence qui fige les traits à tout jamais.
Par contre, les traumatismes, les blessures par balle, les disparitions dans des torrents, les cascades dans le ciel sans parachute et les miraculeuses résurrections mettent les comédiens et les personnages dessinés sur le même plan d’invulnérabilité. Uma Thurman n’aurait jamais pu tourner Kill Bill II si elle avait subi en réalité tous les traumatismes et accompli les prouesses physiques de Kill Bill I.
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Le personnage de bande dessinée à la fois le plus populaire, le plus asexué et le plus éternellement adolescent, donc le plus mystérieusement fascinant, est sans conteste Tintin.
Quel âge Hergé donne-t-il à son héros ?
L’âge de la majorité légale. Il ne pouvait en être autrement, tant l’indépendance, les voyages, les relations du personnage, auraient obligé ses parents, à moins de 18 ans, d’exercer sur lui une tutelle incompatible avec l’autonomie que Hergé lui donne.
Donc, c’est entendu, Tintin a 18 ans.
Tout le monde sait qu’à cet âge un journaliste crève de faim. Il pointerait plutôt au chômage. Admettons qu’un héritage ait dispensé Tintin de pourvoir à ses besoins !
Mais alors, s’il est oisif et autonome à 18 ans, il présente un sacré retard pubertaire. Passons sur sa petite taille, Hergé l’a voulu ainsi. D’ailleurs, les petits n’en sont pas moins virils.
On a beau dire que l’auteur est issu d’un milieu catholique strict, mais quoi, à dix-huit ans et cela pendant les soixante années qui vont suivre, jusqu’à la dernière aventure avec les Picaros, pas un seul petit flirt, pas la moindre romance ! Où faut-il chercher cette absence de pulsion ? Dans le secret désir d’une vie monacale d’Hergé qui fut pourtant marié et avec, ma foi, pour ce qui concerne sa veuve, une fort jolie femme ou dans l’illustration « pour enfant » qui interdit toute sexualité, mais qui permet bien des violences ?
Des chercheurs canadiens se sont penchés sur l’impuissance d’un jeune homme de dix-huit ans, qui mourut vierge soixante années plus tard, en même temps que son auteur.
Une seule hypothèse. A contrario des autres héros de bande dessinée et des comédiens des films où les violences sont fictives, Tintin aurait réellement subi 50 pertes de connaissance parmi les 23 albums de sa carrière, 43 résulteraient d’un traumatisme crânien dus au contact de divers objets contondants, des blessures par balles, des explosions, des accidents de voiture, un empoisonnement au chloroforme et de nombreuses chutes.

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Hergé ne dit rien des cliniques et des longues convalescences de son héros. On peut imaginer que cet éternel traumatisé n’avait plus la force de satisfaire ses pulsions sexuelles. Tintin aurait-il été plus discret parce qu’homosexuel ? Les années 30-40 n’étaient pas tendres pour ce genre de transport amoureux. Cela expliquerait les silences de Hergé en même temps la longue amitié que son héros et lui-même ont eue pour Chang,
Ce refoulement n’expliquerait pas à lui seul les retards de croissance et l’arrêt de la puberté, l’onanisme des internats de l’époque non plus.
On sait que certains adolescents subissent une intervention chirurgicale pour garnir les bourses des glandes reproductrices. Les dessins des pantalons golf de Tintin, désespérément indemnes de toute boursouflure, laisseraient supposer que Hergé l’a voulu sans testicule. La Castafiore malgré son côté hyper mature, avait quand même les attributs visibles d’une femme. Et dans cet univers sans sentiment, elle pouvait faire illusion. Mais, non. Tintin resta de marbre.
La platitude de la libido de notre héros est proprement déroutante. Tintin et Hergé n’ont pas laissé de descendance. Est-ce un signe qu’ils s’identifiaient l’un à l’autre ?
Il conviendrait pour aider la science que la veuve d’Hergé nous fît quelques confidences ou laissât à la postérité quelques codicilles révélateurs à un testament sans doute mieux garni en valeurs boursières, qu’en témoignages.
Quand on voit le raffut de l’opinion internationale pour connaître le fin mot du décès d’Arafat, ainsi que l’intérêt que nous prenons à la feuille de température de Viktor Iouchtchenko, candidat à la présidence en Ukraine qui prétend avoir été empoisonné par des agents secrets, on se demande pourquoi nous avons conservé vis-à-vis de Tintin une retenue que nous abandonnons si aisément par ailleurs au nom de la recherche de la vérité historique.

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