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Un Noël qui se la pète.

- Combien de fois aurais-je encore à me répéter avant d’inscrire le mot fin ?
Le cycle est accompli et c’est comme si nous nous retrouvions au point de départ pour les mêmes souhaits et pour le même spectacle des foules que l’on photographie toujours en liesse à débiter les paroles de circonstance : « Joyeux Noël, Bonne année » etc.
Qu’est-ce qui a changé ? Apparemment pas grand-chose, sinon l’érosion des sols, un peu plus de pollution et le vieillissement que l’on sent monter en soi et que rien ne saurait arrêter.
Les réjouissances telles que nous les pratiquons valent à peine mieux que les jeux du cirque. Penser que ceux qui ne pourront satisfaire leur soif de plaisir vont rester chez eux à se morfondre devant les banalités télévisuelles, et que ceux qui ont réservé leur place à la montre des « talents » des autres s’efforceront de dissimuler sous des sourires d’apparent contentement l’irrépressible ennui des fins de nuit, ne m’apportent aucunement la satisfaction d’être quelqu’un de l’en-dehors, car mon contentement ne tire son sel que de ce que je fais d’habitude.
Bien sûr que nous les aimons les proches, les parents, ceux qui procèdent de nous et ceux dont nous procédons. Pourquoi diable ! faut-il le leur dire juste au coup de sifflet qui correspond au douzième de l’horloge ? Ne serait-ce pas plus simple de le leur prouver quand ils ont besoin de nous ou lorsqu’ils sentent que nous avons besoin d’eux ?

-Ça t’arrive de parler comme tout le monde ? T’as pas bientôt fini de faire du Proust comme on respire ? C’est quoi ça, une idée qui s’emboîte dans une autre, parce qu’ensemble elles serviront à une troisième dont on n’est pas sûr qu’elle sera la dernière ? Hein !… je tombe dans ton truc ! Rien que pour expliquer qu’il est con, je deviens con moi-même… T’es pas bien sur cette bon dieu de putain de planète ? Qu’est-ce que ça te fait qu’on soit pas tous à picoler et bouffer des petits fours ? A partir du fait que t’as accès au buffet, qu’est-ce qui te tourmente ? C’est pas toi qui peux changer le monde. Alors, si t’y peux rien, qu’est-ce qui t’empêche de rigoler quand t’en as l’occasion ? C’est pas beau une meuf qu’a envie de toi, quand t’as envie d’elle ? Du vin quand t’as soif… un bon match de foot…

Sénèque (lettre LXXX) – Et voici qu’une énorme clameur monte du stade. Si elle ne me fait pas perdre le fil de ma pensée, elle en modifie cependant le contenu. Elle m’invite à méditer sur la situation même où nous nous trouvons. Je me dis : nombreux, ceux qui exercent leur corps, bien rares ceux qui exercent leur esprit ! Quelle affluence pour un spectacle éphémère et dérisoire ! Quelle solitude autour des études enrichissantes ! Comme ils sont faibles d’esprit les êtres dont les biceps et les épaules provoquent l’admiration !

- T’entends ces types, Cri-d’Amour ? Comme si avoir une belle gueule, des biceps et du répondant sous la ceinture ne signifiaient rien ! Mais, ça signifie tout, mon pote ! T’as quitté Ernest pourquoi, mon Cri ? Parce qu’au mieux il bandait tous les trimestres, et encore, quand il sortait de sa bibliothèque, de ses grimoires, de ses thèses sur la jeunesse de quelque mirobolant foutu personnage et fallait-il encore que monsieur ait l’inspiration. Moi, j’ai quitté Cléophaste, pas parce qu’il avait un nom à coucher dehors, mais parce qu’il couchait plus. Epoque matérialiste, tant que tu veux. L’oseille et le cul, les maîtres du monde, je veux bien. Le problème universel, c’est de savoir dans quel ordre tu les places ?

- Roland Dubillard – Il tient à sa rigueur parce qu’il aime la veulerie chez les autres, parce que plus il sera franc, plus il pourra souffrir du mensonge. Il a choisi Célimène pour souffrir d’elle ; il l’a peinte en noir et lui-même en blanc parce qu’il cherchait le malheur, parce qu’il cherchait sur la terre le seul endroit vraiment écarté, non par le désert mais la tombe, non pas l’honneur, mais la mort. Comment rire d’un homme qui ne veut pas vivre ? Quant à cette pauvre Célimène, elle est innocente comme un couteau.

- Evidemment, si on se lance dans la citation ! Le principe en est simple. On va d’abord à la signature et si c’est Sartre, Gide ou Valéry, il a toujours raison. Même si c’est Dubillard !...
Mon ex m’en citait toujours l’une ou l’autre, histoire de me faire comprendre que les femmes ne l’intéressaient plus que mortes.

- Et alors ?

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-Je l’ai trompé partout où j’ai pu. En vacances avec des garçons de restaurant, chez nous au Thier-à-Liège avec un consommateur de l’Eldorado, le café dancing, un poivrot de l’Académie, même un eunuque sur un trajet dans les gorges du Verdon !

-Il ne s’est jamais douté de rien ?

- Si, il a remarqué que lorsque je prétendais me rendre chez mon amie, le compteur de la voiture marquait toujours 3 km 700.

- Ce qui veut dire ?

-…que puisque Georgine créchait à 6 km, ça ne pouvait pas être chez elle que je me rendais.

- Bien raisonné.

- C’est que, les intellos… s’ils sont cons, ils sont pas bièsses.

- Je ne comprends plus rien.

-Laisse tomber, c’est pas grave. Et Joyeux Noël.

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