Plein régime et régime sec
Certes, à défaut de pouvoir sexprimer autrement, nous vivons en démocratie et nous sommes des démocrates.
Oui mais, quest-ce quun démocrate et quest-ce quune démocratie ?
Il y a bien souvent de grands écarts entre ces deux termes qui signifient parfois deux choses différentes, au point que les gens du Vlaams Belang se disent démocrates !
Pour ma part, je me suis toujours demandé si un Etat où le plus petit nombre décide pour le plus grand, est bien une démocratie ?
Je nai pas encore entendu de réponse convaincante à cette question.
La ténacité des vulgarisateurs à vouloir à la fois porter témoignage de la « grandeur » de la démocratie et à nous en faire partager la conviction est suspecte. Elle est suspecte parce que leurs voix sont relayées par lappareil. Cest comme si un colonel dinfanterie faisait lapologie de larmée.
Les gens, que la démocratie emploie et qui en tirent souvent le plus clair de leurs revenus, devraient avoir plutôt le triomphe modeste et restituer la parole à ceux qui ont à sen plaindre.
Cest un peu ce qui se passe quand nous nous vantons de notre savoir faire dans lexercice dune démocratie dexportation. Comment, en Irak, peut-on accorder le moindre crédit à la supériorité dune démocratie qui est proposée à la population à coups de canon ?
Prenons le délicat problème des candidats des partis proposés à lélection populaire. La plupart des électeurs vont à lisoloir donner leur avis sur des gens dont ils ne connaissent rien, sinon quils ont vu des visages souriants et luisants de colle sur des panneaux érigés à la hâte pour la circonstance.
Encore aujourdhui, on sait bien que le gouvernement prend moins dinitiatives que les présidents des partis en prennent sur les sujets brûlants et ils ne manquent pas : les facilités, Hal-Vilvorde, les dépenses des ministres, etc.
Le choix des dirigeants par quelques privilégiés est un des maux de la démocratie. Les Américains ont retourné le problème dans tous les sens bien avant nous. Sans résultat, quand on voit les pitoyables Conventions et la mascarade à la désignation du candidat à la présidence, le tout entaché du grave problème de la ségrégation par largent, un candidat ne pouvant être au départ que millionnaire, sil veut avoir la moindre chance.
Les Primaires devaient être aux USA un moyen de rendre la décision au peuple. Jusque vers les années vingt cela parut une bonne chose. Lusage qui en est fait aujourdhui par une dérive progressive depuis Hebert-Clark Hoover (1929-1933) a aboutit au show que lon sait et à lindifférence progressive de lélecteur américain. On sétonne à présent aux USA de lengouement que suscite en Europe ce spectacle abondamment relayé par les médias de chez nous, ce qui expliquerait cet intérêt.
Une solution envisageable consisterait à démocratiser davantage les partis. Ce nest pas le cas en Belgique où les désignations se font en très petit comité, voire rien que par la volonté dun seul.
La façon dont Louis Michel a été propulsé Commissaire européen laisse rêveur. Dans les non-dits et les accords tacites, cétait au parti socialiste à désigner le remplaçant de Philippe Busquin à la Commission. Il y eut quelques énervements du côté flamand, mais vite calmés par lusage que tous les partis ont adopté depuis fort longtemps dune règle de conduite que personne des Francophones aux Flamands ne souhaite supprimer : celle dun partage proportionnel à limportance des partis, des revenus que le politique tire des emplois « annexes » aux mandats politiques décidés par lélecteur.
Cest une prébende, une sous-traitance accordée aux gens de pouvoir. Cest en même temps lexpression dun mépris de lélecteur, hors du temps des campagnes électorales, préjudiciable à la démocratie.
Les rapports des partis à la société restent confus, bricolés par des bureaux et des présidents, comme si on répugnait à sexpliquer dune maladie « honteuse » qui sappelle lamour du pouvoir.
Un esprit nouveau est nécessaire. Ce quon appelait jadis lesprit public, le civisme du citoyen est à retrouver impérativement, si on ne veut pas sombrer dans des déboires redoutables pour lavenir. Ce nest pas seulement aux nébuleuses des partis à mettre cartes sur table, mais aux médias principalement à ne plus nous sortir les sornettes habituelles.
Autrement dit, ce nest pas aux citoyens à retrouver des couleurs en parlant de la démocratie, mais à ceux qui lont en charge et qui doivent rendre des comptes sur ce quils en ont fait.
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