Sentiments et déraison
Extrait de « LAmour médecin », avec quelques accommodements.
Que Molière veuille bien me pardonner.
CLITANDRE, parlant à Lucinde à part.: Ah! Madame, que le ravissement où je me trouve est grand! et que je sais peu par où vous commencer mon discours! Tant que je ne vous ai parlé que des yeux, javais, ce me semblait, cent choses à vous dire; et maintenant que jai la liberté de vous parler de la façon que je souhaitais, je demeure interdit; et la grande joie où je suis étouffe toutes mes paroles.
LUCINDE: Je puis vous dire la même chose, et je sens, comme vous, des mouvements de joie qui mempêchent de pouvoir parler.
CLITANDRE: Ah! Madame, que je serais heureux sil était vrai que vous sentissiez tout ce que je sens, et quil me fût permis de juger de votre âme par la mienne! Mais, Madame, puis-je au moins croire que ce soit à vous à qui je doive la pensée de cet heureux stratagème qui me fait jouir de votre présence?
LUCINDE: Si vous ne men devez pas la pensée, vous mêtes redevable au moins den avoir approuvé la proposition avec beaucoup de joie.
CLITANDRE, à Lucinde: Serez-vous constante, Madame, dans ces bontés que vous me témoignez?
LUCINDE: Mais vous, serez-vous ferme dans les résolutions que vous avez montrées?
CLITANDRE: Ah! Madame, jusquà la mort. Je nai point de plus forte envie que dêtre à vous, et je vais le faire paraître dans ce que vous mallez voir faire.
CLEOPHASTE ELBOW : Hé bien! notre malade me semble un peu plus gai.
CLITANDRE: Cest que jai déjà fait agir sur elle un de ces remèdes que mon art menseigne. Comme lesprit a grand empire sur le corps, et que cest de lui bien souvent que procèdent les maladies, ma coutume est de courir à guérir les esprits, avant que de venir au corps. Jai donc observé ses regards, les traits de son visage, et les lignes de ses deux mains; et par la science que le Ciel ma donnée, jai reconnu ce dont elle souffrait. (Pardon Molière)
Comme ces choses-là sont dites, les prémices de lamour sont, parmi les parties délicates du discours, celles qui comptent le plus et dont on garde la mémoire jusquau bout de la vie.
Oh ! ce ne sont pas des mots damour, cest beaucoup mieux, cest un chat qui rentre ses griffes et marche en silence sur ses coussinets, afin de ne pas déranger la souris qui trempe le museau dans le bol de lait. Cest une fontaine de paroles qui murmure la chanson bien douce,
qui ne pleure que pour vous plaire…
Lon sait bien que la pensée « extravagante » du mariage de Clitandre nest ici que de la poudre aux yeux pour un père méfiant. Lors même que, cest ce que Clitandre souhaite le plus au monde !
Certes, ne serait-ce pas le moment de commenter les élections en Palestine ? Y a-t-il plus urgent que retomber les pieds, 16 rue de la Loi afin de savoir si la digestion des truffes de la Saint-Sylvestre sest faite sans embarras gastrique ?
Eh bien non ! Le plus urgent cest de parler des prénoms doubles, du sien si particulier et dun autre qui fut celui dune mère grand dun chaperon rouge aux yeux verts. Et, que sais-je encore, de toutes ces choses charmantes et qui nintéressent vraiment que « Ceux qui saiment » comme dit Prévert, lœil malin et la cigarette au bec.
« Ta douleur, du Perier, sera donc éternelle… » comme Malherbe, certain soir jécrivis :
Ce quelle aura touché est devenu une ombre
Il est comme un falot allumé par hasard
Qui tombe au fond dun puits dont la source profonde
Portera jusquau Styx le pauvre roi Richard
Tout bien considéré, aujourdhui, je ne sais sil faut raison garder !