I fé streut po les lådges à Lîdge
On a assez décrit au fil du temps le désastre architectural à la Ville de Liège au sortir des crises bétonnières des années soixante dont le Bourgmestre Destenay fut le porte drapeau, pour revenir une xième fois sur les pertes irréparables des témoins dune architecture dune grande qualité qui depuis le comblement des bras de la Meuse jusquaux années vingt ont témoigné dune époque.
Le résultat actuel est pitoyable, tant par le peu dunité des décors que par la laideur des buildings qui ont poussé un peu partout à côté densembles plus modestes rendant les perspectives Sauvenière et Avroy irregardables, sans oublier les parkings dénaturant ce quil restait de verdures avec la piste centrale du bus ajoutant sa note au chaos apparent.
La Place Saint-Lambert telle quelle soffre à nos yeux nest pas ce que lon peut appeler une parfaire réussite, mais elle a le mérite den terminer avec une catastrophe locale vieille de trente ans. Il valait mieux nimporte quoi que ce trou béant infâme qui a été le symbole de léchec complet des bétonneurs. Reste que la polémique nest pas close. Il faut « fermer » cette place côté gare du Palais et côté Tivoli.
Quand on voit la manière dont on a résolu le problème côté Saint-Michel, on peut douter de la capacité de larchitecture à la Strebel de conclure par un coup déclat. Il y a contraste entre ce bloc de bâtiment de type stalinien avec lélégante façade de lancien Grand Bazar. On peut dire demblée quil ny a aucune unité entre ces deux architectures. Il était évident quil fallait orner la façade Saint-Michel et surtout ne pas employer ce matériau clair dont on ignore encore comment au fil des ans il va évoluer. Lensemble de la place est déjà si hétéroclite et disparate quon appréhende la suite.
La prétention de la justice à saccrocher à notre palais historique en dit long sur la volonté den prolonger les bureaux par des annexes de proximité dont il est impossible de concilier la fonctionnalité et lesthétique par rapport à la façade côté gouverneur. On va donc du côté de la gare du Palais nous sortir un bidule qui ressemblera peu ou prou à ce dont a été capable ceux qui ont construit lIlot Saint-Michel. Quoi que lon fasse, il faut donc sattendre à une nouvelle calamité visuelle qui va poursuivre lœil des Liégeois pendant au moins deux générations.
Naurait-il pas été plus simple de repenser lensemble de la Justice liégeoise sur un terrain – et il y en a encore de disponibles en-dehors du site de Bavière, notamment en Publémont et Fond des Tawes – qui aurait au moins deux mérites, celui de regrouper tous les services et de ne pas trop montrer sa modernité fonctionnelle probablement affreuse dans le centre historique de Liège ?
Des riverains se sont offusqués de cette offensive du mauvais goût et le Conseil dEtat na pas fini dexaminer les plaintes en annulation.
Reste le côté Tivoli où là aussi, cest la foire dempoigne. Faut-il boucher la vue sur la place du Marché et si oui, par quoi ? On nest pas près de trouver une solution à la fois fonctionnelle et esthétique.
Mais comment voulez-vous que dans une ville qui est fière de son esplanade remplaçant la prison Saint Léonard, on fasse lunanimité sur ce quest le bon goût et sur ce quil faut démolir ou sauvegarder ?
Car, au lieu de garder les quatre tourelles dangle de la prison et sa porte monumentale sur le mur de laquelle était une plaque à la mémoire de ceux qui y sont morts lors de lOccupation allemande, on a préféré tout raser pour nous construire « rien » ! Cest à dire un immense désert, inutile, sans cachet, sans relief et sans caractère, se terminant par ce pont ridicule et déjà dégradé qui ouvre aux promeneurs la promenade des coteaux de la Citadelle !
Sil avait eu du génie, larchitecte qui a dessiné cette place aurait fait en sorte que le fond se marie avec la colline en sélevant progressivement, en passant au-dessus de la rue Vivegnis.
Une place doit être un lieu de rassemblement, déchange… or celle-ci na aucune utilité. Elle nest même pas intégrée dans le marché de la Batte qui se déroule le dimanche matin sur les quais de la Meuse toute proche.
Comme, tout de même cette platitude étonnante avait de quoi surprendre, on a pensé compenser cet effet par la pyramide de bobines de Julos Beaucarne ! On se croirait dans un dépôt dElectrabel… Mais qui donc à la Ville de Liège décide que telle chose est un monument et telle autre un déchet de dépotoir ? Nous avons un autre exemple avec ces demis cercles dacier devant lhôtel de Ville qui font penser à un squelette dune baleine qui se serait échouée là par hasard. (Depuis nous en avons été débarrassés. Merci!)
Cette Ville au sortir de la guerre 40-45 avait des défauts, ses bâtiments avaient besoin dune importante rénovation, dautres pouvaient être rasés sans mal, mais lensemble semblait cohérent de Coronmeuse aux Guillemins.
Des fous furieux se sont emparés de ce qui existaient, rêvant dAmérique. Ils se sont rêvé les bâtisseurs dun nouveau Manhattan. Quand leur baudruche sest dégonflée, cétait trop tard. Des monuments avaient été détruits, des rues entières avaient disparu quelques hideurs avaient eu le temps de pousser comme le building de la Cité administrative, lensemble des Contributions qui pose aujourdhui problème à la perspective de la nouvelle gare des Guillemins et lensemble des Chiroux, sans compter quelques chicots de vingt étages à côté de bâtiments anciens lilliputiens.
A présent que cette mode à la Le Corbusier-Empire State Building sest effondrée dans les désastres dont Droixhe est la belle illustration, nous devenons les champions de linachevé et du saugrenu, une sorte de record kitsch quaucune ville flamande nous envierait tant, les architectes et les Administrations communales de Flandre ont été bien plus intelligents que nous en matière de restauration et sauvegarde du patrimoine.
Même Bruxelles, pourtant si dévastée par les spéculations immobilières, est moins outragée que la nôtre dans son centre ville.
Une seule belle rénovation qui promet : celle de lensemble muséal de Féronstrée, cest peu.
Après ça, on aura beau soupirer après nos belles façades anciennes, numérotées et dont on serait bien en peine de restituer le puzzle, rien ne nous fera revenir sur les erreurs du passé.
Vigilants sur lavenir ? Peine perdue, on nécoute pas les doléances des gens. Il ne reste plus quà émigrer à Gand, Louvain ou Bruges, si on ne veut pas être malade à la vue dune ville que lon ne reconnaît plus… et apprendre le Flamand.