Le nœud de laiguillette.
- Je ne leur plais pas, cest tout.
-Comment sais-tu que tu ne leur plais pas, si tu ne leur montres pas de lintérêt ?
-Jen montre. Mais si jen montre trop, ça les effraie et trop peu, je passe inaperçu.
- A 32 ans, quand même, tu nas jamais réussi à en séduire ne fut-ce quune ?
- Non.
-Quest-ce tu fais, alors ?
-Mais rien. Jattends.
- 1 m 85, 74 kg, yeux bleus et cheveux châtains… peut-être les yeux trop près du nez, à la Richard Geere ? Je ne vois pas pourquoi tu ne leur plairais pas.
- Tu sais, je ne ferais pas le difficile…
-Par exemple moi ? 85 – 65 – 90 pour 1 m 72 et 56 kilos, je ne suis pas un peu forte ?
- Non. Tu es parfaite. Juste celle quil me faudrait, mais voilà, nous sommes amis depuis longtemps.
- Oui, nous sommes amis.
-Et puis tu me connais trop bien. Tu ne voudrais pas sortir avec moi.
-Evidemment, si tu ne me le demandes pas.
-Quand bien même je te le demandais, tu refuserais. Nous sommes amis.
-Cest vrai nous sommes amis.
-Et puis quadviendrait-il, si tu refusais ?
- Tu te poses trop de question. Tu dois te lancer, par exemple, essaie avec moi, rien que pour savoir si tu as la bonne manière de ty prendre.
-Rien que pour savoir ?
- Bien sûr.
-Maryse, on est allé à lécole ensemble. On se connaît depuis belle lurette. Nous avons grandi et, comme un idiot, cest seulement maintenant que je maperçois combien tu es jolie et comme tu me plais. Veux-tu quon sorte ensemble ?
- Oui, Maurice.
- Avec toi, cest facile, puisque cest un jeu et quil nest pas question quon sorte tous les deux…
-Pourquoi ?
-Mais parce que nous sortons déjà.
-En amis !
-Oui en amis. Je ne parlerais pas de la même manière à Louise.
-Pourquoi ?
-Je noserais pas.
-Quest-ce que tu lui trouves de plus quà moi ?
- Je ne suis pas son ami. Et si je lui parlais comme je te parle, elle me trouverait bien empressé, trop sûr de moi et ce serait fichu à lavance. Je le sais.
-Alors, tu nas plus quà poursuivre et sortir avec moi en ami…
-Dautre part, si je sors tout le temps avec toi, les autres vont croire quil y a quelque chose entre nous et jaurai encore plus de difficulté à rencontrer une fille qui voudrait bien…
-Alors ne sors plus.
-Oui, mais jaime sortir avec toi. Je suis flatté quand tu me prends le bras, quand nous partageons un sachet de pop-corn ou que nous écoutons du jazz chez Jean-Marie.
-Et si nous faisions semblant ? Peut-être que les filles que tu connais seraient jalouses et quainsi tu pourrais te lancer ?
- Cest une idée, en effet.
-On pourrait sembrasser. Je me blottirais dans tes bras et tu me dirais "je taime".
-Ce serait formidable. Mais cest impossible.
-Pour quelle raison ?
-Si je venais à méprendre de toi ?
-Où serait le mal ? Moi, je taime ?
- Ce serait pire encore.
-Même si cest vrai.
-Même. Tu es trop gentille. Je ne veux pas de ta pitié. Je veux quon maime pour moi-même.
-Mais…
-Tu serais capable de me le dire, rien que pour ma faire plaisir. Je ne le supporterais pas.
- Eh bien ! Oui, je taime et pas par pitié. Je taime parce que je taime et puis, marre à la fin que tu ne le voies pas !...
-Tu vois, même ainsi, tes aveux sonnent faux. Tu ne me convaincs pas ! Ce nest pas à la fille de faire le premier pas.
-Où as-tu pêché ça ?
-Peu importe.
-Ne viens-tu pas de me faire une déclaration damour, à linstant ?
-Oui, mais cétait pour rire, par jeu. Cest toi qui las dit.
- Ecoute Maurice, à 32 ans, moi presque pareil, nous ne sommes plus des enfants.
-Merci Maryse, jai bien compris, va, que tu ne voulais pas détruire notre amitié. Cest gentil quand même dessayer de me donner le moral. Je crois que je finirai ma vie tout seul…
-Alors là, cest bien la première fois que nous sommes daccord.