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Le procès de Mickey.

- Que viens-tu de dire, là ?
- …que le bordel fait autour du procès de Michael Jackson a quelque chose de révoltant.
- Tu ne devrais pas parler comme tu le fais!
- Ah ! non… pourquoi ?
- Tu emploies des mots trop violents et…
- …ce n’est pas sur l’affaire en elle-même que tu me dis de ne pas dire cela ?
- C’est sur la façon d’en parler. Bordel, révoltant… tu ne te rends pas compte. C’est dur…
- Tu trouves que mon vocabulaire n’est plus adapté à l’air du temps ?
- C’est ça. Tu devrais dire par exemple « confusion » au lieu de « bordel » et « déroutant » au lieu de « révoltant ».
-Comme ça les gens ne se sentent pas agressés. C’est mieux à ton avis ?
-Exactement.
-Au lieu de dire qu’une telle, en changeant le mobilier de son ministère, à la folie des grandeurs, je devrais dire « elle a modifié le look de son ministère de façon significative, mais de manière un trop dispendieuse. »
-Ce n’est pas bon non plus. C’est trop compliqué. Il faudra que les gens aillent voir la signification de « dispendieuse » dans le dictionnaire. Or, ils vont trouver que dispendieux signifie « cher, onéreux », ils vont être choqués…
-C’est encore trop dur à entendre ?
-Je ne te le fais pas dire. Nous sommes à une époque de civilisation douce. Les gens s’effraient des mots.
-J’ai remarqué. Ils s’effraient des mots plus que des événements.
-C’est par réaction avec les épouvantables choses qui se passent dans des pays lointains.
-Tu résumes bien l’opinion « épouvantables choses » c’est neutre, encore que « épouvantable », mais passons. « Pays lointains » là c’est magnifique. Tu ne parles pas d’Irak, d’Afghanistan, du Congo. Bref, tu n’éveilles pas chez l’autre le vif sentiment d’agression lui tombant dessus d’un point précis du globe… le vague toujours.
-C’est ainsi qu’à l’avenir on s’exprimera.
-Plus la situation sera difficile, intolérable, plus on donnera l’impression du bonheur, de la légèreté des êtres. Je comprends. Ce qui fait qu’au bout du compte le langage sera codé et pour dire « difficile », on dira que la situation était presque parfaite.
-Oui, c’est le « presque » qui mettra un doute dans l’esprit.
-Pour te résumer, si je parle de politique, je ne dois jamais dire que c’est grave. Avant la situation était mauvaise et c’était grave. La même aujourd’hui est désespérée, mais ce n’est pas grave.
-Voilà tu as tout saisi.
-J’ignorais que nous étions un pays plein de gens traumatisés par les mots ?

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-Une névrose générale.
-Mais qu’est-ce qui génère de la souffrance à un point pareil ? La faim dans le monde ? Les bas salaires ? Le cancer ? La délinquance urbaine ?
- Non A ce stade, ce qui écorche les gens, c’est leur famille. Les conflits entre générations,
les complexes d’Œdipe, vieillir, maigrir quand on est gros et moins souvent grossir quand on est maigre.. un sentiment général de culpabilité… un mal être…
-La mort ?
-Malheureux, ne prononce jamais ce mot. Personne ne veut plus en entendre parler.
-Les consultations en psychiatrie doivent aller bon train.
-Non. C’est d’abord le psy qui fait la bonne affaire.
-Ils vont s’y faire engueuler ?
- Non. Au contraire. Ils vont chercher de la compréhension et de la douceur. Ils y racontent leurs peurs, leurs angoisses. Pourquoi ils n’ont pas su dire « je t’aime » à leur petit dernier. Comment ils ont mal vécu leur dernier dimanche chez tante Sophie…
-C’est vachement intéressant.
-Non. « vachement » est de trop.
-Ils parlent de leur boulot, de la chienlit du Vlaams Belang, de la société du fric ?
-Pas du tout. Ils ont évacué ces problèmes grâce à la bénignité de leurs pensées, de la douceur des mots qui sortent de leurs bouches et de l’effroi que des types dans ton genre leur suggèrent.
-Ça arrange bien l’exploiteur, cette grande douceur.
- L’entrepreneur industriel suit le mouvement. Bien entendu. Il ne licencie plus, il met à disposition. Le préavis n’est plus qu’un délai d’attente… La perte du salaire est devenu un réajustement nécessaire.
-Comme la femme d’ouvrage est devenue technicienne de surface. J’ai compris. C’est admirable. Plus de gros mots, d’agressions verbales, mais de la douceur. C’est le temps de la tendresse.
-Pas du tout. La tendresse est ce dont ils se méfient le plus avec le stress.
-Ce sont de grands stressés ?
-Plus que jamais. Ils le disent partout. Mais, ils ont apprivoisé leur mal de vivre. Ils s’en accommodent. Quand ils manquent de stress, ils replongent dare dare dans leur passé pour recharger leur ressenti.
-Ils aiment souffrir, en quelque sorte.
-Oui, mais avec distinction et ils n’aiment pas qu’on le leur dise.
-Merde ! Oh ! excuse… on parlait du procès de Michaël Jackson.

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